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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 16:24

 

 

 

1. Les Dioscures sur la voie de la divinisation.

 

Les Dioscures (=fils de Zeus ; en grec : Dioskouroi), natifs de Sparte, portent les noms de Castor (= « Eclatant ») et de Polydeucès/Polydeicos (= « Très Brillant » ; Pollux, en latin). Leur mère est Léda, mais ils sont de pères différents : Castor est le fils de Tyndare (raison pour laquelle on appelle parfois les Dioscures, « Tyndarides »), époux de Léda, alors que Pollux est lenfant de Zeus (qui sétait métamorphosé en cygne pour séduire Léda).

 

Plus précisément, Léda conçut deux œufs, dans chacun desquels il y avait un garçon et une fille : Castor et Clytemnestre (enfants de Tyndare), Pollux et Hélène (enfants de Zeus). Les Dioscures sont également appelés soteres (=Sauveurs), parce quils apparaissent au moment crucial dun combat ou lorsque la tempête fait rage.

 

Inséparables, les deux frères, élevés ensemble à Sparte, apparaissent dans un grand nombre daventures communes (expédition contre Athènes, chasse au sanglier de Calydon, expédition des Argonautes, quête de la Toison dOr). Il est dit que lors de lexpédition des Argonautes, Castor se fit remarquer par son art de léquitation, alors que Pollux, lui, se distingua dans lart de la lutte, en sortant victorieux dun combat contre Amycos, le roi géant des Bébryces.

 

Toujours dans le cadre de cette expédition, les Dioscures fondèrent une ville en Colchide, sur la mer Noire : Dioscurias (ou Iskouriah, Isgaur, Sebastopolis), qui devint un grand centre commercial. Cest aussi durant laventure des Argonautes que les Dioscures seraient apparus sous la forme de feux (ou de moineaux, selon une autre version) au-dessus du bateau Argo, Zeus signifiant par là quil prenait le bateau et son équipage sous sa protection. A noter que ce phénomène lumineux, bien connu sous le nom de « feu de saint Elme », fut longtemps désigné par les noms de « Castor et Pollux ».

 

Lorsque Thésée enleva Hélène, encore toute jeune, pour lemmener à Athènes, rivale de Sparte, Castor et Pollux levèrent une armée et envahirent lAttique. Pendant l’absence de Thésée, qui s’était rendu aux Enfers, Castor et Pollux vinrent libérer Hélène pour la ramener à Sparte, de même qu’Ethra, la mère de Thésée, qu’ils prirent en otage.

 

Mais les Dioscures se livrèrent, eux aussi, au rapt de femmes et cela leur fut fatal. Ainsi enlevèrent-ils Phoïbê et Hilaera, provoquant la fureur de leurs fiancés, Idas et Lyncée, fils dApahée, qui poursuivirent Castor et Pollux, pour finalement tuer le premier et blesser le second. Selon une autre version (ou une version plus complète) de cette histoire, Castor et Pollux se seraient réconciliés avec Idas et Lyncée. Ils partirent ensemble, en Arcadie, mener une razzia de troupeaux. Cest Idas qui fut chargé de partager le butin entre les quatre chasseurs. Il décida de découper un bœuf en quatre et dit que le premier qui aurait terminé sa part, aurait une moitié, et le second, lautre moitié. Idas dévora sa part, aida Lyncée à terminer la sienne, ainsi les deux frères purent-ils se proclamer propriétaires du troupeau quils emmenèrent. Mais les Dioscures les suivirent et volèrent le troupeau pendant quIdas et Lyncée sacrifiaient à Poséidon sur le mont Taygète. Castor et Pollux se cachèrent ensuite dans un tronc darbre. Toutefois, Lyncée les ayant aperçus, plongea sa lance dans le tronc, tuant Castor et blessant grièvement Pollux. Ce dernier eut toutefois la force de tuer Lyncée dun coup de lance. Pollux, fils de Zeus, était le seul des deux frères à bénéficier de limmortalité et il fut enlevé dans les cieux par son père. Toutefois, ne pouvant se consoler de la disparition de Castor, Pollux demanda à Zeus de pouvoir partager son immortalité avec lui, un jour sur deux (un dans les Enfers et un dans lOlympe), ce qui lui fut accordé.

 

Ultérieurement, le premier des dieux grecs plaça les Dioscures dans le ciel où ils formèrent désormais la constellation des Gémeaux. On peut également rapprocher les Dioscures des Ashvins de la tradition hindoue.

 

 

 

2. Le culte des Dioscures divinisés.

 

Le culte des Dioscures divinisés sétendit bientôt de Sparte à toute la Grèce. De nombreux sanctuaires leur furent dédiés, principalement dans le Péloponnèse, notamment à Sparte et à Mantinée. Ce culte sétendit, par la suite, à la Sicile et à la péninsule italique, régions dans lesquelles on en fit des dieux marins. Ils furent aussi les protecteurs des jeux gymniques et inspirèrent les chantres qui se faisaient entendre lors de ces festivités.

 

En relation avec le monde maritime, les Dioscures le sont également avec lunivers des chevaux, particulièrement à Rome. Ainsi dit-on que lors de la bataille de Regille, les Dioscures, montés sur des coursiers, permirent aux Romains de remporter la victoire sur les Italiques. En mémoire de laide quils avaient apportée lors de cette bataille, les Dioscures étaient honorés le 8 avril par des fêtes que lon nommait dioscuries. Le dictateur Albinus leur voua ensuite un culte sur le Forum, à Rome, en face du temple de Vesta. Par ailleurs, la classe équestre romaine considérait les Dioscures comme ses patrons, et leur fête était établie au 15 juillet. Le peuple de Rome contribua à immortaliser Castor et Pollux par lusage de deux jurons : Edepol (« par Pollux ! ») et Ecastor (« par Castor ! »).

 

De manière générale, on vit dans les Dioscures les inventeurs de la danse et de la musique guerrières. Patrons des « bardes », ils étaient également considérés comme des dieux de lHospitalité, de la Longévité et de la Navigation.

 

3. Visualisation.

 

3.1. Les Dioscures sont généralement représentés sous laspect de jeunes héros, nus et imberbes. Ils sont aussi très souvent figurés en cavaliers, légèrement vêtus dune tunique ou dun chiton et montés sur des chevaux blancs. Ils portent parfois une étoile au front.

 

3.2. Les œuvres dart représentent parfois les Dioscures main dans la main ou montrent leurs deux profils superposés (médaille).

 

3.3. Les statues des Dioscures situées devant le Quirinal, à Rome, et hautes de quatre mètres, sont célèbres.

 

3.4. Il est dit aussi que les Dioscures peuvent parfois apparaître sous la forme de feux. Ils apparurent sous cette forme au cours de la guerre du Péloponnèse et voltigèrent autour du gouvernail de Lysandre, afin de lui annoncer quils lui apportaient leur protection. Il sagirait là, en fait, dun phénomène naturel bien connu sous le nom de « feux de Saint-Elme », le nom dElme lui-même nétant peut-être que la déformation du nom dHélène, sœur des Dioscures.

 

3.5. Il semble quà lorigine les Dioscures étaient représentés de manière abstraite sous laspect de deux poutres parallèles assemblées par deux poutres transversales (cétait là lemblème que les rois alliés emportaient à la guerre) ou encore, par deux amphores entrelacées de serpents.

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 30 septembre 2010.

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Hachette, 2000 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998.

 

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 17:21

 

 

  1. La légende de Médée.

 

 

Médée (en grec : Medeia) est la fille du roi Aiétès de Colchide. Sa mère pourrait être Hypsée, Idya, Eurylyte ou encore Hécate.

 

Dotée dun pouvoir magique, elle aida Jason et les Argonautes à semparer de la célèbre Toison dor, contre la volonté de son père, le roi Aiétès, qui en était le gardien. « Experte en lart de la magie, la jeune fille donna à son amant un onguent dont il devait senduire le corps pour se protéger des flammes du dragon qui veillait sur la Toison dor. Elle lui fit aussi présent dune pierre, quil jeta au milieu des hommes armés nés des dents du dragon : aussitôt, les guerriers sentretuèrent et le héros put semparer de la Toison. » (J. Shmidt) A noter, au sujet des onguents, que dans son « Excellent et moult utile opuscule à tous nécessaire qui désirent avoir connaissance de plusieurs exquises receptes » (Lyon, 1555), Nostradamus fournit la formule dun philtre damour dont la composition, dit la légende, remonterait à Médée.

 

Médée senfuit, en Grèce, avec Jason. Afin dempêcher Aiétès de les poursuivre, elle tua et dépeça son jeune frère Absyrtos, quelle avait pris en otage, et sema ses membres sanglants sur la route. Aiétès, fou de douleur, ralentit sa marche pour ramasser les morceaux épars du corps de son fils.

 

Zeus, horrifié par ce crime, obligea Médée et Jason à se faire purifier par Circé. Lorsque la purification fut faite et que Circé réalisa de quel crime abominable il sagissait, elle maudit le couple infanticide.

 

 

 

 

 

 

Médée et Jason

 

 

Médée et Jason firent étape en Phéacie, chez le roi Alcinoos. Mais ce dernier naccepta de les cacher quà la condition quils soient mariés. Il fut donc fait ainsi, même si Jason ne paraissait guère enthousiaste à lidée dépouser la terrible Médée.

 

Lorsque les Argonautes reprirent la mer, ils furent confrontés, au large de la Crète, à un géant nommé Talos auquel ils ne purent échapper quavec laide des pouvoirs magiques de Médée.

 

Ils arrivèrent à Iolcos, en Thessalie. Le roi dIolcos, Pélias, qui avait envoyé Jason à la recherche de la Toison dor, en espérant secrètement quil ne reviendrait pas vivant de cette expédition, le vit donc revenir avec le peu denthousiasme que lon suppose et refusa de lui céder le trône. Aussi, sous-prétexte de rajeunir Pélias, Médée, qui avait déjà montré par le passé, sa capacité magique à rajeunir les vieillards, convainquit les filles du roi dassassiner leur père, de le découper en morceaux et de le jeter dans un chaudron deau bouillante avec des herbes magiques. Mais Médée se garda bien, par la suite, de ressusciter Pélias, comme elle lavait promis.

 

Chassés par Acaste, Médée et Jason sétablirent à Corinthe. Au bout dune dizaine dannées de bonheur, Jason répudia Médée au profit dune princesse corinthienne nommée Créuse, fille du roi de Corinthe, Créon. Afin de se venger, Médée envoya à Créuse une robe magique qui la consuma et incendia le palais. Enfin, Médée égorgea les deux fils, Phérès et Merméros, quelle avait eu avec Jason, puis senfuit vers Athènes sur un char tiré par des dragons ailés.

 

Elle y épousa le roi Egée dont elle eut un fils, Médos (ou Medeios). Mais elle fut chassée par Thésée quelle avait tenté dempoisonner. Poursuivie par Thésée, elle disparut avec son fils Médos dans un nuage magique.

 

Après diverses aventures (elle se mesura sans succès à la néréide Thétis dans un concours de beauté ; en Italie, elle apprit aux Marrubes lart de charmer les serpents), Médée finit par retourner chez son père en Colchide qui avait été dépouillé de son trône par son frère, Persès. Selon les versions, Médée aida son père à reconquérir son trône ou y installa Jason.

 

 

 

 

 

Médée tuant son fils, amphore à figures
rouges campanienne, vers 330 av. J.-C.,
musée du Louvre (K 300)

 

2. A savoir également.

 

2.1. Médée fut lobjet dun culte en Thessalie ainsi quà Corinthe.

 

2.2. Tant pour les Grecs que pour les Romains, Médée était lexemple même de la « magicienne noire », plus dangereuse que sa tante Circé elle-même.

 

2.3. Certaines sources prétendent, par ailleurs, que Médée était prêtresse dHécate, qui pourrait même avoir été sa mère.

 

2.4. On représente Médée vêtue à lorientale, portant le bonnet phrygien ou encore, vêtue dhabits grecs.

 

2.5. Médée est également le titre d’une tragédie d’Euripide, réalisée en 431 avant l’ère chrétienne. Elle traite de la fin de l’histoire de Médée et de Jason.

 

 

Eric TIMMERMANS. ©

Bruxelles, le 28 septembre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Livre de Poche Jeunesse, 1996 / Dictionnaire de mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997.

 

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23 septembre 2010 4 23 /09 /septembre /2010 17:35

 

 

 

 

 

 

1. Agni, une importante divinité védique.

 

Agni, fils de Dyaus et de Prithivi, est le dieu du Feu et lune des principales divinités du panthéon védique. Il a deux épouses : Agnânî et Svâha. Il est « Celui qui purifie », mais également le « Souffle vital » et la « Conscience intérieure ». Agni-Yâtavedas est le feu des forces de la Conscience « averti de toutes les naissances », c’est la Conscience absolue qui embrasse l’intelligence de sa flamme spirituelle et la rend capable d’observer tous les mouvements au sein de la Mâyâ, l’Illusion. Agni est la Conscience divine universelle dans laquelle s’inscrit l’ensemble des mondes, des hommes et des dieux. Ainsi est-il dit d’Agni que, jusqu’à la fin des temps, il « restera au cœur du monde et dans l’intimité de chaque créature » (Varenne). Puissance d’illumination, tant intérieure qu’extérieure, le Feu est la clé de tout savoir, il est le dieu de la Science. Voilà pourquoi les anciennes chroniques d’Agni ou Agni Purâna, sont considérées comme l’encyclopédie des sciences traditionnelles. L’importance d’Agni dans la tradition védique tient au fait que c’est le Feu, maîtrisé par l’homme, qui a autorisé la vie à se développer et permis l’évolution de l’humanité. Agni apparaît comme un trait d’union entre les dieux et les hommes, et est présent dans tous les foyers et à toutes les cérémonies.

 

2. Le dieu védique du Feu.

 

2.1. Une personnification du Feu.

 

Le nom d’Agni peut être rapproché du latin ignis et du français igné. Il est le régent du Royaume du Feu dont il est aussi, dans les Vedas, une personnification : Agni est le feu sous toutes ses formes. De nombreux hymnes lui sont consacrés. De fait, le Feu est lun des objets de vénération les plus anciens et les plus sacrés de lhindouisme. Des cinq éléments de la nature, le Feu est considéré comme le plus important car il est assimilé à la vie par opposition au froid mortel. La mythologie d’Agni se réduit à l’interprétation des phénomènes naturels liés au feu et à l’utilisation de celui-ci dans le domaine rituel. Ainsi dit-on par exemple, lorsqu’on frotte deux morceaux de bois l’un contre l’autre pour obtenir du feu, qu’Agni est « Fils de la Force », à savoir celle qu’il a fallu utiliser pour l’engendrer, alors que l’officiant est considéré comme « celui qui a débusqué le dieu caché », car Agni était présent, mais invisible, dans le bois utilisé. On peut également faire valoir une union sexuelle du bâton mâle avec le bâton femelle dont Agni passe pour être le « nourrisson », qualité qu’il conservera jusqu’à son installation sur l’autel.

 

2.2. Le feu organisateur de l’univers.

 

Cest Agni qui dynamise lunivers et le crée concrètement. Ce qui ne signifie pas quAgni soit un démiurge mais que lorsquun nouvel univers doit apparaître, cest Agni qui se manifeste en premier par la chaleur et la lumière qui jaillissent du germe originel qui est, lui, un reste de lunivers précédent. Agni est toutefois subordonné au Seigneur, quel que soit son nom (Indra, Shiva, Vishnu). Le dieu du Feu n’est donc qu’un exécutant, mais la divinité créatrice ne peut rien réaliser sans lui. Par exemple, l’on dit aussi d’Agni qu’il est le « Fils des Eaux » (=Apâm Napât) car cest du fait de son action que les eaux ont été partagées en rivières, en mers, en fleuves, en océans, etc.

 

2.3. Une Trinité du Feu.

 

Agni est donc le Feu sous toutes ses formes. Il se manifeste notamment dans le Ciel sous la forme du Soleil, dans lAir sous celle de lEclair et sur Terre sous lapparence du Feu. Dans lordre des Trois Mondes Terre, Espace, Ciel- il règne plus particulièrement sur la Terre, alors que Vâyu règne sur lEspace et Sûrya sur le Ciel. Ces trois divinités forment une triade appelée « trimurti ».

 

2.4. Le feu du foyer.

 

Agni apparaît comme un protecteur du Foyer, de la Famille, à l’exemple des déesses Vesta et Hestia. Il est aussi le garant de la piété filiale. De fait, la famille s’articule autour d’un foyer domestique au cœur duquel brûle un feu qui jamais ne s’éteint. Ainsi, à proximité dudit foyer domestique place-t-on les statuettes des ishta-dévatâ (=divinités d’élection) du clan auquel appartient le chef de famille. Agni est donc présent, comme témoin et protecteur, lors de tous les événements importants qui interviennent dans la vie de l’individu (nom donné à l’enfant à la naissance, initiation, mariage, décès…). Peut-être est-ce là, dans ce culte centré sur le foyer familial, qu’il faut trouver l’origine de la religion dévotionnelle (ou bhakti) qui prévaut dans l’hindouisme postvédique.

 

2.5. Le feu purificateur.

 

Agni est aussi « Celui que l’on ne peut tromper » et c’est donc tout naturellement à lui que l’on confesse ses fautes éventuelles et auquel on demande la purification qui permettra au fautif de retrouver sa place au sein de la communauté. Cette demande de purification-réintégration est généralement accompagnée d’un vœu de pénitence et dans des cas extrêmes, on en appelle à Agni pour attester la véracité d’une déclaration. Ainsi oblige-t-on celui dont les proclamations d’innocence paraissent douteuses, de saisir un fer rougi au feu : s’il ment, il sera brûlé, si par contre il dit la vérité, il sortira indemne de l’épreuve et cela signifiera qu’Agni, l’ « Omniscient », Jâtavedas (=Celui qui connaît ou qui possède toutes les créatures), aura témoigné en sa faveur. Cela n’est pas sans rappeler l’ordalie longtemps pratiquée dans l’Occident chrétien. Dans le Râmayana, Sitâ, suspectée d’avoir entretenu des relations coupables avec le démon Râvâna, se jette dans le feu pour démontrer son innocence à son époux Râma. Les flammes s’écarteront d’elle car Agni la savait innocente de ce dont on l’accusait.

 

2.6. Le feu dévoreur d’offrandes.

 

Agni est dit Vaishvânara (=Feu digestif), l’une des cinq formes naturelles de feu, la forme qui représente l’absorption de toutes choses (à noter que Vaisvânara sera assimilé au dieu de la Richesse Kubera, au Sri Lanka, et lors de l’introduction du bouddhisme dans l’île, il sera présenté comme un défenseur du Bouddha). Agni est donc « Celui qui mange les offrandes », celles-ci, faites aux dieux, étant livrées au feu, Agni se chargeant de les porter, de les transmettre à leurs divins destinataires. Il est le convoyeur (vahni) des offrandes faites aux divinités. On dit alors qu’Agni prend l’offrande « dans ses bras » et la porte à la divinité invoquée qui habite l’espace céleste. Présentée par Agni, l’offrande ne peut qu’être acceptée et les requêtes qui l’accompagnent ont toutes les chances d’être exaucées. Selon une autre approche, c’est l’odeur des offrandes et le crépitement de celles-ci dans les flammes qui, à l’invitation d’Agni, attirent les dieux jusqu’à l’autel où brille le feu, et les prières de l’officiant sont donc dites en leur présence. « Qu’il s’agisse de simples prières ou de gestes religieux plus élaborés, on doit jeter sur les braises une offrande appropriée : grains, beurre fondu, encens, etc. Le crépitement de la flamme consumant ces substances indique que le dieu agrée l’oblation. » (Varenne) Dans tous les cas, Agni apparaît donc comme un messager et un médiateur ; il se fait l’avocat du sacrifiant auprès des dieux qui se montrent parfois réticents. Dans le même ordre d’idée, c’est Agni qui est le maître de cérémonie lors des funérailles, où le Sacrifiant, en un dernier sacrifice, s’offre lui-même au dieu par l’incinération de son corps, afin qu’Agni le conduise au domaine céleste. C’est donc d’Agni que dépend l’efficacité du rite et voilà pourquoi, comme nous l’avons dit, tant d’hymnes lui sont consacrés dans le Véda. Il arrive aussi que l’oblation soit dédiée à Agni lui-même auquel il est demandé aide et protection, mais dans la grande majorité des cas, la prière s’adresse à d’autres dieux.

 

2.7. L’Agnihotra.

 

Le rituel de l’Agnihotra consiste à verser une oblation dans le feu. Il s’agit d’un rite d’adoration de la flamme, d’une offrande de lait à Agni qui se déroule tous les matins et tous les soirs. Lorsque l’on célèbre ce culte, Agni ouvre et clôture le rituel. Ainsi apparaît-il à l’aube, qui correspond à la première célébration de l’Agnihotra, et au crépuscule, qui correspond à sa seconde célébration, de même que lors de la création du monde et lors de sa dissolution. Cet acte religieux de la tradition védique est jugé nécessaire à double titre : pour le salut du Sacrifiant lui-même et pour l’ensemble de la communauté des Aryas. Voici l’Agnihotra tel qu’il est commenté dans l’Apastamba Srautasûtra (6,1) :

 

Om !

L’intelligence est la cuiller ;

la pensée est le beurre clarifié ;

la voix est le vedi ;

la méditation est la jonchée ;

la connaissance est le feu ;

le Seigneur de la voix est l’Oblateur (ndr : Hotar);

l’esprit est l’upavaktar ;

le souffle vital est l’oblation ;

le sâman est l’Acolyte (ndr : Adhvaryu) !

 

Au-delà de la simple exécution du rituel, Agnihotra désigne aussi la compréhension du sens de cette célébration. En réalité, le rite ne fait que préparer et sous-tendre la contemplation.

 

2.8. D’autres aspects d’Agni.

 

2.8.1. Il est dit que le sage Kapila est l’une des formes du feu sacrificiel Agni.

 

2.8.2. Le feu de la colère est dit Kopa Agni.

 

2.8.3. Le « Feu froid » est dit Shîtâgni.

 

2.8.4. On identifie également le dieu de l’amour, Kama, à la forme d’Agni correspondant au feu dévorant de la passion.

 

2.8.5. Il existe aussi cinq formes de feu rituelles :

-Brahma-agni (=Feu de l’Immensité).

-Prâjâpatya-agni (=Feu du Progéniteur).

-Gârhapatya-agni (=Feu du Foyer ; également nommé « dominical » car il est le feu du maître de maison). L’espace entre Gârhapatya et Âhavanîya, le Feu consacré, constitue l’autel où sont disposés les offrandes, les instruments du culte et surtout la jonchée où les dieux viennent prendre place.

-Dakshina-agni (=Feu des Ancêtres). Dans la religion védique, les rituels ne nécessitaient ni temples, ni idoles. Un terrain délimité et consacré suffisait. On y installait trois feux –parfois plus- : Dakshina, Âhavanîya et Gârhapatya. Dakshina est le Méridional, car il est établi au sud ou « à droite », l’aire sacrale étant orientée.

-Kravyada-agni (=Feu du Bûcher Funèbre).

 

 

 

3. A savoir également.

 

3.1. Agni est représenté monté sur un bélier nommé Ram, avec un corps rouge, trois jambes, quatre bras, deux visages, sept langues de feu et des dents dor. Sept rayons de lumières émanent de son corps. Agni est souvent représenté avec deux visages opposés, à l’exemple de Janus.

 

3.2. Dans une main, Agni tient une hache, et dans lautre, une cuillère servant aux libations. Parmi ses attributs, l’on compte également une épée, que la déesse Durgâ brandira durant son combat contre les démons, de même qu’un arc, nommé Gândiva, qu’Agni tenait de Varuna et qu’il donnera à Arjuna, l’un des cinq frères Pândava, dans le contexte de l’épopée du Mahabharata. Agni possède également une arme nommée Agni Astra ou Âgneyâtra, c’est-à-dire une flèche ou une arme de feu.

 

3.3. « Aucun temple ne lui est consacré : ce nest pas nécessaire puisquil est présent dans chaque maison et dans les sanctuaires où les « grands dieux » sont honorés. » (Varenne)

 

3.4. Dans les directions de l’Espace, le quartier sud-est est dévolu à Agni.

 

3.5. Il est dit dans le Kena Upanishad (III) qu’Indra fut le premier témoin de la Réalité ultime, le Brahman, apparu sous la forme d’un brin d’herbe qu’Agni ne put consumer.

 

 

 

Eric TIMMERMANS ©

Bruxelles, le 23 septembre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de lhindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Lempreinte sacrée du Bouddha, E.F.C. Ludowyk, Plon, 1958 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / Le Védisme. Léveil de la spiritualité indienne, Bernard Baudouin, Editions de Vecchi, 1997 / LInde mystique et légendaire, Louis Frederic, Editions du Rocher, 1994.

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22 septembre 2010 3 22 /09 /septembre /2010 18:42

 

 

 

 

 

1. Mercure, dieu-messager et dieu du négoce.

 

Equivalent romain de lHermès des Grecs, Mercure est vraisemblablement, à lorigine, une divinité du négoce, et plus particulièrement du commerce des grains. Cette référence aux céréales le rapproche de la déesse Cérès. En effet, le nom de Mercure est à mettre en rapport avec merx (marchandise) et mercari (trafiquer). Les Romains virent également en Mercure le père des dieux Lares, protecteurs des chemins et dEvandre, le fondateur dune cité arcadienne située au pied du mont Palatin : Pallantée. On ne connaît aucune légende romaine se rattachant à Mercure. On le voit seulement apparaître dans lAmphytrion de Plaute (poète comique latin originaire de Sarsina, en Ombrie ; -254 / -184) où il joue le rôle dentremetteur au service des aventures amoureuses de Jupiter. Ce dernier poursuivait de ses assiduités Alcmène, lépouse dAmphytrion, un général thébain parti à la guerre. Jupiter prendra les traits dAmphytrion et Mercure ceux du valet de la maison nommé Sosie. Sen suivent des quiproquos et des confusions comiques auxquels le seul Jupiter parviendra à mettre un terme en reprenant sa forme divine. Ce thème sera, des siècles plus tard, repris par Molière. Du fait de lhellénisation, Mercure fut assimilé à Hermès dont il prit les attributs et les légendes, la représentation de Mercure se confondant, en outre, totalement avec celle dHermès.

 

2. A savoir également.

 

2.1. La fête principale de Mercure était célébrée le 15 mai.

 

2.2. Mercure constitue une triade divine avec Minerve et Jupiter.

 

2.3. Dès 495 avant lère chrétienne, Mercure eut son temple à Rome. Il était relié à un genre de bourse, de place financière.

 

3. Visualisation.

 

La plus célèbre représentation de Mercure est une peinture qui figure sur un magasin de la « via dellAbbondanza », à Pompéi. Elle montre le dieu revêtu dun large manteau, doté dailes aux sandales et au chapeau, sortant dun temple et tenant dans sa main droite une bourse remplie dargent. Mercure semble être sur le point de donner au négociant travailleur, sa part de bénéfice. Notons quà lorigine, Mercure avait sa demeure dans une pierre en forme de borne et était même représenté sous cette forme.

 

 

 

 

 



4. Mercure et le Mercurius.

 

4.1. En alchimie : « Dans les ouvrages alchimiques, le terme « Mercurius » possède de nombreuses significations ; il désigne non seulement le mercure, élément chimique [le vif-argent], le dieu Mercure [Hermès] et la planète Mercure –mais aussi et surtout la « substance transformante » secrète, qui est en même temps l’ « esprit » demeurant en toute créature vivante. Ces différentes significations apparaîtront plus clairement dans le cours de l’ouvrage. Il aurait été trompeur d’utiliser le français « Mercure » ou « mercure » car il y a de nombreux textes où ni l’un ni l’autre de ces termes ne pourraient exprimer la richesse des implications contenues dans « Mercurius ». C’est pourquoi il a été décidé de garder le latin « Mercurius », comme dans l’édition allemande de ce livre, en l’orthographiant avec majuscule (puisqu’il est personnifié) mais en le faisant précéder de l’article, puisqu’il s’agit aussi d’une substance. –N. d. T. d’après une note de l’auteur pour l’édition anglaise. » (« Psychologie et Alchimie », C.G. Jung). Il semble également qu’en alchimie, le mercure, en tant que métal, est le principe femelle. Il est parfois symbolisé par un coq, attribut d’Hermès, en tant que représentation de la hardiesse et de la vigilance.

 

4.2. En astrologie : Mercure symbolise l’adolescence, l’observation, la réflexion, l’adaptabilité aux événements. L’on prétend que Mercure, messager des dieux, relie le corps et l’esprit. Doué pour l’échange et la communication, le « mercurien » passe pour être drôle et intelligent. Chacun jugera…

 

4.3. Superstitions : On dit que porter sur soi un talisman de Mercure permet de ne craindre ni les fièvres ni les pertes de mémoire. Si l’on glisse ce talisman sous l’oreiller lorsqu’on se met au lit, on trouvera une solution à n’importe quel problème. Cette croyance serait vraisemblablement d’origine médiévale. A cette époque, il semble que l’on croyait déjà que porter sur soi l’effigie de Mercure permet d’acquérir une bonne mémoire, de même qu’un esprit subtil et que ladite effigie constitue également un gage de chance, tant dans le domaine du commerce que dans celui du jeu.

 

4.4. On retrouve le nom de Mercure dans le mot « mercredi », raison pour laquelle il est dit que ce jour de la semaine lui est consacré.

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 22 septembre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire des superstitions, R. Morel et S. Walter, Marabout, 1972 / Dictionnaire des symboles, des arts divinatoires et des superstitions, Gabriel Lechevallier, Maxi-Poche Connaissance, 2003, p. 194 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Psychologie et alchimie, C.G. Jung, Buchet/Chastel, 1970, p. 37-38.

 

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21 septembre 2010 2 21 /09 /septembre /2010 17:59

 

 

Leborcham (=Longue Boiteuse), fille de Oa (=Oreille) et de Adarc (=Corne), est la messagère du roi dUlster, Conchobar. Elle est si rapide qu’elle peut parcourir toute l’Irlande en une seule journée et informer le roi de tout ce qui s’y passe. Connue pour sa grande laideur, Leborcham est décrite de manière assez étrange : ses deux pieds et ses deux genoux sont à l’envers, de même que ses deux chevilles et ses deux cuisses. Leborcham apparaît dans plusieurs récits de la tradition celtique dIrlande :

 

-Dans le récit du Siège de Dun Etair, Leborcham appelle les Ulates (=gens d’Ulster) à se porter au secours des leurs, assiégés dans la forteresse de Dun Etair, par les gens de Leinster.

 

-Dans le récit de lHistoire de Déirdré, Leborcham est la seule personne autorisée par Conchobar, en plus dune nourrice, à pénétrer dans la maison de Déirdré. Cest à Leborcham que celle-ci déclarera que le seul homme quelle pourra aimer, portera sur lui les trois couleurs suivantes : le noir (la chevelure comme le corbeau), le rouge (les lèvres comme le sang) et le blanc (la joue comme la neige).

 

-Dans le récit de la Courtise de Luaine, Conchobar enverra Leborcham lui chercher une jeune fille digne de lui. Leborcham lui amènera Luaine.

 

-Dans le récit des Enfances de Cûchulainn, cest Leborcham qui apercevra la chevauchée fantastique de Cûchulainn revenant à Emain Macha, capitale de l’Ulster, et qui lannoncera à tout le monde.

 

-Dans le récit de lIvresse des Ulates, Conchobar envoie Leborcham chercher Cûchulainn pour linviter aux célébrations de Samain (1er novembre).

 

-Dans le récit de La mort de Cûchulainn, Conchobar fait avertir Cûchulainn, par Leborcham, de ne pas combattre les armées dIrlande et de revenir immédiatement à Emain Macha. Cest aussi Leborcham qui ira à la rencontre de Conall lorsque celui-ci abordera en Irlande, afin de linformer, à la demande dEmer, de la mort de Cûchulainn.

 

 

Eric TIMMERMANS©

Bruxelles, le 21 septembre 2010.

 

 

Sources : Lépopée celtique dIrlande, Jean Markale, Petite bibliothèque Payot, 1973 (p. 63, 65, 68, 87, 115, 132, 136).

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14 septembre 2010 2 14 /09 /septembre /2010 17:25

 

 

1. Ek Chuah dans la Tradition maya.

Ek (=noir) Chuah n’apparaît qu’une seule fois dans le codex de Dresde, mais il est fréquent dans le codex de Madrid. On l’identifie aussi au « dieu M ». Dans le panthéon maya, Ek Chuah est le dieu des Marchands et des Voyageurs. Il remplit là un rôle similaire à celui de Ganesh, dans lhindouisme, ou à celui dHermès dans la tradition hellénique. Ek Chuah nest pas lunique dieu des marchands du panthéon maya, mais il semble quil en est le plus célèbre. Ainsi aide-t-il les marchands dans leurs échanges commerciaux et les protège-t-il durant leurs voyages, notamment contre les attaques dautres dieux, tels que le dieu de la Guerre et des Sacrifices. Il a en cela une fonction guerrière. On le représente parfois portant une charge et armé dune lance.

 

Durant leurs voyages, les marchands offraient du copal à Ek Chuah, afin quil les fasse revenir chez eux sains, saufs et heureux du résultat de leurs diverses transactions commerciales. « De leur côté, les voyageurs (cest-à-dire les négociants) avaient dans leurs bagages de lencens, «  et ainsi le soir, quel que soit lendroit où ils se trouvaient, ils dressaient trois petites pierres et mettaient dessus un peu dencens ; ils plaçaient devant trois autres pierres plates sur lesquelles ils mettaient de lencens, priant le dieu Ek Chuah de les ramener sains et saufs chez eux. » (Baudez).

 

Ek Chuah est naturellement lié à Xaman Ek, le dieu de lEtoile Polaire, car cette étoile guide les marchands au cours de leurs voyages.

 

Ek Chuah est également, selon Landa, le patron des cultivateurs de cacao. Jadis, les planteurs de cacaoyers célébraient en lhonneur de ce dieu une fête, dans le courant du mois de muan, afin quil leur assure de bonnes récoltes. Ajoutons que les fèves de cacao étaient utilisées comme monnaie par les Mayas, élément évidemment essentiel du contexte commercial.

 

2. Visualisation et iconographie.

 

2.1. Ek Chuah est représenté sous la forme dun être anthropomorphe de couleur noir, dont les lèvres sont rouges, épaisses et pendantes. Il porte un objet (une hache ?) qui lui permet de frapper le ciel afin den faire tomber une pluie bénéfique pour les marchands. On le représente aussi chargé de ballots de marchandises. Son glyphe est constitué de deux yeux cerclés de noir.

 

2.2. « Dans les codex, il a le long nez au bout arrondi « à la Pinnochio », une lèvre inférieure pendante peinte en rouge, et le haut de sa figure et une partie de son corps peints en noir. Sa tête est coiffée dune ou de deux courroies de portage, tressées. » (Baudez). Les Lacandons utilisent ainsi un bol pour brûler lencens, ou brasero, sur le côté duquel on trouve un masque représentant une divinité. Le masque de cette divinité a une lèvre saillante sur laquelle on dépose les offrandes de nourriture. Peut-être la lèvre imposante dEk Chuah avait-elle la même fonction. Il apparaît que léquivalent dEk Chuah chez les Aztèques porte le nom de Yacatecuhtli, le « Seigneur du Nez », bien quil existe un autre dieu des marchands aztèque, Yacapitzauac, dont le nom signifie « Celui au nez pointu ».

 

2.3. A Santa Rita Corozal (Bélize), sur le mur ouest de la structure 1, un personnage qui fait face à un ce qui apparaît comme un autre dieu marchand, exhibe au bout de son bras droit une tête coupée et sa lèvre est pendante, ce qui sont des caractéristiques du « dieu M » alias Ek Chuah.

 

2.4. Sur des encensoirs de Mayapan, on a trouvé trois têtes qui illustrent vraisemblablement le dieu M, reconnaissable à son nez « à la Pinocchio » et à la longue lèvre pendante ; « cependant le visage est rouge et les orbites sont respectivement peintes en bleu et doré ». (Baudez)

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 14 septembre 2010.

 

Sources : Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / The Mayan Gods, Dante - The Maya World Publisher’s, Musée de Mérida, Yucatan, Mexico / Une histoire de la religion des Mayas, Claude-François Baudez, Petite Bibliothèque Albin Michel Histoire, 2002.

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9 septembre 2010 4 09 /09 /septembre /2010 17:28

 

DAGDA, LE PERE UNIVERSEL DE L’IRLANDE ANCIENNE

 

 

 

1. Le Dagda, un ancêtre du Chasseur infernal ?

 

1.1. Durant lannée 1091, rapporte Ordéric Vital, un prêtre du nom de Gauchelin fit la funeste rencontre de la Maisnie infernal de Hellequin. Lorsquil entendit des clameurs sauvages et terrifiantes, il voulut se cacher, « mais un homme dune gigantesque stature (Hellequin), portant une énorme massue, le devança et, brandissant sa barre au-dessus de sa tête, il lui dit : « Ne bouge plus ! Ne va pas plus loin ! » (Le Charivari, p.93) Si lon se reporte à ce témoignage dOrdéric Vital qui décrit lavancée du Chasseur infernal Hellequin et de sa « maisnie », on ne peut sempêcher détablir un parallèle, certes peut-être hasardeux, avec le passage dun texte irlandais nommé LIvresse des Ulates, qui dépeint le dieu irlandais Dagda sous laspect dun géant armé dune massue de fer. Dans ce récit, une troupe innombrable dUlates complètement ivres arrivent sur les terres dAilill et Medb de Connaught (=Connemara). Parmi eux se trouvent des Tuatha dé Danann (=dieux, plus généralement, êtres de lAutre Monde), dont « un homme avec un grand œil, des énormes cuisses, de larges épaules, dune taille prodigieuse, recouvert dun vaste manteau gris (qui tient) une grosse massue dans sa main. » (Lépopée celtique dIrlande, p.119). Ce personnage frappe les neuf hommes qui laccompagnent dun bout de sa massue et les tue dun seul coup. Ensuite, il place sur leurs têtes un autre bout de sa massue et il les ressuscite à linstant même. De toute évidence, ces descriptions se rapportent au Dagda lui-même, léquivalent gaélique du Gaulois Teutatès (ou Sucellos), « dieu bon », mais également dieu ambigu du fait de son caractère de maître de la vie et de la mort, possesseur de la massue qui tue et ressuscite, de même que du chaudron dabondance (Lépopée celtique dIrlande, Jean Markale, Petite Bibliothèque Payot, 1973, p. 119). Claude Lecouteux dit dailleurs que « le meneur de la Chasse infernale est sans doute lavatar dune ancienne divinité ambivalente, présidant au trépas et à la résurrection exactement comme le Dagda celtique qui tue les hommes dun bout de sa massue et les ressuscite de lautre- ayant comme attributs un homme et un chien, qui renvoient symboliquement à sa double fonction. » (Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au moyen âge, p.76).

 

1.2. Et comment, dès lors, si lon ose cette comparaison avec l « homme à la massue » qui effraya tant le prêtre Gauchelin, ne pas tenter une autre comparaison entre le vaste manteau gris du Dagda et le manteau de la même couleur porté par Wotan, que, selon la légende, rencontrèrent douze lansquenets, à la fin de la guerre de Ditmar ? En effet, ils rencontrèrent « un homme habillé dun grand manteau gris et qui nétait autre que le dieu Wotan (selon dautres versions, il sagit du diable) (Le Charivari, p. 164).

 

1.3. Mais là ne sarrêtent pas les comparaisons. « Un autre personnage peut aussi permettre un rapprochement entre Hellequin et le Dagda. Il sagit du géant Cerne Abbas. Ce gigantesque personnage, dessiné sur le flanc dune colline du Dorsetshire (Grande-Bretagne) et entretenu depuis plus dun millénaire par les habitants de la région, est un monstre phallique (donc pourvoyeur) et brandissant une massue. Or, dans la version de Walter de Conventry de la Vie de saint Augustin (XIIIe siècle), il existe une phrase interpolée qui semble donner le nom de ce géant : Hélith, qui pourrait bien être une forme évoluée de Hellequin (Herlethingus chez Gautier Map, au XIIe siècle). » (Hellequin, le dieu aux bois de cerf et le Dagda, Patrice Lajoye, Bulletin de la Société de Mythologie Française n°202, 1er trimestre 2001, p.7).

 

2. Le Dagda, Père Universel.

 

Le Dagda (ou Daghdha) est également nommé Eochaid Ollathair (=le Père Universel). Il est lune des principales divinités du panthéon celtique dIrlande, le Seigneur de la Connaissance, le Maître de lEternité et du Temps (chronologique et atmosphérique), le Seigneur des Deux Voies (la Vie et la Mort). En Gaule, on peut sans doute rapprocher le Dagda (=le Bon Dieu) des dieux Teutatès et Sucellos. Dieu-druide, le Dagda est le fils dEaladha, un roi démon. Epoux de la déesse Morrigane et père de la déesse Brighid, le Dagda eut également un fils adultérin, né de son union avec Eithné Boinn : le dieu Aonghus (ou Oengus) le Mac Oc. De son union avec la Morrigane, il est notamment dit : « Le Dagda avait une maison à Glenn Etin dans le Nord. Il avait cependant rendez-vous de femme cette année-là, à la fête de Samain de la bataille à Glenn Etin. Le Dagda et la Morrigan firent une union. Le lit du couple est le nom de lendroit à cause de cela. Morrigan dit au Dagda que les Fomoire toucheraient terre à Mag Scene et elle lui dit dappeler les hommes dIrlande devant elle au gué dUnius. »

 

 

 

 

 

 

 

 

3. Les attributs du Dagda.

 

Le Dagda possède deux attributs canoniques : un chaudron inexhaustible et une massue dont un côté tue les vivants et lautre ressuscite les morts. Cette massue correspond à sa fonction de maître du cycle des destins, à la succession des naissances et des morts. Certains usages populaires rappellent le « maillet-massue » du dieu (Dagda ou Sucellos). Ainsi, en Bretagne, à la fin du 19ème siècle, imposait-on encore un « maillet béni » sur le front des nouveau-nés pour assurer leur bonne venue en ce monde, de même que sur le front des agonisants pour garantir leur bon passage dans lautre monde. Le chaudron, quant à lui, assure la satiété parfaite des hôtes du banquet de lAutre Monde. Sans doute est-il le prototype de ce qui deviendra le Graal chrétien. Le domaine du Dagda compte également trois arbres portant éternellement des fruits, un porc toujours vivant et un autre porc, cuit, dont les morceaux ne diminuent pas quand on en mange. Le Dagda possède également une harpe magique qui joue les airs de la plainte, du rire et du sommeil.

 

4. Le Dagda dans les récits mythiques irlandais.  

 

3.1. La bataille de Mag Tured.

 

Le Dagda / Eochaid Ollathair est un des cinq chefs constituant lEtat-Major des Tuatha dé Danann, avec Diancecht (le Médecin), Goibniu (le Forgeron), Oghma (lEloquent) et Nuadha (le Souverain). Avant la bataille, qui verra sopposer les Tuatha dé Danann et les démons Fomoires, le Dagda sintroduira dans le camp Fomoire quil amusera par des pitreries : il engloutira notamment un énorme chaudron. Ensuite, il reviendra faire état au dieu Lug de la situation du camp des Fomoires. Durant la bataille, le Dagda promet de frapper inexorablement les ennemis avec sa massue. Au cours de cette bataille épique qui sera remportée par les Tuatha dé Danann, la harpe du Dagda sera volée par les Fomoires. Elle sera toutefois bien vite récupérée par son légitime propriétaire, aidé de Lug.

 

3.2. Laffaire de Brug-na-Boyne.

 

Il existe trois versions de laffaire de Brug-na-Boyne. La plus fiable est sans doute celle de la Courtise dEtaine selon laquelle, grâce à une ruse légale de son père, Eochaid Ollathair, Aonghus le Mac Oc semparera du sidh de Neachtan Ealcmhar. Les deux autres versions font dEochaid Ollathair la victime dune spoliation manigancée par Aonghus lui-même, et suggérée par Manannan mac Lîr. Nous reprendrons la version la plus courante. De lunion du Dagda et Eihné Boinn, épouse dElcmar, naquit donc un fils adultérin nommé Aonghus. LorsquAonghus, ayant grandi, apprendra quil est le fils du Dagda et dEithné, il demandera à Mider, son père adoptif, de le conduire vers le Dagda afin de se faire reconnaître la possession dun domaine. Ainsi, le Dagda et Aonghus échafauderont-ils un plan pour écarter Elcmar de son domaine de Brug-na-Boynn, afin de le livrer au second : celui-ci devra, le prochain soir de Samain, provoquer Elcmar et le menacer de mort sil ne lui accorde pas la souveraineté sur son domaine durant « un jour et une nuit ». Par la suite, Aonghus ne rendra le domaine quaprès avoir entendu le jugement du Dagda. Cela fut fait ainsi et le jugement dEochaid Ollathair fut que lexpression « un jour et une nuit », au moment de Samain, est absolument intemporelle, les barrières du temps sont abolies, ce qui revient à dire quElcmar a définitivement donné son domaine à Aonghus. En compensation, il recevra toutefois le domaine du sidh de Cletech.

 

Eric TIMMERMANS ©

Bruxelles, le 9 septembre 2010.

 

Sources : Le Charivari (p.57, 93, 164), Henri Rey-Flaud, Payot, 1985 / Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au moyen âge, Claude Lecouteux, Imago, 1999 (p.76) / DCR (p.42, 43, 45, 57) / ECI (p. 29, 30, 43, 44, 119) / EDC (p.30 à 32, 43, 50, 51, 53, 69, 92, 93, 114 à 116, 117, 122, 123) / LFC (p.31, 38, 39, 55).


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6 septembre 2010 1 06 /09 /septembre /2010 19:06

 

 

1. Diane, conductrice du Sabbat.

 

Les théologiens et les démonologues chrétiens firent de Diane une « conductrice des voyages nocturnes des sorcières ». De fait, selon le synode de Trèves, lesdites « sorcières » se vantaient de « chevaucher la nuit avec Diane ». Cette « chevauchée sorcière » est parfois nommée « Jeu de Diane » (Ludus Dianae). On donne également à la conductrice du sabbat sorcier le nom dHérodiade, de Dame Abonde ou encore de Satia. Un dominicain nommé Jean Herolt (mort en 1468), assimila Percht (ou Perchta), un des noms donnés à la meneuse de la troupe nocturne en Allemagne, à Diane. Et Johannes Praetorius (1630-1680) souligna, quant à lui, que la nuit de Noël, Diane passe avec son cortège furieux de guerriers.

 

2. Diane-Artémis, une divinité gréco-latine.

 

2.1. Origine du culte.

 

A lorigine, Diane est une ancienne divinité italique qui aurait été introduite à Rome par le roi légendaire, Servius Tullius. Les légendes romaines de Diane ont toutes été empruntées aux mythes grecs, Diane étant léquivalent romain dArtémis.

 

2.2. Lieux de culte.

 

On dit ainsi quOreste aurait apporté dans les monts Albains, à Aricie, près du lac de Némi, lArtémis de Tauride. Or, cest à proximité de cette ville du Latium que se trouvaient un lac, un bois sacré et un temple dédiés à Diane. En outre, en lhonneur de cette Diane dAricie, aurait été pratiquée une forme particulière de sacrifice humain : chaque prêtre devait tuer son successeur pour pouvoir lui succéder. Un autre temple dédié à Diane se dressait sur le mont Aventin, à Rome. Diane fut également vénérée dans la Sabine, sur le mont Algide, sur le mont Corné et près de Capoue, sous le nom de Diana Tifatina.

 

2.3. Diane-Artémis : attributs et visualisation.

 

Pour les Romains, bien que Diane ait emprunté les attributs dArtémis, à savoir larc et le carquois, cette déesse était moins la chasseresse que la déesse de la Lumière, sœur dApollon. Particulièrement vénérée par les classes populaires, Diane était considérée comme la protectrice des esclaves. Elle est traditionnellement représentée en chasseresse, la tunique relevée au-dessus des genoux, portant un carquois et accompagnée dune biche, mais elle peut également apparaître sous la forme dune louve.

 

2.4. Diane en Gaule : un culte sorcier ?

 

A noter aussi que dans le domaine gallo-romain, Diane fut la plus vénérée. Or, si les Celtes de Gaule ont à ce point honoré cette déesse, cest vraisemblablement parce quelle a été assimilée à la Déesse Mère celtique Dana/Ana. En effet, on peut envisager une confusion avec Diva Ana qui en bas-latin se prononce « divouana ». Ceci fait dire à certains commentateurs que la Diane (ou Diana) conductrice des chevauchées sorcières ne serait « certes pas la Diane romaine dont le culte aurait survécu au Moyen Âge, selon Margaret Muray. Ce peut être, selon Martin de Braga, la déesse sylvestre et champêtre adorée par les paysans du Ve VI e siècle. En fait, il semble quaient été confondues la Diane antique et la Di Ana, déesse celtique aussi appelée Anu. » (Lecouteux) Soulignons quil nest pas dans notre intention de dénigrer lhypothèse dune confusion des noms de Diva Ana et de

 

 

 

Diane, que du contraire. 

 

Rappelons toutefois, puisque son nom est cité, que les thèses de Margaret Murray concernant un prétendu culte préchrétien rendu à un dieu cornu (Cernunnos-Dianum) et développées dans deux ouvrages titrés respectivement The Witch-Cult in Western Europe (Oxford, 1921) et The God of the Witches, sont aujourdhui absolument contestées par les spécialistes.

 

 

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 6 septembre 2010.

 

Sources : Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au moyen âge, Claude Lecouteux, Imago, 1999 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998 / Les Celtes Les dieux oubliés, Marcel Brasseur, Terre de Brume Editions, 1996.

 

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2 septembre 2010 4 02 /09 /septembre /2010 18:32

 

 

 

 

1. De Viracocha au « Dieu Soleil ».

 

Viracocha est sans doute la plus ancienne divinité du panthéon inca. Considéré comme le créateur et le souverain de tout être vivant, il a présidé à plusieurs créations successives de l’univers et des hommes. Viracocha fut donc, à l’origine, élevé au rang de dieu suprême céleste, mais il fut peu à peu remplacé par le Dieu Soleil (certains commentateurs affirment cependant que le culte de Viracocha pourrait être postérieur à celui du Soleil; ce problème chronologique, faut de témoignages suffisants, ne pourra sans doute jamais trouver une solution définitive). Le Soleil fut donc bientôt placé au centre du panthéon inca, mais Viracocha n’en garda pas moins un ascendant certain sur les autres divinités de ce panthéon qui sont considérées comme autant de délégués chargés de veiller à la bonne marche des affaires humaines. Il va sans dire que les croyances des Incas furent stigmatisées et diabolisées par les commentateurs chrétiens qui assimilèrent les divinités incas à Satan : « Juan de Betanzos, écrivant un siècle avant Cobo, concluait que la « confusion » était due à une cause plus sinistre, et il nommait expressément le diable. Comme il l’explique, « parfois ils [les Indiens] tiennent le Soleil pour Créateur, d’autres fois ils disent que c’est Viracocha. Généralement, dans tout le pays et dans chacune de ses provinces, le diable les a plongés dans la confusion. Partout où il s’est montré, le diable leur a enseigné des milliers de mensonges et d’illusions. Ainsi les a-t-il trompés et aveuglés » » (Urton).

2. Viracocha : mythes de création.

 

2.1. Des ténèbres primordiales (ou du lac Titicaca, selon le commentateur chrétien Betanzos) émergea le dieu créateur Viracocha dont le nom signifie « l’écume de la mer » ou « la graisse de la mer ». Selon les versions, le dieu créateur est également nommé Con Ticci Viracocha, Thunupa Viracocha ou encore, Viracocha Pachayachachic. Viracocha créa le monde et une première race d’hommes. C’était, dit-on, des géants qui vécurent dans l’obscurité pendant un certain temps, mais, pour une raison inconnue, ils déçurent Viracocha et attirèrent sur eux sa colère. Le dieu mit fin à ce premier âge en provoquant un déluge et en changeant ces êtres en pierres. On dit que les vestiges de ce premier âge étaient visibles par tous à l’époque inca et qu’ils le sont encore de nos jours : ce sont les statues de pierre du site de Tiahuanaco, près du lac Titicaca. Viracocha créa alors une seconde race humaine. Le dieu convoqua sur une île du lac Titicaca -nommée l’île du Soleil- le Soleil, la Lune et les étoiles. Après avoir mis en mouvement les luminaires célestes, Viracocha façonna la deuxième race humaine. Pour ce faire, il utilisa la pierre des bords du lac qui, à cette époque, était encore malléable. Il créa des figures d’hommes, de femmes (enceintes ou non) et d’enfants. Après avoir façonné ces gens, Viracocha les peignit chacun du vêtement symbolisant leur nation et donna également à chaque nation la langue qui serait la sienne, les chants qu’elle aurait à chanter, de même que les mets, les semences et les légumes qui lui servirait de nourriture. On dit ainsi que Viracocha parcourut la terre, sous une apparence humaine, afin d’enseigner et transmettre aux humains les règles de la sagesse et les lois fondamentales de la civilisation. Sa mission achevée, Viracocha jeta son manteau sur l’eau, afin qu’il fasse office de navire, puis disparut avec le soleil couchant, non sans avoir prévenu au préalable de son retour prochain. Depuis ce temps, les Incas attendirent, tournés vers l’occident, le retour de Viracocha sous la forme d’un homme blanc et barbu (le nom de « Viracocha«  fut ainsi utilisé par les indigènes des Andes pour désigner, outre le dieu, les envahisseurs européens).

 

2.2. Selon une version du mythe de création inca, telle qu’elle nous est présentée par Cristobal de Molina et vraisemblablement plus compatible avec le mythe chrétien de la Genèse -certains commentateurs chrétiens allant même jusqu‘à assimiler Viracocha à saint Thomas ou à saint Barthélémy-, un grand déluge survint et les eaux recouvrirent même les sommets des montagnes les plus élevées. Les seuls survivants de ce déluge furent un homme et une femme qui, lors de la décrue, échouèrent sur la terre de Tihuanaco. Viracocha leur apparut et leur ordonna de rester là (à l’exemple des populations transplantées par les Incas de leur terre natale à une autre région de l’Empire). La décrue terminée, Viracocha décida de repeupler le territoire, façonnant les ancêtres des différentes nations de Tahuantinsuyo (l’Empire inca) à l’aide d’argile et les peignant selon leurs traditions vestimentaires respectives. Alors qu’il créait cette seconde race humaine, de même que tous les animaux, Viracocha décida de garder auprès de lui deux de ses créatures -ses fils Imaymana Viracocha et Tocapo Viracocha- et envoya les autres créatures dans le monde souterrain. Alors, Imaymana Viracocha prit la route du nord-ouest le long de la route bordant la forêt et les montagnes; Tocapo Viracocha, frère cadet du premier, emprunta la route côtière, quant à leur père, Con Ticci Viracocha, il voyagea vers le nord-ouest, sur la route des hautes terres, entre ses fils. C’est lors de ce jour primordial de création que les trois divinités s rappelèrent les peuples locaux à l’existence via des grottes, des sources, etc., par lesquelles ils sortirent du monde souterrain. Ainsi attribuèrent-ils leurs lieux d’origine aux ancêtres des différentes nations et les répartirent-ils sur tout le territoire de l’Empire inca. C’est aussi à cette occasion que les trois Viracocha nommèrent les arbres et les plantes, et leur enseignèrent quand fleurir et quand donner des fruits. Une fois leur tâche accomplie, les trois Viracocha voyagèrent le long de la forêt équatorienne, vers les confins du nord-ouest de l’Empire, puis, poursuivant dans la même direction, arrivèrent finalement à l’océan où ils marchèrent sur les eaux, jusqu’à disparaître à l’horizon.

 

2.3. Dans sa version du mythe de création inca, Guaman Poma répertorie quatre âges :

 

2.3.1. Le 1er âge est celui des ténèbres, de l’Obscurité primordiale. La race humaine de cette époque se nomme Wari Wiracocharuna, le terme wari se rapportant à une espèce de camélidé hybride résultant d’un croisement de lama et d’alpaga; quant à ruma, c’est là le mot quechua pour dire « peuple ». Poma considère qu’il s’agit là des gens de l’époque de l’arche de Noé et prétend qu’ils vivaient avec une technologie rudimentaire. Ils portaient, en outre, des vêtements végétaux non travaillés. Les Wari Wiracocharuna, nous dit encore Guaman Poma, révérèrent d’abord « Dieu », puis se mirent à révérer les dieux créateurs andins, parmi lesquels deux formes de Viracocha (Ticci Viracocha et Caylla Viracocha) et Pachacamac. Le premier âge prit fin sans que l’on ne sache comment. A noter que l’aspect primitif donné par les Incas aux hommes de ce premier âge pourrait être une référence aux « sauvages », soit les peuples de la forêt que, malgré leurs nombreuses tentatives, ils ne parvinrent jamais à soumettre.

 

2.3.2. Le 2e âge fut celui d’une race humaine nommée Wari Runa. Plus avancés que la race précédente, les Wari Runa portaient des vêtements en peaux d’animaux et pratiquaient une agriculture rudimentaire. Ils vivaient simplement, pacifiquement et sans guerre, et reconnaissaient Viracocha comme créateur. Ce 2e âge s’acheva par un déluge.

 

2.3.3. Le 3e âge fut celui de Purun Runa, les « hommes sauvages ». Leur société était plus complexe que celles des races précédentes, et leurs vêtements étaient faits de tissus ou de laine teinte. Ils pratiquaient l’agriculture, l’exploitation minière et la joaillerie. La population augmenta et s’étendit aux basses terres jusque là inhabitées. Des guerres et des conflits éclatèrent. Chaque ville avait son propre roi et le peuple révérait le créateur Pachacamac.

 

2.3.4. Le 4e âge fut celui des « guerriers », les Auca Runa. A leur époque, le monde était divisé en quatre parties. La guerre s’intensifia . Les gens vivaient au sommet des montagnes, dans des maisons en pierre et des fortifications nommées pucaras. Administration et technologie progressèrent de beaucoup durant cet âge. On ne sait comment cet âge prit fin.

 

2.3.5. Le 5e âge ou « Soleil » est celui des Incas et prit fin, bien évidemment, avec l’arrivée des Espagnols.

 

3. La trinité inca est-elle d’origine chrétienne ?

 

Une vérité à rappeler : le particularisme inca dans le contexte universel de la triade et, partant, d’un symbole trinitaire non exclusivement limité au christianisme :

 

« Bien qu’il y eut à l’époque un certain nombre d’intérêts et de motifs convergents propres à nous porter à conclure que le triadisme et les dieux créateurs dans les Andes étaient les produits de l’influence catholique espagnole, il est important de garder à l’esprit que le triadisme est un concept très général, présent dans de nombreuses cultures du monde. De plus, la manifestation particulière de triadisme à laquelle nous sommes confrontés ici, celle d’un père créateur assisté de ses deux fils, semble très éloignée des caractéristiques particulières du dogme trinitaire dans le christianisme. En tout état de cause, étant donné l’absence de documents sur la conception des dieux créateurs dans la société inca avant l’époque de la conquête espagnole, nous ne serons peut-être jamais à même de résoudre cette question avec certitude. » (Mythes incas, Gary Urton, p. 59).

 

4. Viracocha, le « dieu-tonnerre ».

 

Comme dans le cas du dieu védique Indra, Viracocha semble être passé du rôle de dieu suprême créateur à celui de simple divinité des phénomènes climatiques. Les deux divinités semblent avoir suivi un chemin relativement semblable de rétrogradation bien que le rôle de Viracocha soit semble-t-il resté prédominant par rapport aux autres divinités incas. De fait, comme Indra, Viracocha apparaît comme un dieu de l’Orage, du Tonnerre et de la Pluie. Bien qu’éloigné du simple mortel, il joue un rôle essentiel dans la vie quotidienne de ce dernier et, de ce fait, un grand nombre de sacrifices lui est offert.

 

5. Viracocha, du lac Titicaca à Cuzco.

 

5.1. Au centre de l’Empire inca se trouvait Cuzco, la capitale. Le vrai centre de la ville de Cuzco, des quatre quartiers de la cité et de l’Empire était constitué par un ensemble d’environ une demi-douzaine de bâtiments nommés Coricancha, ce qui signifie « enclos doré », que l’on appelle parfois le Temple du Soleil. Et de fait, la statue en or fin de Viracocha dominait le Temple du Soleil. En outre, dans certaines chambres du Coricancha se trouvaient des images des idoles figurant le notamment le dieu créateur Viracocha. A noter que, bien avant que ladite statue fut érigée, l’image du dieu était déjà visible sur la porte du Soleil de Tiahuanaco, près du lac Titicaca. La fête de Viracocha était célébrée au mois d’août.

 

5.2. Il est dit que Viracocha, voyageant sur les routes des hautes terres, guérit les malades et les aveugles. Toutefois, lorsqu’il arriva au village de Cacha, dans le district de Canas (sud-est de Cuzco), les habitants de cette localité voulurent le lapider. Alors, Viracocha tomba à genoux et leva les bras au ciel comme demandant de l’aide. Aussitôt, le ciel s’emplit de feu et les habitants de Cacha, terrorisés, supplièrent le dieu de les pardonner et de les sauver de ce péril. En trois coups de son bâton de pèlerin, Viracocha éteignit le feu. Celui-ci avait toutefois eut le temps de brûler les rochers, jusqu’à les rendre légers comme du liège. Le lieu où se produisit ce prodige fut reconnu par les habitants de Cacha comme un lieu sacré. Aussi construisirent-ils une grande statue de pierre anthropomorphe à l’endroit même où, selon la légende, Viracocha se manifesta, et ils lui offrirent de l’or et de l’argent. Mais à quoi pouvait bien ressembler cette statue ? Les habitants auraient dit au commentateur chrétien Betanzos que Viracocha fut représenté comme « un homme de grande taille, vêtu d’une tunique blanche qui lui descendait jusqu’aux chevilles, avec une ceinture à la taille. Il avait les cheveux courts et une tonsure comme un prêtre. Il allait tête nue en portant entre ses mains quelque chose qui leur sembla ressembler aux bréviaires que transportent les prêtres d’aujourd’hui. » (Mythes incas, Gary Urton, p. 61). Les gens de Cacha apprirent également à Betanzos que Viracocha se nommait Contiti Viracocha Pachayachachic, ce qui signifie « Dieu qui a fait le monde ».

 

5.3. Après son étape de Cacha, Viracocha poursuivit son périple vers le nord-ouest, en direction de Cuzco, et arriva au site d’Urcos (30 km de Cuzco). Là, le dieu s’assit au sommet d’une haute montagne et appela les ancêtres des autochtones à venir l’y rejoindre. En souvenir de cet événement, les habitants d’Urcos bâtirent un banc en or à cet endroit et y dressèrent également une statue de Viracocha qu’ils nommèrent Atun-Vira cocha (=« le grand créateur »). Cette statue avait l’aspect d’une homme vêtu d’une longue robe blanche.

 

5.4. D’Urcos, Viracocha se rendit à Cuzco. A l’endroit même qui allait devenir la capitale de l’Empire inca, le dieu créa ou rappela de la terre, un grand seigneur auquel il donna le nom d’Alcavicça. Ce nom devait, par la suite, réapparaître comme celui des autochtones de la vallée de Cuzco telle que la trouvèrent les Incas. Avant de quitter la vallée Cuzco, Viracocha ordonna aux « orejones » (=les « grandes oreilles »; ce nom fut donné aux nobles incas du fait de la coutume qu’ils avaient de se percer les lobes des oreilles et de s’y suspendre des bobines d’or) de surgir de la terre après son départ, geste qui établit un lien entre le mythe des origines, centré sur le lac Titicaca, et celui de l’origine des rois incas.

 

5.5. Etrangement, ces mythes d’origine ne traitent que bien peu de ce qui devait devenir la division géographique et politique principale définissant le monde inca, soit celle de Tahuantinsuyu, « les quatre quartiers unis ». Toutefois, dans son ouvrage, « Commentarios reales de los Incas », Garcilaso de la Vega affirme « qu’après la baisse des eaux du déluge, un homme (anonyme dans ce mythe) apparut à Tiahuanaco. Cet homme était si puissant qu’il divisa le territoire en quatre parts, donnant un quartier à chacun des quatre rois. Manco Capac reçut le quartier nord, Colla le sud, Tocay l’est et Pinahua l’ouest. Ce « créateur » de Tiahuanaco ordonna à chaque roi de se rendre dans le quartier qui lui avait été assigné, de conquérir et de gouverner les populations autochtones. » (Mythes incas, Gary Urton, p. 65). D’un point de vue historique, il est dit que c’est le neuvième souverain, Pachacutec, premier Inca historique dont le nom signifie « renversement du monde », qui rebâtit la ville de Cuzco, fit construire les routes et favorisa le culte de Viracocha.   

 

Eric TIMMERMANS ©

Bruxelles, le 2 septembre 2010.

 

 

Sources : Les Incas, adorateurs du dieu soleil, Bernard Baudouin, Editions De Vecchi, 1998, p. 54-55 / Les Incas - Peuple du Soleil, Carmen Bernand, Découvertes-Gallimard Histoire, 1988-2003, p. 14, 23, 83 / Mythes incas, Gary Urton, Editions du Seuil, 2004, p. 18, 19, 51, 53 à 65, 67-69, 74, 85.

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31 août 2010 2 31 /08 /août /2010 16:37

 

 

 

1. Le dieu celtique Nodons-Nodens.

 

Le nom du dieu Nodens (ou Nodons, Nudens) est attesté cinq fois sur le territoire britannique, deux fois à Cockersand Moss et trois fois à Lydney Park. Il apparaît comme un équivalent britannique de lIrlandais Nuada.

 

Dans son De bello gallico, César assimile Nodons au dieu romain Mars : Martem bella regere (=régir). Le culte de Nodons était vraisemblablement lié à la fonction royale qui nexistait encore que dans peu de régions celtiques, lors de la conquête romaine. César souligne que cette fonction royale devait impliquer anciennement labstention du combat et que le commandement royal était symbolique, ce qui renvoie, par exemple, au rôle du roi sur un échiquier. Il remarque également que les Celtes dédiaient au roi le butin acquis au cours de la guerre, quant aux prisonniers de guerre, ils étaient immolés et leurs dépouilles étaient empilées dans un lieu sacré. Un vol doffrandes était puni de mort. Il est toutefois probable que le culte de Nodons avait déjà disparu lors de la conquête romaine des Gaules (-57 à 52), ce culte ayant sans doute été aboli en même temps que la royauté.

 

Pour lanecdote, signalons lexistence, en France, dun lieu-dit situé près de Lyon et nommé Fons Nodons.

 

2. LIrlandais Nuada.

 

Dans la tradition celtique dIrlande, Nuada apparaît sinon comme un « dieu de la guerre », à tout le moins, comme un dieu guerrier. Dieu de souveraineté, Nuada est aussi le roi des Tuatha dé Danann (=Gens de la déesse Dana), soit, notamment, les dieux de lancienne Irlande.

 

Au cours de la première bataille de Mag Tured, Nuada perdit sa main droite, celle qui tenait le glaive canonique. Suite à cette perte, Nuada se voit déchu de sa fonction royale et est remplacé par un mauvais successeur nommé Bres. Pour lui permettre de recouvrer son trône, le dieu forgeron Goibne (ou Goibniu) lui forgera une prothèse dargent que lui greffera le dieu médecin Diancecht. Cest à partir de ce moment quon le nommera Nuada Argatlâm (ou Airgeadlamh), ce qui signifie « Nuada à la main dargent ».

 

Il présidera finalement à lheureuse issue de la bataille de Mag Tured et rendra la prospérité à son royaume qui dépérissait sous le règne de lincapable Bres. Cest à la fin de cette bataille, que Nuada utilisera son épée flamboyante, après avoir passé une nuit avec la Bodbh (=corneille), qui est lun des noms de la déesse guerrière Morrigane.

 

Son statut de manchot le dispense pourtant de participer activement au combat : sa présence seule suffit à garantir lissue favorable de la bataille. Nuada, incarnation du pouvoir royal, politique et militaire, est également juriste, qualité quil doit à son statut de manchot ; cest ce qui permettra aux Tuatha dé Danann de signer un traité de paix avec leurs ennemis Fîr Bolg. Loin de le desservir ou de laffaiblir, on voit que son infirmité, bien au contraire, le sert, et lui permet daccéder à un statut supérieur : cest là le principe de ce que lon nomme la « mutilation qualifiante ».

 

Toutefois, lincarnation du pouvoir royal quest Nuada doit seffacer devant le pouvoir spirituel supérieur, celui incarné par le dieu Lug. Ainsi, lorsque ce dernier se présenta devant la forteresse de Tara en affirmant connaître tous les arts et tous les métiers, Nuada, après avoir été vaincu aux échecs par Lug, le laissa entrer, soulignant que « jamais homme semblable à lui [navait] pénétré dans cette forteresse ».

 

Nuada comprit rapidement que la puissance de Lug lui permettrait de libérer les Tuatha dé Danann du joug des démons Fomoire. Les Tuatha tinrent conseil et furent davis que Nuada change de siège avec le jeune guerrier, lui reconnaissant ainsi la préséance sur le pouvoir royal. Lug alla donc sasseoir sur le trône de Nuada qui se tint devant lui treize jours durant, en signe de respect et de déférence. Voilà comment Lugh Samildanach fut désigné pour mener les Tuatha à la victoire lors de la seconde bataille de Mag Tured.

 

A noter aussi quau Pays de Galles, Nuada apparaît comme le pendant irlandais du Gallois Nudd, que lon nommera ultérieurement Lludd. Ainsi retrouve-t-on dans la tradition celtique du Pays de Galles, un Llud Llaw Ereint ou Lawarian (=main dargent).

 

3. Nodens dans le Necronomicon.

 

Il convient de le rappeler de manière incessante et insistante aux sceptiques : le Necronomicon est une pure composition de lauteur H. P. Lovecraft, ce que ce dernier na cessé de clamer dailleurs envers et contre ceux qui, de son temps déjà, prétendaient que cet ouvrage était bien « le livre maléfique de lArabe dément Abdul Al-Hazred » dont Lovecraft aurait entrevu sinon découvert les infernaux secrets

 

Les éléments mythologiques repris dans le Necronomicon appartiennent, pour une part, à limagination débordante de Lovecraft, et pour une autre part, à des emprunts que lauteur sest permis de faire dans différentes mythologies. Cest le cas notamment de Dagôn, dont le nom est également le titre dun ouvrage de Lovecraft, mais dont lorigine est proche-orientale : ancien dieu phénicien, Dagôn fut, par la suite, démonisé par la Bible, comme tant dautres divinités païennes. Cest le cas également de Nodens.

 

Dans la mythologie lovecraftienne, Nodens devient une divinité aux étranges origines arabes, « Abdul Al-Hazred » oblige ! « Bien que de nombreuses créatures bienfaisantes interviennent dans le texte du Necronomicon, seul Nodens Maître des Profonds Abysses- est réellement nommé. On suppose que la demeure naturelle des dieux anciens se trouve dans une région proche de létoile Bételgeuse, dans la constellation dOrion. Dans le grand almanach des astronomes arabes connu sous le nom de Tables Alphonsines traduit plus tard en Europe et intitulé Los Libros del saber de Astronomia-, Bételgeuse était citée comme « Al-Mankib » : lépaule, « Al-Dhira » : le bras, et « Al Yad al-Yamma » : la main droite (du Géant). Notons que Machen fait référence au dieu Nodens dans The Great God Pan, comme un dieu à la main dargent, reprenant les termes de la désignation arabe ancienne. » (Le Necronomicon, « Le Necronomicon : Commentaire », par Robert Turner, p.95).

 

Nous le voyons, le détail de la « main dargent » établit clairement une relation « pan-celtique » entre Nodens et le dieu irlandais Nuada. Les références arabes de Lovecraft nexistent ici que pour les besoins du romanesque et relève exclusivement de l’univers fantastique.

 

On retrouve effectivement le nom de Nodens dans louvrage de Machen, Le Grand Dieu Pan, mais dans ce cas, la divinité est maintenue dans son contexte celto-romain (ou britto-romain) traditionnel, comme nous allons le voir.

 

4. Nodens par Machen.

 

Lauteur évoque la visite dun musée situé dans une petite ville, près de Caermaen, où sont conservés des vestiges antiques. Parmi eux se trouve un petit pilier carré de pierre blanche, présenté comme « récemment déterré dans le bois de Caermaen », à proximité de lendroit « où sélargit la voie romaine ». Sur un des côtés du pilier, on peut lire linscription suivante :

 

DEVOMNODENTi

FLAvIVSSENILISPOSSVit

PROPTERNVPTIAs

qua SVIDITSVBVMBra

 

Ce qui est traduit par : « Au grand dieu Nodens (le dieu de la grande Profondeur ou de lAbîme), Flavius a élevé ce pilier en souvenir des noces quil a vues saccomplir dans lombre. »

 

Et nous avons vu queffectivement, le nom de ce dieu, était attesté plusieurs fois en deux endroits de lancienne île de Bretagne, soit lactuelle Grande-Bretagne.

 

La main de Nuada

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 31 août 2010.

 

 

Sources : Essai dun dictionnaire des dieux, héros, mythes et légendes celtes, fascicule 1, Claude Sterckx, 1994 / Lépopée celtique dIrlande, Jean Markale, Petite Bibliothèque Payot, 1973 / Le Grand Dieu Pan, A. Machen, Emile-Paul frères, Livre de Poche, 1977 (p.131) / Le Necronomicon « Le livre de lArabe dément Abdul al-Hazred », Belfond, 1996 / Les Celtes et lexpansion celtique, Henri Hubert / Les Celtes Les dieux oubliés, Marcel Brasseur, Terre de Brume Editions, 1996 (p.106) / Répertoire des dieux gaulois, N. Jufer et Th. Luginbühl, Editions Errance, 2001.

 

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