4. Les multiples noms de Shiva.
-Avalokitesvara : voir « Lokesvara ».
-Bholâ : « Celui qui donne avec pureté et innocence ».
-Bhuvanesha : « Le Seigneur de l’Univers ».
-Ghantâ : Cette épithète de Shiva désigne aussi une cloche utilisée lors de cérémonies religieuses.
-Girisa : « Le Seigneur de la Montagne ».
-Guhâ : Ce nom qui semble signifier tout à la fois « cave » et « agresseur », désigne aussi bien Shiva que son fils Skanda.
-Hara : Destructeur.
-Ishana : Aspect de Shiva/Rudra. Dieu de la Souveraineté et de la Purification. Bénéficiaire de toutes choses, maître des savoirs et des éléments. Il est représenté avec cinq visages et une couleur cuivrée. Il est suivi d’une chèvre qui représente la puissance de la Nature. Les attributs qu’il tient dans ses dix mains sont : les Veda, un crochet à éléphant, un lacet, une hachette, un crâne, un tambourin, un rosaire, un trident, et de ses deux autres mains, il fait les gestes d’écarter la crainte et de donner.
-Ishvara : La Divinité Personnelle, Tout-Puissant, l’Omniprésent, le Seigneur Suprême, Celui qui a l’illusion sous contrôle, la Volonté Supérieure, l’Âme Universelle. Une des huit formes élémentaires de Rudra. Ishvara est aussi Kshetrajna, un des cinq visages de Pancanana, un aspect de Shiva.
-Kâla-Kâla : Le Temps est Dieu et Dieu est le Temps.
-Kapila : Nom d’un sage mythique qui réduisit en cendres les 60.000 fils de Sâgara parce que ceux-ci s’étaient introduits dans son domaine. Kapila est une des « mille épithètes » de Shiva. Egalement identifié à Vishnu et à l’une des formes du feu sacrificiel Agni.
-Kasi : Ou Kashi. Ancien nom de Varanasi/Benarès. Un des noms de Shiva.
-Lokesvara : Le Souverain du Monde. Egalement appelé Avalokitesvara.
-Madanântaka : De „Madanâ“ (nom du dieu de l’Amour, de la Convoitise et du Désir) et de « Ântaka » (« celui qui met fin à quelque chose », la Mort). Ce nom qualifie Shiva comme celui qui détruit la convoitise et les désirs terrestres.
-Mahadeva : Grand Dieu, Dieu Immense, Dieu des dieux, Dieu Suprême. Aspect de Shiva personnifiant son énergie créatrice et symbolisé par le lingam.
-Mahakala : Grand Temps. Un des aspects de Shiva dans son rôle de Destructeur. Kalî est sa parèdre. Dans le lamaïsme, il est l’un des huit Dharmapala (divinités protectrices de la Loi bouddhique) et est représenté avec un visage grimaçant, langue sortie, crocs menaçants, un corps bleu-noir ceint d’une peau de tigre, des têtes coupées autour du cou. Il peut être représenté avec deux, quatre ou six bras selon les aspects. Sa parèdre est Palden Lhamo.
-Mahesha : Grand Seigneur.
-Maheshvara/Umamahesvara) : Celui qui dissout la Création. Egalement un des noms de Krishna. Umamahesvara, populaire dans l’iconographie khmère, représente le couple Uma (Parvati) et Mahesvara (Shiva). Le couple est représenté soit sur le taureau Nandin, soit sur le mont Kailasa dans la scène où Ravana, fou d’orgueil, secoue la montagne sur laquelle se trouve Shiva, semant la panique dans la faune et les ascètes.
-Manohara : Enchanteur et destructeur du mental, vainqueur ou voleur des cœurs, il attire ou entraine le mental, magnifique, séduisant, captivant.
-Nandîsvara : Personnalité libre du corps.
-Natarâja : Le Roi de la Danse. Aspect de Shiva dansant. Représentation de Shiva en tant que danseur dont le rythme alternativement crée et détruit le monde ; le terme ancien est plutôt « nateçvara ». Cette danse a pour but de libérer les âmes prisonnières de l’Illusion (maya). L’ensemble du jeu cosmique (lîlâ) est l’expression de la danse de Shiva dans tous les mouvements à l’intérieur du cosmos. Symbole de la force de Dieu, il anime la création, maintient toute la nature en activité en un mouvement rythmique continuel et, le moment venu, il détruit également par sa danse, tous les noms et toutes les formes.
Nataraja
-Nilakantha : Dieu à la gorge bleue. Nom donné à Shiva après qu’il eut bu le poison Kâlakûta (ou Hâlâhala) issu du barattage de l’Océan de lait.
-Pancanana : Ishana est aussi Kshetrajna (=la Réalité, l’Universel connu sous de multiples noms, Celui qui connaît toutes les qualités et tous les défauts du corps), un des cinq visages de Pancanana. Voir aussi « Ishana » et « Ishvara ».
-Panchâkshari : Mantra de cinq lettres qui désigne le Soi comme étant le « Sai Shiva » Lui-même.
-Paramesha : Ce qui transcende tout.
-Parashiva : Le Maître Suprême.
-Paramêshvara : Ce qui transcende tout.
-Pashupati : Maître des êtres vivants. « L’homme ayant vaincu l’animal en lui ». Le « Pashu » (=la Bête), a été vaincu, et « Pashupati » (=le maître des êtres vivants) s’est installé dans le cœur.
-Purushottama : L’Être Suprême. Âme Suprême.
-Pushkara : Lotus bleu. Egalement le nom d’une localité du Rajastan où l’on vénère Brahma. Il est dit aussi que la rivière Sarasvatî renaît du lac Pushkara. Egalement un nom de Krishna.
-Rudra : Hurleur, le Terrible, le Rouge. Shiva, inconnu des Veda, fut tardivement assimilé à une forme du dieu Rudra.
-Sadâshiva : Nom du Seigneur Shiva sous son aspect toujours favorable.
-Shaïleshvara : Le Seigneur de Shaïlagiri.
-Shambhu : « Celui qui est Sérénité ».
-Shankara : Maître religieux originaire du Kerala (770-810 ?). Il développa l’enseignement du Vedânta et lui donna sa forme classique. Nombre de ses contemporains le prenaient pour une incarnation de Shiva. « Mais il se trouve que Shankara est connu en Inde comme « dévot de Shiva » (certains disent même qu’il fut une incarnation de ce dieu) et qu’il a composé des hymnes dévotionnels. »
-Shekhara : Sommet, crête, pic. « Shashi Shekhara » renvoie à Shiva portant la Lune dans les cheveux.
-Triambaka : Qui possède trois yeux. Qui se rapporte au 3ème œil. Nom de Shiva et Rudra.
-Trilochana : Qui a trois yeux.
-Ugra : Un des sept Rudra nés du front de Brahma. Ugra est identifié à Ishana, un autre aspect de Shiva/Rudra.
5. Temples et sanctuaires.
5.1. Il est dit qu’une prière au temple du Seigneur de l’Univers (=Shiva), à Uttarkâshi, permet au pèlerin d’être purifié de tous ses péchés.
5.2. On trouve un temple élevé en l’honneur de Shiva à Kedarnâth, sur le site sacré de l’Alaknandâ. Il s’y élève un des douze plus célèbres “lingam de lumière” ou Jyotirlingam, symboles de Shiva. Les fidèles viennent en ce lieu pour honorer Shiva et Gangâ (voir aussi point 5.8.). A noter que dans la région de Kedarnâth et de Badrinâth, il est dit qu’un combat opposa Shiva, déguisé en montagnard, à Arjuna. Le poète Bhâravi dit à ce sujet dans son Kîratârjunîya que « le Seigneur fut encore plus impressionné par l’humanité transcendante d’Arjuna que par sa dévotion. » Et le poète d’ajouter : « La véritable connaissance libératrice / Emane de ces lieux autant que de la Révolution / Chassant les ténèbres de l’ignorance, pour le bénéfice / De ceux qui cherchent le pur état de Brahman. »
Kedarnath
5.3. A Hardvâr, on trouve des temples dédiés à Shiva, tels que Mâyâdevî et Daksheshvara.
5.4. Il est dit que celui qui adore Shiva à Gangâdvâra, même pendant peu de temps, devient uni à Shiva.
5.5. A Polonnaruva, au Sri Lanka, on a découvert sept temples dédiés à Shiva. C’est la dynastie tamoule des Chola qui élèva Polonnaruva au rang de capitale, à la place d’Anuradhapura.
5.6. A Malang, sur le territoire indonésien de Java, on a découvert un temple dédié à Shiva.
5.7. A Angkor, au Cambodge, nombre de temples sont dédiés à Shiva.
5.8. Il est dit qu’un jour les cinq frères Pândava poursuivirent un buffle sauvage qui n’était autre que Shiva. Ce dernier, pour leur échapper, tenta d’entrer dans le sol, mais il n’y parvînt pas totalement, laissant dépasser son arrière-train à l’endroit appelé depuis Kedarnâth. Mais on retrouva, au total, les membres du buffle dans cinq endroits différents : l’arrière-train à Kedarnâth, les pattes à Tunganâtha, le ventre à Madhyameshvara, la tête à Rudranathâ, au Népal, et le reste à Jata Kalpesvara. Les cinq endroits sont devenus sacrés et sont connus sous le nom de Pancha-Kedara. Voir aussi point 5.2.
6. Rites et rituels.
6.1. Hridaya est le cœur spirituel, l’autel dans lequel demeure Shiva. C’est la niche qui est au tréfond de notre être et dans laquelle brille la lampe Jnâna (=la Connaissance). Ce cœur est situé à droite du corps physique.
6.2. Le nom générique des récits shivaïtes est Âgama (=Source de la Doctrine, tradition). Selon certaines sources, ces écrits se rapporteraient à des traditions souvent marquées par le culte de la Déesse égale ou même supérieure- au Dieu, mais bien que « le nom d’Âgama ait parfois été étendu à des ouvrages d’inspiration tantrique ou vishnouite, ces ouvrages sont normalement shivaïtes, c’est-à-dire promeuvent Shiva au rang de divinité suprême (parfois même unique). Le plus souvent le grand dieu est flanqué de sa parèdre qui n’est autre que sa propre énergie (shakti) « incarnée » en une déesse, son épouse (ou plus rarement, sa fille). » (Varenne) Ces textes sont des recueils ou d’autres textes se rapportant au culte mystique de Shiva et de sa Shakti.
6.3. Le Skanda-Purâna est un immense poème de 80.000 distiques de date relativement tardive (8e siècle) dédiée au culte de Shiva.
6.4. Le terme Rudrâksha désigne la « Baie de Shiva ». Il s’agit d’une baie à cinq faces très rare. Elle rapporte la prospérité et aide l’aspirant. Cette baie sert à la fabrication du rosaire « Japamala ». C’est un rosaire de huit grains destiné à la pratique de Japa, soit la répétition d’un des noms du Seigneur, d’un mantra ou encore d’une prière. Selon Alain Daniélou : « L’usage du rosaire et ses cinquante-quatre grains (moitié du nombre sacré cent huit du chapelet hindou) provient du rite de Japa mentionné dans les pratiques du Yoga. »
6.5. Shivarâtri signifie la « Nuit de Shiva » et est une contraction populaire de Mahashivarâtri, la Grande Nuit de Shiva. Il s’agit de la nuit la plus propice de l’année, durant laquelle l’influence de la Lune est complètement nulle sur le mental. C’est le moment le plus favorable pour réaliser la Vérité. Cette fête a lieu une fois par an.
6.6. Mâsika Shivaratri désigne la cérémonie mensuelle dédiée à Shiva le jour de la pleine lune.
6.7. Om namah Shivâya est un mantra composé de 5 syllabes signifiant « hommage au Seigneur Shiva » désigné comme le Soi intérieur. Ce mantra a le pouvoir d’accorder la réalisation spirituelle autant que la réussite matérielle. Shivâya est le datif de Shiva qui signifie « obéissance à Shiva ». Il est dit, en outre, que la syllabe M du son créateur AUM (OM) symbolise Shiva, la destruction et la volonté, et que Shivom est la contraction de Shiva dans le Om.
7. Shiva est-il Satan ?
Cette comparaison peut paraître choquante de prime abord, mais voyons ce qui en est dit réellement par Raymond de Becker dans « L’hindouisme et la crise du monde moderne » (p.213-215).
« Les grands saints shivaïtes en pourraient éprouver de la surprise, mais un voyage en Occident et une exploration de notre tradition devraient les convaincre que nous ne disposons pas de meilleur terme de comparaison. Bien entendu, toute comparaison est boiteuse et celle-ci n’échappe pas à la règle. Mais malgré ses défauts c’est encore la meilleure pour nous faire appréhender le shivaïsme et ce qu’il peut représenter pour nous. Car, en parlant de satanisme, nous voyons bien tout ce qu’en Occident l’Eglise a condamné, mais nous pouvons aussi nous demander ce que, sans cette condamnation, serait devenu ce que nous avons pris coutume d’appeler ainsi. Quelle était la réalité psychologique et spirituelle des sabbats, l’âme profonde de ces Templiers qu’on envoya au bûcher ? Si tous les chrétiens avaient été pareils à Victor Hugo, à Péguy ou à Berdiaeff qui se refusèrent à voir en Satan l’opposé éternellement perdu de Dieu et voulurent éveiller en lui non seulement de la pitié, mais une compréhension de sa fonction, l’Occident aurait peut-être connu cette sorte de satanisme désamorcé, exalté, glorifié qu’à mon avis le shivaïsme constitue. Si cette vue peut choquer, c’est que les Occidentaux n’ont cessé de considérer les problèmes religieux et métaphysiques sous l’angle de la morale et de l’éthique, de l’opposition du Bien et du Mal. L’Inde non plus n’ignore pas complètement la morale –reproche que Romain Rolland lui a fait cependant-, mais elle lui accorde moins d’importance que nous et, en tout cas, se garde de la confondre avec la religion et la métaphysique. L’Inde s’est demandé davantage quelles sortes de processus universels ou psychologiques pouvaient se trouver à l’arrière-plan d’un Mal qui varie d’ailleurs d’après les civilisations, les époques, les lieux, les groupes sociaux, les individus. Elle a découvert que, derrière ce que nos appelons le mal, le péché, la faute ou l’erreur, il existe une tendance à la destruction, à la dissociation, à la désintégration, et que cette tendance est aussi naturelle, aussi essentielle à l’ordre et au fonctionnement de l’univers que la tendance à la construction, à la cohésion, au rassemblement. »
Or, si la tendance à la Construction correspond au vishnouisme, la tendance à la Destruction correspond au shivaisme.
« En quoi consiste alors le shivaisme ? En tout ce qui détruit la vie, à savoir le plaisir, la passion, la cruauté, la violence, le crime, l’ascétisme, le renoncement. C’est tout ce qui mène à la dissolution finale de l’individu, des sociétés et du monde. C’est le Temps, la Mort, la mort de la Mort. C’est le sommeil, mais le sommeil sans rêves, car le rêve est encore un germe de vie, un commencement, non un retour, une fin. »
« Un texte de Shiva-tattva déclare :
« Lorsque les êtres sont fatigués d’agir, de vivre, de savoir, de jouir et de souffrir et qu’ils cherchent le vrai repos dans le sommeil sans rêves, ils retournent au Seigneur-du-Sommeil, à l’immobilité, à la demeure de joie dans laquelle l’univers se repose et s’endort. »
Si certains psychanalystes prétendent qu’il n’existe nul accident, fût-il mécanique, qui ne soit inconsciemment voulu, le shivaïsme, lui, sacralise ces tendances.
« Il les favorise pour qui s’y sent porté. De là son affinité avec le tantrisme et les voies de la main gauche qui utilisent ce qu’on a appelé les cinq M : madhya (la drogue), mâmsa (la viande), matsya (le poisson), mudra (le geste magique) et maithuna (la copulation) pour atteindre la libération. »
« Le Seigneur-des-larmes (Shiva), dit la Kularnava Tantra, a montré dans sa doctrine de main gauche que l’avancement spirituel de l’homme est réalisé le plus sûrement au moyen des choses mêmes qui causent sa chute. »
« C’est Jean Genet qui pourrait danser le mieux la danse de Shiva, ou bien l’auteur de cet Evangile non canonique : « Si tu sais ce que tu fais, avait-il écrit, tu es heureux, mais si tu ne sais pas ce que tu fais, tu es damné. » Le shivaisme apprend à se détruire en sachant qu’on se détruit, ou à détruire autrui de même façon, tout en montrant comment toute tendance à la désintégration n’est qu’expression individuelle de la tendance désintégrante à l’œuvre dans l’univers et nécessaire à son économie. ».
Eric TIMMERMANS.©
Bruxelles, le 19 octobre 2010.
Sources : Dictionnaire de l’hindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Guide des religions, Dauphin, 1981 / L’hindouisme et la crise du monde moderne, Raymond de Becker, L’Encyclopédie Planète / L’Inde mystique et légendaire, Louis Frederic, Editions du Rocher, 1994 / Le Vedisme. L’éveil de la spiritualité indienne. Bernard Baudouin, Editions de Vecchi, 1997 / Les Cinq Livres de la Sagesse – Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / Narmada Sutra, Gita Mehta, Livre de Poche, 1993.