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25 novembre 2010 4 25 /11 /novembre /2010 17:58

 

 

 

 

 

 

 

1. Aton, le soleil.

 

A l’origine, le mot aton désignait simplement le soleil. Mais c’est, vraisemblablement à partir du règne de Thoutmosis IV (18ème dynastie : -1580 / -1350), que ce terme commença à désigner un nouveau dieu solaire, un de plus parmi d’autres, tel qu’Amon-Rê. Le nouveau culte dédié à Aton s’intensifia au cours du règne d’Amenophis III, successeur de Thoutmosis IV.

 

2. Akhénaton et l’avènement d’Aton comme dieu unique.

 

C’est toutefois avec Aménophis IV –le futur Akhénaton- que va se produire une véritable révolution religieuse. Le jeune pharaon fit construire un temple dédié à Aton dans l’enceinte même du temple d’Amon, à Karnak. Ensuite, rapidement, le panthéon égyptien va se dépeupler au profit du seul Aton qui finira par supplanter Amon lui-même, en tant que dieu suprême. Quant à Amenhotep (la forme égyptienne d’Aménophis) dont le nom signifie « Amon est satisfait », il fera changer son nom en Akhénaton (=Celui qui complait à Aton). Bientôt, ledit Akhénaton décidera de s’éloigner d’Amon, géographiquement parlant, en abandonnant Thèbes et en allant fonder une ville nouvelle à près de 400 kilomètres au nord : Akhétaton (=l’Horizon d’Aton, aujourd’hui : Tell el-Amarna). Là, Aton allait bientôt accéder au statut de dieu unique, alors que tous les autres dieux se voyaient purement et simplement supprimés. Ce passage du polythéisme à cette forme de monothéisme exclusif constitua donc bien une révolution dans le paysage religieux égyptien. Le roi Akhénaton se considérait comme le fils d’Aton et son unique prophète. La nouvelle religion ne devait d’ailleurs pas survivre à son fondateur. Dès la disparition d’Akhénaton, le clergé d’Amon reprit l’avantage et restaura la suprématie d’Amon. Quant à Aton, il redevint un dieu solaire parmi d’autres.

 

3. D’un monothéisme à l’autre.

 

Un fait important distingue toutefois le dieu unique Aton du dieu unique d’Abraham, soit, en l’occurrence, le Yahvé des Juifs : Aton est visible dans notre monde, on le représentait matériellement –mais ne pourrait-on en dire autant de Jésus crucifié… ?-, ce qui contredit fondamentalement le 2ème commandement du Décalogue : « Tu ne feras aucune image sculptée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la terre, ici-bas, ou dans les eaux, au-dessous de la terre » (Exode, 20 : 4). Malgré certains aspects positifs, notamment du point de vue politique et artistique, ce monothéisme précurseur fit preuve d’une intolérance jusque-là inconnue en Egypte : les représentations d’Amon et de certains autres dieux, furent systématiquement détruites.

 

4. Visualisation.

 

Divinisation du soleil, Aton est premièrement représenté sous la forme d’un être anthropomorphe à tête de faucon. Elevé au rang de dieu unique par Akhénaton, Aton le Révélé se dévoilait aux yeux des hommes sous l’aspect d’un soleil dont émanent des rayons terminés par des mains pourvoyeuses de bienfaits. Ainsi voyait-on son image sur les murs des temples et sur les tombeaux.

 

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 25 novembre 2010.

 

Sources : Bible de Jérusalem, Cerf, 1998 / Petit dictionnaire des dieux égyptiens, Alain Blottière, Zulma, 2000.

 

 

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24 novembre 2010 3 24 /11 /novembre /2010 18:00

 

 

 

 

 

1. La Mère bienveillante.

 

Lakshmî est, selon une certaine tradition, la fille de Shiva et de Parvatî, la sœur de Sarasvatî et la parèdre ou shakti (= « puissance », « pouvoir », « énergie ») de Vishnu. Mais on dit aussi de Lakshmî qu’elle est née du Barattage de la Mer de lait et qu’à l’exemple d’Aphrodite, elle naquit de l’écume de l’océan. Elle apparut tenant un lotus dans sa main, alors que les Deva et les Asura barattaient l’Immensité Primordiale liquide que l’on connaît, dans la tradition hindoue, sous le nom de Mer ou d’Océan de lait.

 

Le nom de Lakshmî se rattache vraisemblablement à la famille étymologique de mots tels que laksha, lakshana, lakshya qui tous désignent quelque chose de remarquable (ex. : signe distinctif) dans un contexte favorable (ex. : de bon augure). En arithmétique, le terme « laksha » est également utilisé pour « cent mille », ce qui dans le langage courant se traduit par « richesse incalculable ». Voilà pourquoi Lakshmî est également nommée l « Immensément Riche ». Lakshmî apparaît donc naturellement comme la déesse de la Prospérité, de la Beauté, de la Fortune, de la Richesse. Elle est la Belle, la Bienveillante, « Celle qui dispense les richesses ».

 

Déesse lumineuse, Lakshmî est aussi nommée Indirâ, c’est-à-dire la « Brillante ». Ainsi la fête de Lakshmî est-elle Dipavâli, la Fête de la Lumière. Cette fête commémore la victoire de la Lumière sur les Ténèbres.

 

On dit encore que lorsque, jadis, un roi montait sur le trône, il épousait la Lakshmî de son royaume, c’est-à-dire la Fortune mais aussi et surtout une incarnation divine de la Souveraineté.

 

2. La protectrice du foyer.

 

Lakshmî est aussi, à lexemple de la Nordique Freya, de la Romaine Junon (de même que Fortuna) ou encore de lHellénique Héra, la protectrice du foyer domestique, celle qui a pour fonction dy maintenir lharmonie. Elle est aussi « Celle qui préside à la fécondité des épouses ». Voilà pourquoi on la nomme aussi Grihalakshmî, la « Déesse de la Maison ». Rappelons toutefois que les déesses brahmaniques ne sont jamais représentées avec des enfants et si on les nomme « mères », ce nest nullement dans une idée de maternité, mais dans le sens de « femme vénérable ». Lakshmî nest donc mère que lorsquelle sincarne dans une femme humaine (ex. : Sîtâ donnant deux fils à Râma).

 

3. La Sainte.

 

La Sainteté est également un aspect essentiel de la personnalité de Lakshmî. Cest pourquoi on la représente souvent un chapelet ou un livre de prières à la main, ou faisant de la main droite le signe de lenseignement. Pour ce signe ou mudrâ, le pouce et lindex se rejoignent, formant un cercle ; les autres doigts sont tendus ou légèrement repliés. Sous cet aspect, on donne à Lakshmî le nom de Shrî ( =Sainteté, Fortune, Splendeur). Lakshmî est elle-même vénérée par d’autres dieux, tel que Ganesh, par exemple.

 

4. L’épouse de Vishnu.

Lakshmi avec Vishnu

 

 

On dit de Lakshmî quelle est la personnification de la Bonté et de la Miséricorde de Vishnu. Ainsi la nomme-ton aussi Bhagavatî, la « Bienheureuse », terme qui dérive de Bhagavant, l’un des multiples noms de Vishnu. L’on dit parfois que Vishnu avait trois épouses à lorigine : Lakshmî, Gangâ et Sarasvatî, mais quil ne conserva en définitive que Lakshmî, les deux autres étant respectivement devenues les épouses de Shiva et de Brahma. Lakshmî renaît sous une forme différente, consubstantielle à chaque incarnation (avatâra) de Vishnu. Elle est par exemple Sîtâ (dont le nom signifie le « sillon » et qui, de ce fait, rejoint la fonction de prospérité-fécondité-abondance de Lakshmî, cette fois dans le contexte agricole ; épouse dévouée à son mari, Sîtâ est aussi lépouse « sainte », ce qui en fait lincarnation exemplaire de Lakshmî) pour Râma et Rukminî ou Rhada pour Krishna. Lorsque la dixième incarnation de Vishnu se manifestera sous la forme de Kalki, Lakshmî deviendra la déesse de la Destruction. Aussi dit-on que Lakshmî visite tous les samedis sa sœur aînée Nirriti qui est parfois identifiée à Dhumavatî, déesse de la Destruction finale. Contrairement à Kâlî, Lakshmî ne possède pas de temples autonomes. Son rôle d’épouse étant prépondérant, elle est toujours vénérée conjointement à Vishnu.

 

5. Visualisation.

L’image de Lakshmî doit toujours être la plus belle possible. Ainsi la montre-t-on auréolée de lumière, alors que de l’une de ses mains s’écoulent des pièces d’or et de pierres précieuses. Lattitude qui la figure assise -on la représente aussi debout- sur un trône en forme de lotus, tandis que deux éléphants blancs versent de leau sur les fleurs de lotus quelle tient à la main est appelée Gaja Lakshmi. Lakshmî porte souvent un lotus dans deux de ses quatre mains. Elle porte un sari rouge. Lakshmî est ainsi nommée Kamalâ, soit « Fleur de Lotus », le lotus apparaissant, comme nous venons de le voir, comme l’un des principaux attributs de Lakshmî.

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 23 novembre 2010.

 

 

Sources : Dictionnaire de lhindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / LInde mystique et légendaire, Louis Frédéric, Editions du Rocher, 1994.

 

 

 

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19 novembre 2010 5 19 /11 /novembre /2010 16:27

 

 

 

Combat d'Héraclès et Géryon, amphore attique à figures noires,

 540 av. J.-C., musée du Louvre

 

1. Un monstre à trois têtes.

 

Dans la tradition hellénique, Géryon (ou Géryonès) est un être à trois têtes et à trois troncs (Virgile, Enéide, VIII), c’est pourquoi on le nomme Triporcor, Trigformis ou encore Tergeminus. Il est doté d’une force extraordinaire. Géryon est le fils de Chrysaor et de Callirhoé. Chrysaor est issu de la Gorgone Méduse : lorsque Persée décapita Méduse, Chrysaor jaillit du tronc du monstre. Quant à Callirhoé, elle est la fille d’Océan (ou Okéanos) et d’Echidna.

 

2. Le vol du troupeau de Géryon par Héraclès.

 

Géryon vivait dans une région de l’Occident que l’on identifie à l’île d’Erythie, qui se situerait près du détroit de Gibraltar. Géryon, qu’Hésiode décrit comme le plus puissant roi de cette île ou encore de l’Hespéride, possédait un grand troupeau de bœufs bruns qu’il nourrissait de chair humaine et que gardaient le géant Eurytion, fils d’Arès (qu’il ne faut pas confondre avec le centaure Eurytion qui tenta d’enlever Hippodamie au cours de ses noces) et un chien féroce bicéphale nommé Orthros. Certaines sources ajoutent comme gardien un dragon à sept têtes. Notons qu’Orthros n’est autre que le frère de Cerbère et est donc, comme lui, né de l’union d’Echidna et de Typhon. En s’unissant à sa mère Echidna, Orthros engendra le Sphinx de Thèbes. Mais les deux gardiens furent vaincus par Héraclès qui, après les avoir étranglés, s’empara du bétail de Géryon. Celui-ci tenta bien de retenir Héraclès mais ce dernier le tua également en le battant à mort. Héraclès revint ensuite par la Gaule, l’Italie et la Thrace dans le territoire d’Eurysthée. Tous les bœufs de Géryon furent sacrifiés à Héra. Cet épisode correspond au dixième des Douze Travaux d’Hercule/Héraclès.

 

3. Géryon chez Dante.

A Gustave Doré wood engraving

of Geryon for The Divine Comedy.

 

 

 

Géryon est cité par Dante dans la Divine comédie (chant 17), quitte à lui donner une morphologie très différente de l’origine mythologique :

 

« Voici la bête à la queue acérée qui transperce les montagnes et rompt les murs et les armes ; voici celle qui infecte le monde entier. » Ainsi commença à me parler mon guide, et il lui fit signe de venir au bord de notre sentier de marbre. Et cette laide image de la Fraude s’en vint, et elle avança la tête et le buste, mais elle ne pose pas sa queue sur la rive. Sa face était la face d’un homme juste ; elle avait la peau très douce, et le reste du corps était d’un serpent. Elle avait deux serres velues jusqu’aux aisselles ; elle avait le dos, la poitrine et les deux côtés marquetés de nœuds et de taches rondes. Jamais l’envers ni l’endroit d’une étoffe ne fut plus riche en couleurs chez les Tartares et les Turcs, et telles n’étaient pas les toiles d’Arachné. Comme parfois sont les barques sur la rive, moitié dans l’eau et moitié à terre, et comme chez les Germains gloutons, le castor s’accroupit pour faire la guerre ; ainsi la détestable bête se tenait sur le bord qui enferme de pierre le sable ; elle agitait toute sa queue dans le vide, redressait la fourche venimeuse qui en armait la pointe comme celle du scorpion. Mon guide me dit : « Il convient qu’à présent nous tournions nos pas vers cette méchante bête qui est couchée là. »

 

Virgile conseille alors à Dante d’aller se rendre compte par lui-même du sort réservé aux Usuriers, enfermés dans la troisième enceinte des Violents, dans le septième cercle de l’Enfer, pendant qu’il s’en va lui-même parler à Géryon pour qu’il les transporte jusqu’au fond du gouffre. Dante revient, trouve Virgile assis sur la croupe de Géryon et le rejoint.

 

« Géryon, mets-toi en marche à présent ; lui dit Virgile, comme la barque s’éloigne du bord, il recula, recula, et lorsqu’il se sentit la liberté de tous les mouvements, il tourna la queue où il avait la poitrine, et, l’allongeant, il l’agita comme une anguille et ramena l’air à lui avec ses griffes. »

 

Sur le dos de Géryon qui entame lentement, en tournant, la descente au fond du gouffre infernal, Dante entend au-dessous de lui un fracas épouvantable et les gémissements des damnés. Il aperçoit bientôt les grandes douleurs dont ont à souffrir les âmes tourmentées qui s’approchent de différents côtés. Vient alors le moment où Géryon dépose Virgile et Dante au fond du gouffre.

 

« Comme le faucon qui est resté longtemps sur les ailes sans voir ni leurre ni oiseau, et qui fait dire au fauconnier : « Hola ! viens donc ! », descend fatigué des hauteurs où il traçait cent cercles rapides, et s’abat plein de dépit et de fiel loin de son maître, ainsi Géryon nous déposa au fond du gouffre, au pied de la roche ruinée, et, déchargé de nos personnes, il s’éloigna comme la flèche loin de la corde. »

 

Géryon apparaît ici comme un symbole de la Fraude, à l’exemple d’autres Géants mythologiques. Tout comme le géant Géryon est représenté chez Dante de cette étrange manière, Cacus, un autre géant tricéphale est, par le même auteur, représenté sous l’aspect d’un centaure.

 

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 19 novembre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Œuvres de Dante Alighieri, La Divine comédie, traduction de A. Brizeux, Charpentier, Libraire Editeur, 1853.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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18 novembre 2010 4 18 /11 /novembre /2010 17:31

 

 

 

 

1. Esus : étymologie.

 

Dieu gaulois, Esus est nommé le « Bûcheron » ou encore, l’ « Ebrancheur ». Le nom d’Esus (=le Meilleur, le Divin, le Bon) s’expliquerait par la racine esu (=bon), en contraste, semble-t-il, avec le caractère sanglant que l’on attribue, à tort ou à raison, aux rites qui lui étaient consacrés. De manière tout aussi aléatoire, certains traduisent le nom d’Esus par le « dieu » ou encore, le « bon maître ».

 

2. Esus, dieu de la Végétation.

 

Il est le dieu de la Terre et de la Végétation et est donc lié à l’élément végétal. Il préside aussi aux travaux des champs et des bois. Selon certaines sources, Esus serait l’un des aspects de Sucellos-Dispater et dans le nord de la Gaule, il semble qu’on lui attribue l’origine de tous les dieux. Il apparaît comme l’une des principales divinités gauloises et n’est, par ailleurs, connu qu’en Gaule. Les Romains virent en Esus une forme du Jupiter gaulois, à l’exemple de Sucellos ou de Taranis.

 

3. Esus : représentations.

 

On peut citer deux représentations connues du dieu Esus. Premièrement, celle de Trèves : sur un bas-relief, le dieu frappe un arbre sur lequel sont perchés trois oiseaux. On aperçoit, cachée dans les feuilles, une tête de taureau, ce qui semble renvoyer au Tarvos Trigaranos, soit le « Taureau aux Trois Grues » du Pilier des Nautes de Lutèce (Kruta). Esus serait en train d’abattre l’Arbre de Vie afin d’en libérer une Grande Déesse qui en serait prisonnière, mais rien ne semble recouper cette fable imaginée. Au registre des fables, il faut sans doute également ranger l’opposition entre Esus et Cernunnos, se partageant les faveurs de la Déesse-Mère au rythme des saisons (Picard). Autre représentation, celle du Pilier des Nautes des Parisii, donc, conservé au musée de Cluny. Sur ce monument divisé en « dés » superposés, Esus, vêtu d’une courte tunique et tenant une serpe de la main droite, empoigne de la main gauche un arbre qu’il est en train d’ébrancher. Son nom figure clairement dans la bande au-dessus de la sculpture. Pour certains, il s’agit là de l’activité d’un charpentier, le Pilier des Nautes étant lié à la navigation, pour d’autres, l’activité du dieu le présente sous l’aspect d’une divinité de la troisième fonction productrice ou comme une divinité trifonctionnelle (sacerdotale, guerrière et productrice). La représentation d’Esus voisine directement avec celle du Tarvos Trigaranos ou « Taureau aux Trois Grues ». Ce thème semble renvoyer à la tête de taureau et aux trois oiseaux perchés qui apparaissent sur le bas-relief de Trèves (Kruta).

 

4. Esus dans les textes.

 

Les textes médiévaux des îles britanniques restent muets au sujet d’Esus. De fait, il n’est que le poème épique De bell o civili (Pharsale I, 444-446) de Lucain pour le citer, en compagnie de Teutates et de Taranis. Lucain, nomme le dieu celte, l’ « abominable Esus » et prétend qu’on l’apaisait par le sacrifice d’un homme pendu à un arbre et qu’on le laissait dans cette macabre situation jusqu’à ce qu’il soit totalement vidé de son sang et dépouillé de ses chairs. A ce sujet, on peut citer une analogie avec un mythe gallois selon lequel un dieu (jupitérien) retrouve, réfugié dans un arbre, un dieu (mercuriel) affligé d’une blessure d’où sa chair corrompue s’écoule sur le sol. Esus, Taranis et Teutates forment peut-être une triade divine (Guyonvarc’h) et ce serait là les trois visages d’un même dieu, le nombre trois exprimant pour les Celtes la totalité parfaite. Cette thèse (contestée) nous vient donc, comme nous l’avons dit, d’une remarque de Lucain dans la Pharsale : « …ceux qui honorent le cruel Teutates avec d’horribles offrandes sanglantes, ainsi que l’abominable Esus, et l’autel de Taranis, aussi peu aimable que celui de la Diane scythique… » Ajoutons que Lucain associe Esus à Mars (Hesus-Mars six placatur homo in arbore suspenditur usque donem per curorem membra degesserit) et à Mercure (Hesum Mercurium credunt si quidem mercatobirus colitur).  

 

5. Un dieu de roman…

 

A titre d’anecdote, signalons aussi le récit romancé de Gilbert-Charles Picard, « L’ascension d’une dynastie gauloise – La gloire des Sedatii », évoquant un druide rebelle qui fut, selon ce récit, supplicié en l’an 156 à Limonum (Poitiers) et qui lança contre l’assistance cet anathème : « Esus et Teutates vous châtieront, traîtres, esclaves des Romains ! » Un ours qui devait le tuer, hésita à accomplir sa funeste tâche, avant d’être rendu furieux par un trait enflammé que Sedatius Severianus, éminent représentant d’une famille pictonne pro-romaine, lui fit décocher. Sans doute faut-il plutôt retenir de ce récit le caractère sympathiquement romancé, qu’une quelconque réalité historiquement fondée…

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 18 novembre 2010.

 

 

Sources : Atlas de la civilisation occidentale, sous la direction de P. Lamaison, France-Loisirs, 1994 / / Des dieux celtes aux dieux romains, P. Cattelain – C. Sterckx, Editions du CEDARC, 1997 / Dictionnaire historique des Celtes, Maxi-Poche Histoire, Pierre Norma, 2003 / L’ascension d’une dynastie gauloise – La gloire des Sedatii, Gilbert-Charles Picard, Perrin, 1990 / Les Celtes – Fureur et Immortalité, G. Nenzioni et F. Giromini, Papermint, 1979 / Les Celtes – Histoire et dictionnaire, Venceslas Kruta, Robert Laffont, 2000 / Les Celtes – Les dieux oubliés, Marcel Brasseur, Terre de Brume Editions, 1996 / Nouveau dictionnaire de mythologie celtique, Jean Markale, Pygmalion, 1999.

 

 

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23 octobre 2010 6 23 /10 /octobre /2010 10:25

 

4. Les multiples noms de Shiva.

 

-Avalokitesvara : voir « Lokesvara ».

-Bholâ : « Celui qui donne avec pureté et innocence ».

-Bhuvanesha : « Le Seigneur de lUnivers ».

-Ghantâ : Cette épithète de Shiva désigne aussi une cloche utilisée lors de cérémonies religieuses.

-Girisa : « Le Seigneur de la Montagne ».

-Guhâ : Ce nom qui semble signifier tout à la fois « cave » et « agresseur », désigne aussi bien Shiva que son fils Skanda.

-Hara : Destructeur.

-Ishana : Aspect de Shiva/Rudra. Dieu de la Souveraineté et de la Purification. Bénéficiaire de toutes choses, maître des savoirs et des éléments. Il est représenté avec cinq visages et une couleur cuivrée. Il est suivi dune chèvre qui représente la puissance de la Nature. Les attributs quil tient dans ses dix mains sont : les Veda, un crochet à éléphant, un lacet, une hachette, un crâne, un tambourin, un rosaire, un trident, et de ses deux autres mains, il fait les gestes décarter la crainte et de donner.

-Ishvara : La Divinité Personnelle, Tout-Puissant, lOmniprésent, le Seigneur Suprême, Celui qui a lillusion sous contrôle, la Volonté Supérieure, lÂme Universelle. Une des huit formes élémentaires de Rudra. Ishvara est aussi Kshetrajna, un des cinq visages de Pancanana, un aspect de Shiva.

-Kâla-Kâla : Le Temps est Dieu et Dieu est le Temps.

-Kapila : Nom dun sage mythique qui réduisit en cendres les 60.000 fils de Sâgara parce que ceux-ci sétaient introduits dans son domaine. Kapila est une des « mille épithètes » de Shiva. Egalement identifié à Vishnu et à lune des formes du feu sacrificiel Agni.

-Kasi : Ou Kashi. Ancien nom de Varanasi/Benarès. Un des noms de Shiva.

-Lokesvara : Le Souverain du Monde. Egalement appelé Avalokitesvara.

-Madanântaka : De Madanâ (nom du dieu de lAmour, de la Convoitise et du Désir) et de « Ântaka » (« celui qui met fin à quelque chose », la Mort). Ce nom qualifie Shiva comme celui qui détruit la convoitise et les désirs terrestres.

-Mahadeva : Grand Dieu, Dieu Immense, Dieu des dieux, Dieu Suprême. Aspect de Shiva personnifiant son énergie créatrice et symbolisé par le lingam.

-Mahakala : Grand Temps. Un des aspects de Shiva dans son rôle de Destructeur. Kalî est sa parèdre. Dans le lamaïsme, il est lun des huit Dharmapala (divinités protectrices de la Loi bouddhique) et est représenté avec un visage grimaçant, langue sortie, crocs menaçants, un corps bleu-noir ceint dune peau de tigre, des têtes coupées autour du cou. Il peut être représenté avec deux, quatre ou six bras selon les aspects. Sa parèdre est Palden Lhamo.

-Mahesha : Grand Seigneur.

-Maheshvara/Umamahesvara) : Celui qui dissout la Création. Egalement un des noms de Krishna. Umamahesvara, populaire dans liconographie khmère, représente le couple Uma (Parvati) et Mahesvara (Shiva). Le couple est représenté soit sur le taureau Nandin, soit sur le mont Kailasa dans la scène où Ravana, fou dorgueil, secoue la montagne sur laquelle se trouve Shiva, semant la panique dans la faune et les ascètes.

-Manohara : Enchanteur et destructeur du mental, vainqueur ou voleur des cœurs, il attire ou entraine le mental, magnifique, séduisant, captivant.

-Nandîsvara : Personnalité libre du corps.

-Natarâja : Le Roi de la Danse. Aspect de Shiva dansant. Représentation de Shiva en tant que danseur dont le rythme alternativement crée et détruit le monde ; le terme ancien est plutôt « nateçvara ». Cette danse a pour but de libérer les âmes prisonnières de lIllusion (maya). Lensemble du jeu cosmique (lîlâ) est lexpression de la danse de Shiva dans tous les mouvements à lintérieur du cosmos. Symbole de la force de Dieu, il anime la création, maintient toute la nature en activité en un mouvement rythmique continuel et, le moment venu, il détruit également par sa danse, tous les noms et toutes les formes.

 

Nataraja

 

-Nilakantha : Dieu à la gorge bleue. Nom donné à Shiva après quil eut bu le poison Kâlakûta (ou Hâlâhala) issu du barattage de lOcéan de lait.

-Pancanana : Ishana est aussi Kshetrajna (=la Réalité, lUniversel connu sous de multiples noms, Celui qui connaît toutes les qualités et tous les défauts du corps), un des cinq visages de Pancanana. Voir aussi « Ishana » et « Ishvara ».

-Panchâkshari : Mantra de cinq lettres qui désigne le Soi comme étant le « Sai Shiva » Lui-même.

-Paramesha : Ce qui transcende tout.

-Parashiva : Le Maître Suprême.

-Paramêshvara : Ce qui transcende tout.

-Pashupati : Maître des êtres vivants. « Lhomme ayant vaincu lanimal en lui ». Le « Pashu » (=la Bête), a été vaincu, et « Pashupati » (=le maître des êtres vivants) sest installé dans le cœur.

-Purushottama : LÊtre Suprême. Âme Suprême.

-Pushkara : Lotus bleu. Egalement le nom dune localité du Rajastan où lon vénère Brahma. Il est dit aussi que la rivière Sarasvatî renaît du lac Pushkara. Egalement un nom de Krishna.

-Rudra : Hurleur, le Terrible, le Rouge. Shiva, inconnu des Veda, fut tardivement assimilé à une forme du dieu Rudra.

-Sadâshiva : Nom du Seigneur Shiva sous son aspect toujours favorable.

-Shaïleshvara : Le Seigneur de Shaïlagiri.

-Shambhu : « Celui qui est Sérénité ».

-Shankara : Maître religieux originaire du Kerala (770-810 ?). Il développa lenseignement du Vedânta et lui donna sa forme classique. Nombre de ses contemporains le prenaient pour une incarnation de Shiva. « Mais il se trouve que Shankara est connu en Inde comme « dévot de Shiva » (certains disent même quil fut une incarnation de ce dieu) et quil a composé des hymnes dévotionnels. »

-Shekhara : Sommet, crête, pic. « Shashi Shekhara » renvoie à Shiva portant la Lune dans les cheveux.

-Triambaka : Qui possède trois yeux. Qui se rapporte au 3ème œil. Nom de Shiva et Rudra.

-Trilochana : Qui a trois yeux.

-Ugra : Un des sept Rudra nés du front de Brahma. Ugra est identifié à Ishana, un autre aspect de Shiva/Rudra.

 

5. Temples et sanctuaires.

 

5.1. Il est dit quune prière au temple du Seigneur de lUnivers (=Shiva), à Uttarkâshi, permet au pèlerin dêtre purifié de tous ses péchés.

 

5.2. On trouve un temple élevé en lhonneur de Shiva à Kedarnâth, sur le site sacré de lAlaknandâ. Il sy élève un des douze plus célèbres lingam de lumière ou Jyotirlingam, symboles de Shiva. Les fidèles viennent en ce lieu pour honorer Shiva et Gangâ (voir aussi point 5.8.). A noter que dans la région de Kedarnâth et de Badrinâth, il est dit qu’un combat opposa Shiva, déguisé en montagnard, à Arjuna. Le poète Bhâravi dit à ce sujet dans son Kîratârjunîya que « le Seigneur fut encore plus impressionné par l’humanité transcendante d’Arjuna que par sa dévotion. » Et le poète d’ajouter : « La véritable connaissance libératrice / Emane de ces lieux autant que de la Révolution / Chassant les ténèbres de l’ignorance, pour le bénéfice / De ceux qui cherchent le pur état de Brahman. »

Kedarnath

 

5.3. A Hardvâr, on trouve des temples dédiés à Shiva, tels que Mâyâdevî et Daksheshvara.

 

5.4. Il est dit que celui qui adore Shiva à Gangâdvâra, même pendant peu de temps, devient uni à Shiva.

 

5.5. A Polonnaruva, au Sri Lanka, on a découvert sept temples dédiés à Shiva. Cest la dynastie tamoule des Chola qui élèva Polonnaruva au rang de capitale, à la place dAnuradhapura.

 

5.6. A Malang, sur le territoire indonésien de Java, on a découvert un temple dédié à Shiva.

 

5.7. A Angkor, au Cambodge, nombre de temples sont dédiés à Shiva.

 

5.8. Il est dit quun jour les cinq frères Pândava poursuivirent un buffle sauvage qui nétait autre que Shiva. Ce dernier, pour leur échapper, tenta dentrer dans le sol, mais il ny parvînt pas totalement, laissant dépasser son arrière-train à lendroit appelé depuis Kedarnâth. Mais on retrouva, au total, les membres du buffle dans cinq endroits différents : larrière-train à Kedarnâth, les pattes à Tunganâtha, le ventre à Madhyameshvara, la tête à Rudranathâ, au Népal, et le reste à Jata Kalpesvara. Les cinq endroits sont devenus sacrés et sont connus sous le nom de Pancha-Kedara. Voir aussi point 5.2.

 

6. Rites et rituels.

 

6.1. Hridaya est le cœur spirituel, l’autel dans lequel demeure Shiva. C’est la niche qui est au tréfond de notre être et dans laquelle brille la lampe Jnâna (=la Connaissance). Ce cœur est situé à droite du corps physique.

 

6.2. Le nom générique des récits shivaïtes est Âgama (=Source de la Doctrine, tradition). Selon certaines sources, ces écrits se rapporteraient à des traditions souvent marquées par le culte de la Déesse égale ou même supérieure- au Dieu, mais bien que « le nom d’Âgama ait parfois été étendu à des ouvrages d’inspiration tantrique ou vishnouite, ces ouvrages sont normalement shivaïtes, c’est-à-dire promeuvent Shiva au rang de divinité suprême (parfois même unique). Le plus souvent le grand dieu est flanqué de sa parèdre qui n’est autre que sa propre énergie (shakti) « incarnée » en une déesse, son épouse (ou plus rarement, sa fille). » (Varenne) Ces textes sont des recueils ou d’autres textes se rapportant au culte mystique de Shiva et de sa Shakti.

 

6.3. Le Skanda-Purâna est un immense poème de 80.000 distiques de date relativement tardive (8e siècle) dédiée au culte de Shiva.

 

6.4. Le terme Rudrâksha désigne la « Baie de Shiva ». Il s’agit d’une baie à cinq faces très rare. Elle rapporte la prospérité et aide l’aspirant. Cette baie sert à la fabrication du rosaire « Japamala ». C’est un rosaire de huit grains destiné à la pratique de Japa, soit la répétition d’un des noms du Seigneur, d’un mantra ou encore d’une prière. Selon Alain Daniélou : « L’usage du rosaire et ses cinquante-quatre grains (moitié du nombre sacré cent huit du chapelet hindou) provient du rite de Japa mentionné dans les pratiques du Yoga. »

 

6.5. Shivarâtri signifie la « Nuit de Shiva » et est une contraction populaire de Mahashivarâtri, la Grande Nuit de Shiva. Il s’agit de la nuit la plus propice de l’année, durant laquelle l’influence de la Lune est complètement nulle sur le mental. C’est le moment le plus favorable pour réaliser la Vérité. Cette fête a lieu une fois par an.

 

6.6. Mâsika Shivaratri désigne la cérémonie mensuelle dédiée à Shiva le jour de la pleine lune.

 

6.7. Om namah Shivâya est un mantra composé de 5 syllabes signifiant « hommage au Seigneur Shiva » désigné comme le Soi intérieur. Ce mantra a le pouvoir d’accorder la réalisation spirituelle autant que la réussite matérielle. Shivâya est le datif de Shiva qui signifie « obéissance à Shiva ». Il est dit, en outre, que la syllabe M du son créateur AUM (OM) symbolise Shiva, la destruction et la volonté, et que Shivom est la contraction de Shiva dans le Om.

 

7. Shiva est-il Satan ?

 

Cette comparaison peut paraître choquante de prime abord, mais voyons ce qui en est dit réellement par Raymond de Becker dans « Lhindouisme et la crise du monde moderne » (p.213-215).

 

« Les grands saints shivaïtes en pourraient éprouver de la surprise, mais un voyage en Occident et une exploration de notre tradition devraient les convaincre que nous ne disposons pas de meilleur terme de comparaison. Bien entendu, toute comparaison est boiteuse et celle-ci néchappe pas à la règle. Mais malgré ses défauts cest encore la meilleure pour nous faire appréhender le shivaïsme et ce quil peut représenter pour nous. Car, en parlant de satanisme, nous voyons bien tout ce quen Occident lEglise a condamné, mais nous pouvons aussi nous demander ce que, sans cette condamnation, serait devenu ce que nous avons pris coutume dappeler ainsi. Quelle était la réalité psychologique et spirituelle des sabbats, lâme profonde de ces Templiers quon envoya au bûcher ? Si tous les chrétiens avaient été pareils à Victor Hugo, à Péguy ou à Berdiaeff qui se refusèrent à voir en Satan lopposé éternellement perdu de Dieu et voulurent éveiller en lui non seulement de la pitié, mais une compréhension de sa fonction, lOccident aurait peut-être connu cette sorte de satanisme désamorcé, exalté, glorifié quà mon avis le shivaïsme constitue. Si cette vue peut choquer, cest que les Occidentaux nont cessé de considérer les problèmes religieux et métaphysiques sous langle de la morale et de léthique, de lopposition du Bien et du Mal. LInde non plus nignore pas complètement la morale reproche que Romain Rolland lui a fait cependant-, mais elle lui accorde moins dimportance que nous et, en tout cas, se garde de la confondre avec la religion et la métaphysique. LInde sest demandé davantage quelles sortes de processus universels ou psychologiques pouvaient se trouver à larrière-plan dun Mal qui varie dailleurs daprès les civilisations, les époques, les lieux, les groupes sociaux, les individus. Elle a découvert que, derrière ce que nos appelons le mal, le péché, la faute ou lerreur, il existe une tendance à la destruction, à la dissociation, à la désintégration, et que cette tendance est aussi naturelle, aussi essentielle à lordre et au fonctionnement de lunivers que la tendance à la construction, à la cohésion, au rassemblement. »

 

Or, si la tendance à la Construction correspond au vishnouisme, la tendance à la Destruction correspond au shivaisme.

 

« En quoi consiste alors le shivaisme ? En tout ce qui détruit la vie, à savoir le plaisir, la passion, la cruauté, la violence, le crime, lascétisme, le renoncement. Cest tout ce qui mène à la dissolution finale de lindividu, des sociétés et du monde. Cest le Temps, la Mort, la mort de la Mort. Cest le sommeil, mais le sommeil sans rêves, car le rêve est encore un germe de vie, un commencement, non un retour, une fin. »

 

« Un texte de Shiva-tattva déclare :

« Lorsque les êtres sont fatigués dagir, de vivre, de savoir, de jouir et de souffrir et quils cherchent le vrai repos dans le sommeil sans rêves, ils retournent au Seigneur-du-Sommeil, à limmobilité, à la demeure de joie dans laquelle lunivers se repose et sendort. »

 

Si certains psychanalystes prétendent quil nexiste nul accident, fût-il mécanique, qui ne soit inconsciemment voulu, le shivaïsme, lui, sacralise ces tendances.

 

« Il les favorise pour qui sy sent porté. De là son affinité avec le tantrisme et les voies de la main gauche qui utilisent ce quon a appelé les cinq M : madhya (la drogue), mâmsa (la viande), matsya (le poisson), mudra (le geste magique) et maithuna (la copulation) pour atteindre la libération. »

 

« Le Seigneur-des-larmes (Shiva), dit la Kularnava Tantra, a montré dans sa doctrine de main gauche que lavancement spirituel de lhomme est réalisé le plus sûrement au moyen des choses mêmes qui causent sa chute. »

 

« Cest Jean Genet qui pourrait danser le mieux la danse de Shiva, ou bien lauteur de cet Evangile non canonique : « Si tu sais ce que tu fais, avait-il écrit, tu es heureux, mais si tu ne sais pas ce que tu fais, tu es damné. » Le shivaisme apprend à se détruire en sachant quon se détruit, ou à détruire autrui de même façon, tout en montrant comment toute tendance à la désintégration nest quexpression individuelle de la tendance désintégrante à lœuvre dans lunivers et nécessaire à son économie. ».

 

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 19 octobre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de lhindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Guide des religions, Dauphin, 1981 / Lhindouisme et la crise du monde moderne, Raymond de Becker, LEncyclopédie Planète / LInde mystique et légendaire, Louis Frederic, Editions du Rocher, 1994 / Le Vedisme. Léveil de la spiritualité indienne. Bernard Baudouin, Editions de Vecchi, 1997 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / Narmada Sutra, Gita Mehta, Livre de Poche, 1993.

 

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23 octobre 2010 6 23 /10 /octobre /2010 09:59

 

 

1. Shiva, la Réalité Ultime.

 

Shiva est un aspect du Dieu Suprême, de lEsprit Eternel, de la Réalité Ultime, de lImmuable. Shiva est le Soi véritable et absolu au-delà de tout concept, de toute analyse. Il est la source créatrice en sommeil. Sa demeure et sa forme primordiale se nomment Arunâchala (=montagne sacrée de feu, du sud de lInde). Shaïvam est le principe de Shiva.

 

Shiva serait un dieu pré-hindou, le plus ancien de lInde, tout particulièrement sous son aspect de dieu de la Mort et de la Destruction. Shiva est toutefois inconnu des Veda. Il sera tardivement assimilé à une forme du dieu Rudra, ce dernier étant aussi associé aux souffles vitaux qui sont les compagnons de Shiva. Certains noms appliqués auparavant à Rudra, le furent ensuite à Shiva, tel que Hara, Shamkara ou Mahâdeva. Tout comme Shiva, Rudra est tout à la fois un Guérisseur et un Destructeur.

 

Les trois phases cosmogoniques de la Création sont le Jaillissement, la Durée et la Dissolution de l’univers des formes (on peut également évoquer les Trois Mondes : le Ciel l’Espace et la Terre sur lesquels, ceci dit pour l’anecdote, le démon Hiranyakashipu obtint de Shiva la souveraineté). A chacune de ces phases correspond une divinité : Brahma le Créateur, Vishnu le Continuateur et Shiva le Destructeur. Ces trois divinités sont réunies dans une trimurti (ou triade).

 

Mais si Brahma est peu vénéré, Vishnu et Shiva constituent aujourd’hui les deux principales divinités –parfois concurrentes- de la tradition hindoue, à tel point que l’on dit que tant Shiva que Vishnu ont absorbé, au cours du temps, les trois phases cosmogoniques précitées qui rythment le devenir de la Création. On dit aussi dans le Hari Vamsha (=Généalogie de Hari) que cette trimurti, cette trinité brahmanique, est réunie en une seule divinité nommée Dattatreya. L’on évoque également une divinité nommée Harihara dont Vishnu (Hari) compose la moitié gauche et Shiva (Hara), la moitié droite.

 

Parfois fusionnées, les grandes divinités hindoues sont aussi parfois concurrentes. Ainsi est-il dit que Shiva aurait coupé la tête de Brahma pour le punir d’avoir triché et que c’est depuis ce jour que Brahma possède quatre visages. Ou encore que le démon Bana, protégé de Shiva, enleva un jour Aniruddha, un petit-fils de Krishna (lui-même avatar de Vishnu). Mais ce dernier affronta le démon au cours d’un combat qui ébranla l’univers entier, et ce jusqu’à ce que Shiva reconnaisse que, tout comme lui-même, Krishna procédait de la plus haute divinité. De nombreux récits de facture vishnouite ou shivaite, ridiculisent ou, au contraire, vantent les mérites de telle ou telle divinité par rapport aux autres.

 

Dans le contexte de la trimurti, Shiva est donc le Destructeur, mais dans le sens où il détruit pour favoriser le Renouveau. Shiva présidera à la dissolution de l’Univers afin de permettre sa régénération. Cela explique que Shiva est très souvent représenté par un lingam, symbole phallique qui représente l’énergie sexuelle et la pérennité de la Création, énergie qui doit être impérativement contrôlée par l’aspirant spirituel. L’aspect destructeur de Shiva est aussi une allusion à l’action divine purificatrice qui détruit l’ego en l’homme, afin de permettre à sa nature divine de se manifester.

 

Il convient dès lors de ne pas confondre le rôle destructeur de Shiva avec une quelconque malfaisance, que du contraire : son action est salvatrice. Shiva, que l’on dit volontiers ami des démons et des mauvais garçons (ce qui peut correspondre à son rôle de destructeur) n’en n’est donc pas moins une divinité bienveillante, bienfaisante, propice, salutaire, Shivam (=bonté, favorable, de bon augure).

 

Ainsi, les trois villes d’or, d’argent et de fer nommées Tripurâri et créée par Maya pour les démons, furent brûlées par Shiva, avec leurs occupants, à la demande des dieux. Ces trois villes symbolisent les trois Gunas qui gardent l’homme lié au monde de l’existence.

 

Quant à la danse cosmique de Shiva, Tandava, elle est à la fois symbole de vie et de mort. Chaque pas de la danse de Shiva a une signification bien précise. Une énergie cosmique émane de sa danse tourbillonnante et de son tambour à boules. Le son quémet ce tambour pendant que Shiva effectue sa danse cosmique est nommé Dim.

 

Les Grecs ont, eux, voulu assimiler Shiva à Dionysos, ce qui est peut-être un peu réducteur.

 

Sivoham signifie « Je suis Shiva ».

 

2. Visualisation et attributs.

 

2.1. L’Un, indivisible et immuable.

 

Shiva, un aspect de l’Un, comme nous venons de le voir, réunit les contraires. Si on le représente les yeux mi-clos cest parce quil les ouvre lors de la création du monde et les ferme pour mettre fin à lunivers et permettre le commencement d’un nouveau cycle. Shiva est ainsi le Maître du Temps (=Mahakala), raison pour laquelle on le représente portant une guirlande de crânes.

Trident de Shiva

 

2.2. Un dieu-ascète.

 

On insiste généralement sur son aspect ascétique : Shiva est le patron des ascètes. Selon la légende, cest au sommet du mont Kailasa que Shiva médite. Mais il y est parfois dérangé ! Ainsi, un jour, fou dorgueil, Ravana secoua cette montagne, semant la panique parmi les ascètes et les animaux. Une autre fois, c’est le dieu de l’amour Kama qui vint déranger sa méditation, et ce dans le but de faire se rencontrer Shiva et la déesse Parvatî. Shiva apprécia bien peu cette initiative de Kama que de son Troisième Œil, symbole de la Connaissance absolue, il le foudroya. A noter que c’est justement parce que cet œil possède des capacités foudroyantes que Shiva le tient généralement fermé. Quoiqu’il en soit, suite à cet événement, Shiva senduisit des cendres de Kama. Il fut ainsi le premier à prendre un bain de cendres, celui-ci étant depuis considéré comme une marque de lascète et est supposé conférer des pouvoirs spirituels. Voilà pourquoi on représente généralement Shiva, sombre ou bleu, c’est-à-dire couvert de cendres. Tapas désigne la chaleur ou l’ardeur ascétique de Shiva, en tant qu’Ascète Suprême. Grâce à cette « ardeur ascétique », Shiva préserve l’Univers. Tapas est aussi une sorte d’explosion psychique conduisant à la création de l’Univers, dans le cas des dieux et, dans le cas des humains, à l’acquisition de pouvoirs tels que même les dieux tremblent devant eux.

 

2.3. Le Gange pour coiffure.

 

Il porte également les cheveux tressés en nattes formant un chignon. Dans sa chevelure on trouve un croissant de lune (symbole du cycle du temps) qui est le dieu-lune, Chandra Kutila. Cest de cette chevelure que sécoula le Gange (il sagirait, plus précisément, du torrent de lAlaknandâ), personnifié par la déesse Gangâ. Mais on dit également quil amortit avec sa tête la chute du Gange mystique. Cest à la demande de Bhagîratha que Shiva accepta de recueillir les eaux du fleuve céleste dans ses cheveux afin quelles ninondent pas trop brutalement la terre. Le fleuve, irrité, voulut alors emporter Shiva dans le Pâtâla, mais le dieu fut le plus fort et il retînt les eaux dans les boucles de sa chevelure, ne les laissant sécouler que lentement, après quelles eurent fait le tour du mont Meru et se furent divisées en sept rivières. Voilà pourquoi Shiva est parfois représenté avec les eaux du Gange emprisonnées dans ses cheveux et voilà pourquoi on le nomme Gangâdhara (=Orné du Gange). Ainsi dit-on aussi que, fatigué de posséder trois femmes jalouses, Vishnu décida de ne garder que Lakshmî (dont on dit parfois qu’elle est la fille de Shiva et de Parvatî), de donner Sarasvatî à Brahma et Gangâ à Shiva. Il est dit, en outre, que Shiva donnera à ceux qui se seront purifiés dans le Gange ou encore à ceux dont les cendres y auront été immergées, la formule qui les libèrera définitivement du cycle infernal des renaissances (Samsara).

 

2.4. La peau du fauve.

 

Shiva est généralement vêtu dune simple peau de fauve ou est représenté assis sur une peau de tigre. La peau de fauve représente lénergie potentielle ou lempire des sens vaincu par Shiva. Shiva a fait des principes spirituellement nuisibles, représentés par les serpents et les scorpions qui lentourent, des serviteurs qui le parent.

 

2.5. Le « dieu-au-cou-bleu ».

 

Lors du Barattage de lOcéan, Shiva avala le poison Kâlakûta (ou Hâlâhala) qui menaçait les Trois Mondes et celui-ci se concentra en une tache bleue sombre qui marqua ainsi le dieu quon appela désormais Nîlakantha ou dieu-au-cou-bleu.

 

2.6. Les attributs de Shiva.

 

2.6.1. Parmi les attributs de Shiva, on trouve le taureau Nandi. Monture de Shiva et de Parvatî, ce taureau représente la force vitale que Shiva a su dompter ; Nandi est d’ailleurs aussi l’un des aspects de Shiva lui-même (en tant que « personnalité libre du corps », Shiva est nommé « nandîsvara »). Le nom de Nandi signifie « heureux » et il est dit qu’il apporte la joie. Nandi est, en outre, le protecteur de tous les mammifères. A noter aussi que l’on désigne les vaches divines du nom de « nandinî ».

 

2.6.2. On compte d’autres attributs et animaux liés à Shiva : lantilope, le cobra, le scorpion, le trishula (trident qui a été façonné dans les rayons de Sûrya, le dieu Soleil) ou encore pinâka (larme céleste), un vase à eau, un rosaire, une flamme, un croissant de lune (qui orne son chignon), une hache magique, des crânes, son arc (Shiva Dhanhu), linstrument de percussion nommé Damaru ou Damara (tambour en forme de sablier dont Shiva joue alors qu’il exécute la danse cosmique Tândava ; cet attribut représente le principe du son originel responsable de la création et de l’évolution future), larbre Bilva, qui lui est sacré.

 

Lingam

 

 

 

2.6.3. Parmi tous les attributs de Shiva, celui qui le symbolise le mieux est le lingam ou Shivalingam. C’est la forme sous laquelle Shiva est le plus souvent représenté dans les temples qui lui sont consacrés. Il sagit dun cylindre ovoïde, symbole phallique et symbole de l’infinitude divine, caractéristique des temples shivaïtes. Il représente laspect impersonnel du dieu et symbolise la fusion de la forme dans lAbsolu. Sa forme ovale représente ce qui na ni début, ni fin, et qui se fond dans l’infini. Il est un aspect de l’œuf cosmique. Plus précisément, il est la forme du sans-forme, le symbole de l’Absolu, là où toute la Création disparaîtra et se fondra un jour où l’autre. Le lingam est aussi le symbole du pouvoir créateur de Shiva. Le lingam exprime aussi l’idée de fertilité et de prospérité, d’autant mieux qu’il s’encastre dans la yoni ou « matrice », représentant une vulve stylisée. Selon le point de vue shivaïte, il évoque la colonne sans base ni sommet d’où Shiva jaillit un jour pour affirmer à Brahma et à Vishnu, sa supériorité sur eux (Lingodbhava signifie l’« émergence du lingam »). Mais le lingam peut aussi être tripartite et constituer une évocation concrète de la trimurti : sa section carrée à la base est Brahma, sa section médiane octogonale est Vishnu, sa section supérieure circulaire est Shiva. Il est dit encore que le terme Caturmukhalingam désigne le phallus de Shiva aux Quatre Visages. De catur (quatre), mukha (visage) et linga (le phallus de Shiva). Il existe également ce que l’on nomme des « jyotirlingam » ou « lingam de lumière ». Ainsi « jyotis » signifie-t-il la « Lumière », la « Splendeur », la « Clarté », l’ « Eclat », la « Lumière spirituelle ». L’un des douze plus célèbres jyotirlingam est à Kedarnâth.

 

3. La shakti de Shiva.

 

3.1. La shakti est un terme sanskrit qui signifie « puissance », « force », « pouvoir » et, par extension, la « puissance de procréation », l’« énergie dynamique féminine » ou le « principe féminin actif » qui anime les divinités hindoues, le principe mâle étant considéré comme passif dans son essence. La shakti de Shiva (ou Icchâ Shakti) est représentée par l’un des multiples aspects de la Grande Déesse. Dans le cas de Shiva, il s’agit essentiellement de Parvatî, la Fille de l’Himalaya (ou la Fille de la Montagne). La shakti de Shiva peut toutefois être vénérée sous de multiples noms correspondants aux innombrables aspects de Devi, « la Déesse aux Mille Noms » : Kâlî, Durgâ, Gauri (qui effectua une longue pénitence afin de devenir l’épouse de Shiva)…

 

3.2. On peut également évoquer la déesse Kanya Kumari qui a donné son nom au cap Comorin (extrême-sud de l’Inde) ; Kanya Kumari (la Demoiselle Vierge) y représente l’éternelle fiancée de Shiva qui réside dans le grand temple voisin de Suchindram.

 

3.3. On peut aussi citer la déesse Minakshi dont un festival grandiose célèbre chaque année à Madurai, en Inde du sud, le mariage avec Shiva Sundareshvara (=Dieu de la Beauté).

 

3.4. Mais Shiva fut aussi aimé de Satî, la fille de Daksha. Lorsqu’elle apprit que son père avait refusé d’inviter Shiva à une assemblée à laquelle avaient été invitées toutes les créatures vivantes, des dieux aux insectes, elle en mourut. Lorsqu’il fut informé de ce tragique événement, Shiva entra dans une violente colère, détruisit les préparatifs de la cérémonie et molesta gravement plusieurs dieux ! Seule, dit-on, la sagesse de Brahma parvint à le calmer. La perte de Satî fut toutefois pour Shiva une perte inguérissable.

 

3.5. On dit aussi que Durgâ, la tueuse de démons et l’un des aspects de la shakti de Shiva, qu’elle naquit de la colère cristallisée de Shiva et de Vishnu. De fait, Durgâ apparaît comme un aspect terrible de la shakti, comme Parvatî en est un aspect bienveillant. Durant son combat contre les démons, Durgâ possédait dans son armement, le trident de Shiva.

 

3.8. Il est dit que Sita avait le vœu de n’épouser que celui qui serait capable de tendre la corde de l’arc de Shiva. Râma y parvint et fit même mieux puisque, dit-on, il brisa l’arc en deux. Cette légende est, de toute évidence, de facture vishnouite, Râma étant un avatar de Vishnu.

 

3.7. Lorsque Parvatî se présenta à Shiva, celui-ci, dit-on, se moqua de la peau sombre de la déesse, tant et si bien que Parvatî décida de se retirer dans la forêt et de s’y livrer à une sévère ascèse qui lui permit d’acquérir un teint doré (à noter que selon une certaine tradition, l’aspect sombre, obscur, de Parvatî, correspond à Kâlî). C’est durant cette ascèse que Shiva, déguisé en brahmane, vint à son tour la tenter, mais la déesse ne céda guère. Alors le dieu, impressionné par tant de force spirituelle, demanda sa main. Elle devint Mahavidya (=Suprême Connaissance), capable daccomplir avec Shiva la grande danse cosmique de la libération spirituelle, Urdhva Tandava. Nombre de récits évoquent la vie du couple divin Shiva et Parvatî. Ainsi, Parvatî posa-t-elle un jour les mains sur les yeux de son époux et cest ainsi que lunivers bascula dans lobscurité. Shiva, irrité, dévoila alors son Troisième Oeil. On dit aussi que le séjour privé de Shiva et de Parvatî est le sommet du mont Kailash (ou Kailâsa, ou Gang Rinpoché), le plus haut sommet (6714 m) d’une chaîne de montagnes du même nom. Les enfants du couple divin portent les noms de Skanda et de Ganesh (le dieu à tête d’éléphant ; à noter qu’il est dit que les guerriers du dieu Shiva sont les Ganas et que Ganesh est leur maître et seigneur), toutefois, ni l’un ni l’autre ne sont nés de l’union de Shiva et de Parvatî, le premier étant issu de Shiva et le second ayant été façonné par Parvatî.

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15 octobre 2010 5 15 /10 /octobre /2010 16:29

 

 

1. Ixchel.

1.1. Ixchel, déesse des Accouchements et de la Lune.

 

Dans le panthéon maya, Ixchel (ou Ix Chel) est la déesse des Accouchements (elle cumule les fonctions de guérisseuse et de sage-femme) et de la Lune. Ixchel est également considérée comme la déesse de lArc-en-ciel et de la Médecine. C’est l’une des plus importantes déesses mayas du Yucatan du XVIe siècle et on la dit aussi épouse du dieu Itzamna. Le nom dIxchel signifie « Blanc-Pelé », ce qui permet d’établir une relation avec laspect général de la lune. Ixchel, en tant que déesse de la Fertilité, est liée à la lune, parce que l’astre lunaire préside, dans la tradition maya, à la fertilité du sol, des animaux et également des humains (d’où la relation avec les accouchements). Lune et fertilité sont donc liées dans l’approche religieuse des Mayas. Ainsi, dans les rites de fertilité, la Lune est invoquée pour favoriser l’activité sexuelle et protéger les enfants, notamment au moment de l’accouchement. Ix Chel, à qui l’on donne bien des noms, est aussi associée à l’eau –élément fertilisant par excellence-, tant celle des lacs que celle des fontaines, mais également à la terre. On associe la déesse au roi-vautour, au singe et au cerf.

1.2. Déesse « O » ou déesse « I ».

 

Ixchel est également nommée « déesse I », la « déesse O » étant, quant à elle, Ixchebel Yax, la déesse du Tissage. Mais il s’agirait là de deux aspects de la même déesse. « La déesse O, une vieille femme, qui, dans le codex de Dresde a le corps parfois peint en rouge et dont le nom est préfixé par T109 désignant précisément cette couleur, est étroitement associée à Chac dont elle pourrait être la compagne [ndr : Ixchel et Chac sont, dans le codex de Dresde, représentés assis face à face, très près lun de lautre, comme accouplés]. Elle fait comme lui pleuvoir en versant sa cruche [ndr : dans cette opération, Ixchel et Chac sont ensemble sur le codex de Madrid. La vieille déesse est seule à faire pleuvoir dans le codex de Dresde, de même que sur une représentation du codex de Madrid. Il faut également noter la présence dIxchel munie dune cruche dans le temple des Guerriers de Chichen Itza] ; dautres images montrent des flots qui séchappent de ses aisselles et de son entrejambe. » (Baudez) Notons toutefois cette précision de Baudez : « On la [Ixchel] distingue de la déesse I, dont le glyphe principal possède un élément de caban auquel on donne la valeur phonétique u, « lune » ; le signe principal a souvent pour préfixe zac, « blanc », sans doute pour la distinguer de la vieille déesse rouge. I comme O sont associées au tissage [ndr : dans le codex de Madrid, la déesse I tisse et file, mais on peut également voir O tisser, dans le même codex]. » (Baudez) Un doute persiste aussi quant à la présence dIx Chel dans le codex et « cest à cause à la fois de la prolifération des divinités locales et de la multiplicité de leurs aspects. Selon Landa, Ix Chel est déesse de la fécondité, de la médecine et de la divination. Thompson identifie Ix Chel à la déesse de la lune et en fait la femme de Kinich Ahau Itzamna, laspect solaire dItzamna. Le même auteur ainsi que dautres reconnaissent Ix Chel dans la déesse I des codex ; dautres préfèrent la voir dans la déesse O » (Baudez).

 

1.3. Visualisation.

 

Il est donc dit que la déesse Ixchel est représentée dans les codex sous deux formes, jeune et âgée. « Parmi les divinités peintes sur les murs des sanctuaires de Tulum, on reconnaît deux femmes, l’une jeune, l’autre vieille. Cette dernière qui brandit un bâton-serpent pourrait être O en raison de sa coiffure nouée sur le sommet de la tête. La jeune femme qui moud le maïs sur son metate dans la structure 16 a la même coiffure que celle qui présente une offrande à Chac dans la structure 5. Une autre déesse, ou la même, tient en main et porte dans le dos le dieu B sous forme de figurine. » (Baudez). Sous sa forme âgée, Ixchel apparaît coiffée d’un serpent noué ou lové, avec des griffes de félin et des os croisés sur sa jupe.

 

1.4. La déesse de Cozumel.

 

Ixchel était particulièrement vénérée sur lîle de Cozumel, où se dressait son principal temple. « A ces questions répondaient parfois des oracles, comme celui de Cozumel, avec Chichen Itza, le plus célèbre lieu de pèlerinage du pays maya. Ix Chel, sous la forme dune idole creuse en céramique scellée dans le mur derrière lequel se trouvait un compère, répondait par lintermédiaire dun prêtre (ah kin), aux questions posées par les pèlerins. Les présents provenant aussi de ceux qui ne pouvaient faire le pèlerinage- affluaient dans lîle. On y accourait du Tabasco, de Xicalango, de Champoton comme de Campeche, et des routes menaient jusquà la côte en face de lîle. » (Baudez) Cet important sanctuaire concurrençait donc celui de Chichen Itza, du fait du grand nombre de pèlerins quil attirait.

 

2. Ixtab.

Une autre déesse du panthéon maya est Ixtab. Elle patronne le suicide. Ainsi la nomme-t-on « Celle des Cordes » ou encore la « Déesse du Gibet et des Pendus ». Le suicide doit toutefois être compris ici comme un autosacrifice sinscrivant dans le contexte religieux maya et non comme un acte désespéré. Cette forme de suicide par pendaison était particulièrement gratifiante et était supposée mener le suicidé à un au-delà céleste de félicité, à lombre de lArbre Ceiba qui, dans la mythologie maya, nest autre que lAxis Mundi, laxe qui soutient le monde et traverse le monde souterrain des Enfers, la Terre et le Ciel. Les Mayas respectaient donc particulièrement les personnes qui se suicidaient par pendaison et aucune loi, dans la civilisation maya ancienne, ne condamnait le suicide. Dans le Codex de Dresde, Ixtab est donc tout naturellement représentée sous la forme dun personnage féminin portant une corde autour du cou.

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 14 octobre 2010.

 

Sources : Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Mythes aztèques et mayas, Karl Taube, Seuil, 1995 / The Mayan Gods, Dante – The Maya World Publisher’s, Musée de Mérida, Yucatan, Mexico / Une histoire de la religion des Mayas, Claude-François Baudez, Albin Michel, 2002.

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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 17:08

 

 

1. Une divinité agreste et effrayante.

 

Pan est, originellement, un dieu de la tradition hellénique particulièrement vénéré en Arcadie. Son nom signifie « Tout ». Pan, que l’on dit issu de l’union d’Hermès et d’une nymphe, est le dieu des champs et des bois, le protecteur des chasseurs, des troupeaux, des chevriers et des bergers. Mais sous linfluence néo-platonicienne, on verra bientôt en lui un dieu de la Fécondité et de la puissance sexuelle, un dieu brutal et terrifiant dans ses apparitions, à tel point que son nom est à lorigine du mot « panique », une « peur panique ». En effet, plein de malice et despièglerie, Pan samuse à effrayer les voyageurs par de soudaines apparitions ! Cest aussi en semant la panique dans les rangs des ennemis des Athéniens quil aida ces derniers à gagner la bataille de Marathon. Par reconnaissance, les Athéniens lui consacrèrent un sanctuaire dans un rocher de l’Acropole.

 

2. Du dieu hellénique au diable chrétien.

 

Muni dun torse humain poilu, dune barbiche, de cornes, dun nez recourbé, de pieds de bouc et dune petite queue, sa morphologie générale est à rapprocher de celle que lon donne au Diable dans le monde chrétien. Il semble toutefois que dans liconographie ancienne, Pan revêtait un aspect plus humain. Ainsi, sur une fresque de Pompéi, exposée au Musée National de Naples, on peut voir Pan sous laspect dun beau jeune homme nu, aux petites oreilles, portant une couronne dolivier sur la tête, tenant la syrinx dans la main droite et un bâton dans la main gauche ; assis sur un rocher, il se prépare à faire écouter sa musique à trois nymphes attentives. Notons toutefois quun bouc à longues cornes se trouve à ses côtés. Mais cest sous sa forme mi-humaine, mi-animale quil apparaît le plus couramment.

 

3. Pan Aegipan.

 

Il est dit quà sa naissance Pan était si laid que sa mère labandonna et que lorsque son père, Hermès, le présenta, il devint la risée des dieux de lOlympe. Relevons que du ridicule olympien à la déchéance angélique, il ny a quun pas, et que Pan semble posséder là un autre trait commun avec le Diable du judéo-christianisme. De cet étrange aspect dêtre mi-homme, mi-bouc lui vient le titre dAegipan, qui désignait peut-être, à lorigine, une divinité particulière. Aegipan est dit fils de Zeus et dune nymphe nommée Aïx (=chèvre, en grec). Or, Pan Aegipan aida Hermès à retrouver les tendons de Zeus que Typhon avait coupés, volés et cachés. Ensuite, pour échapper à Typhon, Pan Aegipan se changea en un être mi-chèvre, mi-poisson dont Zeus fit la constellation du Capricorne. Voilà pourquoi Pan est identifié par les astrologues au Capricorne.

 

4. De la déchéance à la vénération.

 

Pan, chassé de lOlympe par le rire des dieux, vécut dès lors essentiellement en Arcadie, élevant des abeilles et évoluant parmi les bergers et les troupeaux. Il participait aussi aux jeux et aux danses des nymphes de la montagne. Il poursuivit ainsi sa vie insouciante sous le regard goguenard des Olympiens. On lui offrait divers sacrifices et offrandes : petit bétail, lait, moût, miel. Le pin, le chêne et la tortue comptent, en outre, parmi ses attributs. Mais dans le courant de la période classique, Pan perdit progressivement ses traits licencieux et devint lobjet, dans toute la Grèce, dune grande vénération. On lui vouait un culte dans les grottes et les cavernes de montagne qui, par mauvais temps, fournissaient des abris pour le bétail, notamment sur le Parnasse, à Delphes. On lui donna de nouveaux attributs et on lui associa de nombreuses légendes. On vit en lui un médecin, un guérisseur, un devin, Apollon lui ayant enseigné lart de divination. Ainsi, des oracles étaient-ils rattachés à Pan en tant que dieu-prophète, notamment au temple dAkakezion, en Arcadie. Il devint progressivement un dieu universel, le « grand principe régulateur, le premier principe damour, ou créateur incorporé dans la matière universelle et formant ainsi le monde ». Pan fut dès lors perçu comme le Tout (= « pan », en grec), le pouvoir générateur de lUnivers, la Source et lOrigine de toutes choses. Ceci explique que le christianisme vit en lui un concurrent de son dieu unique et quil a donné à son diable l’aspect du dieu cornu dArcadie.

5. La flûte de Pan.

 

Dieu de la musique, Pan est aussi linventeur de la syrinx, la flûte pastorale mieux connue sous le nom de « flûte de Pan ». Ce nom de Syrinx est en fait celui dune nymphe que Pan poursuivait de ses assiduités et qui, pour lui échapper, se jeta dans le fleuve Ladon où elle se métamorphosa en roseau. Pan coupa ce roseau et en tira une série de chalumeaux de longueur décroissante reliés entre eux. Cest ainsi quil fabriqua linstrument de musique qui prit le nom de la nymphe infortunée. Mais un jour, Hermès trouva une des flûtes de Pan et la vendit à Apollon qui lui succéda dans le rôle de divinité de la musique.

 

6. La puissance sexuelle exacerbée.

 

Pan séduisit un certain nombre de nymphes plus ou moins consentantes selon les cas Pitys, Echo, Euphémé- , la déesse Séléné mais également quelques jeunes éphèbes. Avant de devenir le Grand Pan, le Grand Tout, le principe même de lOrdre Universel, ce dieu incarnait surtout, par son aspect bestial et ses amours jamais rassasiés, le caractère indompté de la Nature entière et la puissance sexuelle exacerbée. Autant de traits de caractère qui le rendirent peu sympathique, on sen doute, aux yeux des chrétiens qui sempressèrent de le diaboliser !

 

7. « Le Grand Pan est mort ! »

 

Ainsi les auteurs chrétiens interprétèrent-ils une certaine légende comme symbolisant la mort du paganisme et son remplacement par le christianisme. En effet, Plutarque rapporte que sous le règne de Tibère, un vaisseau simmobilisa sur les eaux de la mer Egée, dans la région de lîle de Paxi, et que le navigateur de ce vaisseau, un certain Thamos, entendit une voix lui demander de crier, lorsquil aborderait Palodès : « le Grand Pan est mort ! ». Lorsquil sexécuta, des gémissements et des plaintes douloureuses sélevèrent de toutes parts, comme si lunivers entier prenait le deuil. Les chrétiens prétendirent que cette histoire relatait en fait la victoire du dieu dAbraham sur les prétendus « faux dieux » du paganisme, au premier rang desquels, Pan. Le christianisme ne voudra en définitive retenir de Pan que son caractère « lubrique » et son apparence « diabolique », pour mieux le discréditer et effacer des mémoires son caractère métaphysique essentiel. Il fit également de lui le chef de certaines sortes de démons, tels que les « démons méridiens », plus connus sous le nom de « démons de midi ».

8. A savoir également.

 

8.1. Les Romains identifièrent Pan à Silvanus ou encore à Faunus qui apparaissent comme les chefs des Sylvains et des Faunes, tout comme Pan est le chef des Satyres et des Silènes.

 

8.2. Rappelons quAleister Crowley fut lauteur dun « Hymne à Pan » (Hymn to Pan), inspiré par le roman initiatique dArthur Machen, Le Grand Dieu Pan. Le poème de Crowley fut lu par ses disciples, lors de ses funérailles, à Brighton, en 1947.

 

8.3. A noter que le Pantacle, forme évoluée de talisman quil ne faut pas confondre avec le Pentacle ou Pentagramme, qui est une étoile à cinq branches, dérive du terme « Pan » (=Tout).

 

Eric TIMMERMANS.

Bruxelles, le 11 octobre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Livre de poche Hachette, 1996 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998.

 

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7 octobre 2010 4 07 /10 /octobre /2010 17:35

 

 

1. La Corneille de combat.

 

Le nom de Morrigane (ou Morrigan, Morrioghan, Morgain) signifie la « Grande Reine ». Elle apparaît comme une déesse mi-guerrière, mi-érotique : cest la déesse des combats. On la nomme aussi Bodb (ou Badb, Bodbh, Badbh), cest-à-dire la « Corneille » et cest sous laspect de cet oiseau quelle survole les champs de bataille afin dexciter les guerriers au combat. Mais elle peut également combattre personnellement. Ainsi le terme gaélique Bodhbh Catha, qui signifie la « Corneille de combat », désigne-t-il Morrigane.

 

2. Un aspect de la Grande Déesse.

 

Tout comme Macha et Brighid notamment, Morrigane, fille d’Ernmas et épouse du Dagda, est l’un des multiples aspects de la Grande Déesse celtique. Ainsi la nomme-t-on aussi parfois « sœur de Macha ». Voici le récit de la rencontre de la Morrigane et du Dagda et de la mise à mort, par la déesse, du roi des démons Fomoire : « Le Dagda vit la femme en Unius, en Corann, se lavant, lun de ses deux pieds à Allod Echae, cest-à-dire Echumech, devant leau, au sud, et lautre à Loscuinn, devant leau, au nord. Elle avait neuf tresses sur la tête. Le Dagda lui parla et ils firent une union. Le Lit du Couple est le nom de lendroit à cause de cela. La femme qui est mentionnée ici est la Morrigan. Elle dit au Dagda que les Fomoire toucheraient terre à Mag Scene et elle lui dit dappeler les hommes dIrlande devant elle au gué dUnius. Elle irait à Scene pour tuer le roi des Fomoire, cest-à-dire Indech, fils de Domnann. Elle lui enlèverait le sang de son cœur et les rognons de sa valeur. Elle montra ensuite se deux mains remplies de ce sang aux troupes qui attendaient devant le gué dUnius. Le Gué de la Destruction fut alors le nom de ce gué, à cause de cette destruction du roi. » (Les fêtes celtiques, F. Leroux et Ch.-J. Guyonvarch)

 

3. Morrigane dans l’épopée celtique d’Irlande.

 

Morrigane apparaît bien évidemment dans un certain nombre de récits épiques irlandais :

 

3.1. Ainsi, dans le récit de La Bataille de Mag Tured (la seconde bataille de ce nom) elle promit notamment au dieu Lug de ne jamais manquer son but durant la bataille. Et à lissue de cette bataille, elle répandit la nouvelle de la victoire des Tuatha dé Danann et prophétisa un monde futur dans lequel lhomme serait toujours aux prises avec la maladie, la guerre et la mort. Notons également, dans le contexte de ce récit, que Nuada détenait larme qui symbolise la fonction guerrière, soit lépée flamboyante, son attribut canonique. Il sen servit au cours de la bataille de Mag Tured, alors quil était pris dune fureur guerrière typiquement celtique, après avoir passé une nuit avec Bodb-Morrigane.

 

3.2. Dans le récit de la Razzia des vaches de Cooley (ou Tain Bô Cualngé), Morrigane apparaît sous sa forme d’une corneille au taureau nommé le Brun de Cualngé et lui adresse un long discours pour lui recommander la prudence au cours du combat qui doit lopposer à un autre taureau nommé le Beau Cornu dAi.

3.3. Dans le même récit, Morrigane apparaît au héros dUlster Cûchulainn sous laspect dune jeune fille et offre son amour au héros qui la repousse. Pour se venger, Morrigane attaque Cûchulainn afin de le gêner durant les combats. Pour ce faire, elle prend successivement laspect dune vache, dune anguille et dune louve grise. A chaque fois, Morrigane est blessée, mais Cûchulainn lest également par son adversaire Lôch. La déesse se transforme alors en une vieille femme infirme et propose à Cûchulainn du lait de sa vache. Il ne se méfie pas, en bois trois fois et fait trois fois vœu de guérison à la vieille femme. Cest ainsi que Morrigane fut guérie de ses blessures, alors que Cûchulainn, lui, ne cessait de s’affaiblir. Le héros ulate ne devra son salut quà lintervention du dieu Lug dont on dit qu’il serait, en quelque sorte, son « père spirituel ».

 

3.4. Dans le récit de La Mort de Cûchulainn, il est dit que durant la nuit qui a précédé le départ du héros dUlster pour le combat dans lequel il finira par succomber, Morrigane avait disloqué son char car il lui déplaisait que Cûchulainn se rende à la bataille. Cûchulainn mourut de la main de Lugaid qui le transperça de son javelot. Les entrailles du héros pendirent bientôt jusque sur ses pieds et il est dit encore que « les corbeaux de la Bodb se posèrent sur celles-ci de telle sorte que les entrailles furent sur les pattes des corbeaux. » Dans la mythologie celtique, les corbeaux et les corneilles sont confondus et nous avons vu que la corneille est un attribut essentiel de la déesse Morrigane.

 

3.5. La légende de la fée Morgane arthurienne dérive vraisemblablement, du mythe de la déesse Morrigane.

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 7 octobre 2010.

 

Sources : Essai de dictionnaire des dieux, héros et légendes celtes, Fascicule 1, Claude Sterckx, 1998 / La légende de la mort, Tome 2, Anatole Le Braz, Terre de Brume Editions, 1994 / Lépopée celtique dIrlande, Jean Markale, Petite Bibliothèque Payot, 1971 / Les Celtes Dieux oubliés, Marcel Brasseur, Terre de Brume Editions, 1996 / Les Celtes Histoire et Dictionnaire, des origines à la romanisation et au christianisme, Venceslas Kruta, Robbert Laffont, 2000 / Les fêtes celtiques, Françoise Leroux et Christian Guyonvarch, Editions Ouest-France Université, 1995 / Nouveau dictionnaire de mythologie celtique, Jean Markale, Pygmalion, 1999.

 

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6 octobre 2010 3 06 /10 /octobre /2010 13:10

 

 

1. Un aspect double de la Grande Déesse.

1.1. Kâlî la Noire.

 

Le nom de Kâlî signifie « La Noire », « La Sombre ». Elle est un des aspects de Maha Devi, la Grande Déesse. Il est dit qu’un jour Shiva se moqua de la peau sombre de sa parèdre, la déesse Parvatî, tant et si bien que celle-ci acquit, grâce à une forte ascèse, un teint doré, mais selon une autre version, cet aspect sombre de Parvatî, ne serait autre que Kâlî, parèdre de Shiva Mahakala (=Grand Temps), dont elle incarne l’énergie destructrice. De fait, Kâlî est également la forme féminine et impitoyable du Temps, Kâla. Ainsi dit-on que Kâlî est noire parce que le Temps n’a pas de couleur. Parfois assimilée à la déesse tibétaine Palden Lhamo, alias Sri Devi en sanskrit, Kâlî compte dans sa suite les Dakini, soit des démones buveuses de sang. Kâlî est aussi nommée Mahâmâya, la Grande Magicienne.

 

1.2. Kâlî de Bon Augure.

 

Mais il existe également une « Kâlî de Bon Augure », Bhadrakali, qui fait l’objet de nombreux cultes et danses rituelles du sud de l’Inde. On la nomme aussi Kâlî Bhavatarini (=Celle qui sauve le monde). Ainsi dit-on qu’au-delà des apparences, Kâlî est en réalité une mère accueillante. Elle apparaît alors comme une déesse de la fertilité personnifiant le pouvoir générateur féminin. Elle est, sous cet aspect, particulièrement vénérée dans le contexte du culte des déesses villageoises. De fait, Kâlî a la réputation de permettre aux femmes de concevoir et de présider à la croissance de la végétation.

 

2. La destructrice de démons.

2.1. Kâlî est aussi lexterminatrice des démons (ce qui peut l’apparenter à Durgâ). Elle détruit sur son passage toutes les illusions, les apparences, les mensonges. Elle représente laspect de lénergie, destructrice de ce qui est imparfait. On peut dire que « le symbolisme sanglant de la mythologie de Kâlî montre laide que la déesse apporte à ses fidèles en anéantissant les obstacles quils rencontrent dans la progression de leur vie spirituelle. » (J.Varenne)  

 

2.2. Kâlî est ainsi notamment nommée Chamundâ, nom qui rappelle sa victoire contre les deux grands démons Chanda et Munda.

 

2.3. Après avoir tué les démons Chanda et Munda, Kâlî se rua sur le démon Raktapa. De fait, les dieux firent appel à Kali parce quils ne parvenaient pas à vaincre le démon Raktapa dont chaque goutte de sang -issue des blessures provoquées par les Matrika- qui tombait sur le sol, donnait naissance à un nouveau démon. Lors du combat que Kâlî mena contre Raktapa, la déesse parvînt, en utilisant sa langue, à empêcher le sang du démon de couler sur le sol, et elle dévora les petits démons déjà apparus. Ensuite, elle suça le sang de Raktapa jusquà le transformer en une lamentable dépouille parcheminée. Mais le sang démoniaque empoisonna la déesse, à tel que point que Kâlî en devint folle. Elle dansa frénétiquement, comme en transe, excitée par la chair des cadavres sous ses pieds et elle mit ainsi en péril lOrdre cosmique. Pour lapaiser, Shiva Mahakala (=Grand Temps) se coucha sous ses pieds, ce qui eut pour effet d’arrêter la danse destructrice de Kâlî.

 

3. Visualisation.

 

3.1. On représente Kâlî la peau noire, les yeux rouges, dotée de dix bras armés, une guirlande de crânes autour du cou, la bouche ouverte (parfois munies de canines protubérantes) tirant une langue rouge, armée du trident de Shiva et du feu destructeur, et vêtue d’une peau de fauve. Parmi ses autres armes on compte aussi un sabre et un javelot, l’un et l’autre maculés de sang.

 

3.2. Kapâlinî est un terme qui peut signifier à la fois « trône » et « crâne ». Il fait référence au collier de têtes de démons que Kâlî porte autour du cou.

 

3.3. Shyâma désigne la couleur bleue très sombre, telle que celle d’un nuage de pluie. On assimile également ce terme au noir ou au sombre, et on peut, de ce fait, établir un lien avec la déesse « sombre » qu’est Kâlî.

 

4. Le culte de Kâlî.

4.1. Kâlî est particulièrement vénérée au Bengale. En son honneur, les fidèles ont pour habitude d’immoler des victimes animales : boucs, béliers, coqs… Mais il semble que jadis on lui offrait également des sacrifices humains.

 

4.2. La secte des Thugs qui, au 18e siècle, massacra nombre de musulmans et de colonisateurs britanniques chrétiens, se réclamaient de la déesse Kâlî, invoquant une variante de son mythe.

 

4.3. Râmakrishna fut un adorateur de Kâlî jusqu’à la fin de sa vie. Il reconnaissait derrière l’apparence terrible de la Mère Divine, son aspect bénéfique.

 

4.4. Kâlidasa est le plus grand nom de la littérature indienne en langue sanskrite. On ne sait pas exactement à quelle époque il vécut, peut-être au 4e siècle de l’ère chrétienne. Selon sa légende, il aurait été pourvu de toutes les connaissances par une intervention de Kâlî. Son œuvre la plus célèbre est Shakuntalâ.

 

5. L’Âge Noir ou Kali Yuga.

 

Le Kali Yuga désigne le quatrième âge dans la tradition hindoue. Cest lÂge Noir, l’Âge de Fer, qui a succédé à lÂge dOr (Krita Yuga), lÂge dArgent (Tretâ Yuga) et lÂge dAirain (Dvapara Yuga). Cette période correspondrait à la nôtre. Mais il nest en aucun cas lÂge de Kâlî, erreur que l’on commet souvent en confondant le nom du quatrième âge et celui de la déesse. Le début du Kali Yuga est marqué par lautodestruction des membres du clan de Krishna, les Yadava. Krishna fut lui-même tué par le chasseur Jara et la capitale des Yadava, Dvaraka, fut submergée par la mer. On assigne à cette ère une durée de 432.000 années. Il est dit quelle a commencé le 18 février 3012 avant lère chrétienne. Il est dit également que lère du Kali-Yuga se terminera par un embrasement universel qui lui-même précèdera un grand déluge.

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 6 octobre 2010.

 

 

Sources : Dictionnaire de lhindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / LInde mystique et légendaire, Louis Frederic, Editions du Rocher, 1994.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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