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ESUS, LE BON MAÎTRE

 

 

 

 

1. Esus : étymologie.

 

Dieu gaulois, Esus est nommé le « Bûcheron » ou encore, l’ « Ebrancheur ». Le nom d’Esus (=le Meilleur, le Divin, le Bon) s’expliquerait par la racine esu (=bon), en contraste, semble-t-il, avec le caractère sanglant que l’on attribue, à tort ou à raison, aux rites qui lui étaient consacrés. De manière tout aussi aléatoire, certains traduisent le nom d’Esus par le « dieu » ou encore, le « bon maître ».

 

2. Esus, dieu de la Végétation.

 

Il est le dieu de la Terre et de la Végétation et est donc lié à l’élément végétal. Il préside aussi aux travaux des champs et des bois. Selon certaines sources, Esus serait l’un des aspects de Sucellos-Dispater et dans le nord de la Gaule, il semble qu’on lui attribue l’origine de tous les dieux. Il apparaît comme l’une des principales divinités gauloises et n’est, par ailleurs, connu qu’en Gaule. Les Romains virent en Esus une forme du Jupiter gaulois, à l’exemple de Sucellos ou de Taranis.

 

3. Esus : représentations.

 

On peut citer deux représentations connues du dieu Esus. Premièrement, celle de Trèves : sur un bas-relief, le dieu frappe un arbre sur lequel sont perchés trois oiseaux. On aperçoit, cachée dans les feuilles, une tête de taureau, ce qui semble renvoyer au Tarvos Trigaranos, soit le « Taureau aux Trois Grues » du Pilier des Nautes de Lutèce (Kruta). Esus serait en train d’abattre l’Arbre de Vie afin d’en libérer une Grande Déesse qui en serait prisonnière, mais rien ne semble recouper cette fable imaginée. Au registre des fables, il faut sans doute également ranger l’opposition entre Esus et Cernunnos, se partageant les faveurs de la Déesse-Mère au rythme des saisons (Picard). Autre représentation, celle du Pilier des Nautes des Parisii, donc, conservé au musée de Cluny. Sur ce monument divisé en « dés » superposés, Esus, vêtu d’une courte tunique et tenant une serpe de la main droite, empoigne de la main gauche un arbre qu’il est en train d’ébrancher. Son nom figure clairement dans la bande au-dessus de la sculpture. Pour certains, il s’agit là de l’activité d’un charpentier, le Pilier des Nautes étant lié à la navigation, pour d’autres, l’activité du dieu le présente sous l’aspect d’une divinité de la troisième fonction productrice ou comme une divinité trifonctionnelle (sacerdotale, guerrière et productrice). La représentation d’Esus voisine directement avec celle du Tarvos Trigaranos ou « Taureau aux Trois Grues ». Ce thème semble renvoyer à la tête de taureau et aux trois oiseaux perchés qui apparaissent sur le bas-relief de Trèves (Kruta).

 

4. Esus dans les textes.

 

Les textes médiévaux des îles britanniques restent muets au sujet d’Esus. De fait, il n’est que le poème épique De bell o civili (Pharsale I, 444-446) de Lucain pour le citer, en compagnie de Teutates et de Taranis. Lucain, nomme le dieu celte, l’ « abominable Esus » et prétend qu’on l’apaisait par le sacrifice d’un homme pendu à un arbre et qu’on le laissait dans cette macabre situation jusqu’à ce qu’il soit totalement vidé de son sang et dépouillé de ses chairs. A ce sujet, on peut citer une analogie avec un mythe gallois selon lequel un dieu (jupitérien) retrouve, réfugié dans un arbre, un dieu (mercuriel) affligé d’une blessure d’où sa chair corrompue s’écoule sur le sol. Esus, Taranis et Teutates forment peut-être une triade divine (Guyonvarc’h) et ce serait là les trois visages d’un même dieu, le nombre trois exprimant pour les Celtes la totalité parfaite. Cette thèse (contestée) nous vient donc, comme nous l’avons dit, d’une remarque de Lucain dans la Pharsale : « …ceux qui honorent le cruel Teutates avec d’horribles offrandes sanglantes, ainsi que l’abominable Esus, et l’autel de Taranis, aussi peu aimable que celui de la Diane scythique… » Ajoutons que Lucain associe Esus à Mars (Hesus-Mars six placatur homo in arbore suspenditur usque donem per curorem membra degesserit) et à Mercure (Hesum Mercurium credunt si quidem mercatobirus colitur).  

 

5. Un dieu de roman…

 

A titre d’anecdote, signalons aussi le récit romancé de Gilbert-Charles Picard, « L’ascension d’une dynastie gauloise – La gloire des Sedatii », évoquant un druide rebelle qui fut, selon ce récit, supplicié en l’an 156 à Limonum (Poitiers) et qui lança contre l’assistance cet anathème : « Esus et Teutates vous châtieront, traîtres, esclaves des Romains ! » Un ours qui devait le tuer, hésita à accomplir sa funeste tâche, avant d’être rendu furieux par un trait enflammé que Sedatius Severianus, éminent représentant d’une famille pictonne pro-romaine, lui fit décocher. Sans doute faut-il plutôt retenir de ce récit le caractère sympathiquement romancé, qu’une quelconque réalité historiquement fondée…

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 18 novembre 2010.

 

 

Sources : Atlas de la civilisation occidentale, sous la direction de P. Lamaison, France-Loisirs, 1994 / / Des dieux celtes aux dieux romains, P. Cattelain – C. Sterckx, Editions du CEDARC, 1997 / Dictionnaire historique des Celtes, Maxi-Poche Histoire, Pierre Norma, 2003 / L’ascension d’une dynastie gauloise – La gloire des Sedatii, Gilbert-Charles Picard, Perrin, 1990 / Les Celtes – Fureur et Immortalité, G. Nenzioni et F. Giromini, Papermint, 1979 / Les Celtes – Histoire et dictionnaire, Venceslas Kruta, Robert Laffont, 2000 / Les Celtes – Les dieux oubliés, Marcel Brasseur, Terre de Brume Editions, 1996 / Nouveau dictionnaire de mythologie celtique, Jean Markale, Pygmalion, 1999.

 

 

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