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29 mars 2010 1 29 /03 /mars /2010 18:15


 

 

 

1. Diancecht, le dieu médecin des Tuatha dé Danann.

 

Diancecht (ou Dianchéact mac Easairg) est le dieu-médecin des Tuatha dé Danann, les « Gens de la Déesse Dana » ou dieux de lancienne Irlande. Il apparaît comme un aspect de lApollon celtique, à lexemple du Gaulois Bélénos. Son nom signifie « prise rapide », ce qui semble se rapporter à la précision de sa magie et à l’efficacité de sa médecine.

 

Dieu industrieux, Diancecht englobe dans son art les trois fonctions fondamentales de la tradition indo-européenne. Il exerce sa science :

1. Au niveau sacerdotal avec des incantations.

2. Au niveau guerrier par la chirurgie.

3. Au niveau naturel/fonctionnel avec la médecine des simples.

 

Diancecht est ainsi capable de guérir tous les maux et toutes les infirmités « sauf si la tête a été coupée ou la dure-mère ouverte ou la moelle épinière tranchée. » (Sterckx)

 

2. Un dieu anciennement attesté.

 

Diancecht est aussi lun des dieux irlandais les plus anciennement attestés. On lévoque dans un manuscrit datant du 8ème siècle que l’on a retrouvé dans un monastère suisse nommé Saint-Gall. Celui-ci aurait, dit-on, été fondé par le saint irlandais Patrick. Ledit manuscrit, qui contient des incantations à Diancecht et à Goibniu (le dieu forgeron), constituerait un charme destiné à guérir tous les maux. On prête également à Diancecht la paternité dun traité darbitrage en matière de maladies, nommé les Jugements de Dianchéacht.

 

3. La famille de Diancecht.

 

Diancecht est le fils dEasarg, le père de Cian et le grand-père paternel du dieu Lug. Il a deux filles (Airmeith et Eadan) et cinq garçons (Ciach, Cian, Ceitheann, Cù et Miach). Les fils de Diancecht sont traditionnellement les ennemis des fils de Tuirenn, fils dOgma, Les fils de Tuirenn constituant d’ailleurs l’un des récits de la tradition celtique d’Irlande.

 

4. Diancecht dans l’épopée celtique d’Irlande.

 

Diancecht figure dans tous les grands récits mythologiques concernant les Tuatha dé Danann, et notamment dans les deux Batailles de Mag Tured et dans la Courtise dEtaine :

 

4.1. Au cours de la première Bataille de Mag Tured, lorsque Lug se présente devant Tara et dit quil est capable de pratiquer tous les arts dont celui de médecin, le portier lui répond : « Nous navons pas besoin de toi. Nous avons Diancecht comme médecin. » Dans le même récit, Diancecht fabrique, avec laide du forgeron Goibniu, une main dargent pour le roi des Tuatha dé Danann, Nuada, qui a perdu sa main droite au cours de la bataille. Grâce à sa science, Diancecht parvient à fixer la prothèse au moignon du roi qui paie ainsi son aptitude à régner par une « mutilation qualifiante », paradoxe attesté dans toutes les mythologies indo-européennes (le borgne est voyant, le bègue patronne léloquence, le manchot est roi-guerrier, etc). Diancecht apparaît donc clairement comme un dieu guérisseur. Mais Miach parviendra à surpasser son père dans lart de la médecine. Alors que Diancecht avait remplacé le bras manquant de Nuada par une prothèse en argent, Miach réussira à lui greffer un nouveau bras de chair. Fou de jalousie, Diancecht tuera son fils dun coup de glaive.

 

4.2. Lors de la seconde Bataille de Mag Tured, Diancecht promet de guérir les blessés et voilà ce quil répond à Lug lorsque celui-ci lui demande de quels pouvoirs il dispose : « Ce nest pas difficile, tout homme qui sera blessé, à moins quon ne lui ait coupé la tête, ou à moins quon ait entamé la membrane de sa cervelle ou sa moëlle épinière, il sera complètement guéri par moi pour le combat le lendemain matin. » Dans le même récit, Diancecht creuse une « fontaine de santé » et la remplit de toutes les herbes magiques nécessaires. Au cours de la bataille, le dieu-médecin y plongera les blessés et les morts et, après avoir récité les incantations dusage, les guérira et les ressuscitera.

 

4.3. Dans la Courtise dEtaine, le dieu Mider rend visite à son fils adoptif, Oengus, au sidh de Brug-na-Boyne et est blessé lors dun jeu. Diancecht parvient à le soigner avec succès, mais Mider considère cette blessure comme un affront fait à sa personne et exige réparation de son fils adoptif, notamment en lui demandant de lui amener la plus belle fille dIrlande. Celle-ci ne sera autre qu’Etaine.

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 29 mars 2010.

 

Sources : Les Celtes Les dieux oubliés, Marcel Brasseur, Terre de Brume Editions, 1996 / Les Celtes Histoire et dictionnaire, Venceslas Kruta, Robert Laffont, 2000 / Dictionnaire historique des Celtes, Pierre Norma, Maxi-Poche Histoire, 2003 / Lépopée celtique dIrlande, Jean Markale, Petite Bibliothèque Payot, 1973 / Essai de dictionnaire des dieux, héros, mythes et légendes celtes, Fascicule 1, Claude Sterckx, 1998 / Nouveau dictionnaire de mythologie celtique, Jean Markale, Pygmalion, 1999.

 

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26 mars 2010 5 26 /03 /mars /2010 19:21

 

 

http://www.shenoc.com/ptah3.jpg

 

 

 

 

 

1. Ptah l’Orfèvre.

 

Lorigine du nom du dieu égyptien Ptah (ou Phtah) est incertaine, peut-être a-t-elle un rapport avec le verbe « modeler ». On le nomme aussi « Disque solaire qui resplendit », « Brillant qui entretient la vie des dieux », « Seigneur de la Lumière », « Celui qui organise les Rivages », « Celui qui donne forme », « Celui qui fait germer les minéraux dans le ventre de la Terre », « Celui qui écoute les prières ». On dit aussi de Ptah qu’il est issu et partie intégrante de Noun primordial dont il fit jaillir lœuf cosmique (à moins quil ne soit lui-même celui-ci), doù sortirent la lumière et le soleil. Métaphoriquement, Ptah, en tant que démiurge, fut, tout naturellement, considéré comme l’inventeur des techniques artisanales et comme le dieu des artisans, son rôle de créateur pouvant s’apparenter au travail d’un orfèvre, d’un sculpteur ou d’un potier assis devant un tour. Ainsi, le Grand Prêtre de Ptah fut-il nommé le « Doyen des Artistes » ou encore le « Chef des Artistes ».

 

2. Un ancêtre du « Sacré-Cœur » ?

 

Durant la période prédynastique, le dieu Ptah était vénéré dans un bourg situé à la frontière de la Basse et de la Haute Egypte qui allait ultérieurement être englobé dans Memphis, capitale de lAncien Empire (-2980 / -2000). A Memphis, Ptah, soutenu par un clergé puissant, devint un dieu de premier plan et remplaça Atoum dans le rôle de démiurge créateur de tout.

Afin de ne pas froisser les sectateurs héliopolitains dAtoum, le clergé de Memphis décréta que la main et la semence dAtoum, qui avait créé par masturbation lEnnéade (=groupe de neuf divinités) à lorigine du monde, étaient identifiables aux dents et aux lèvres de Ptah, cest-à-dire sa parole qui vient du cœur, son Verbe créateur ou Logos. Cest pour cette raison quon attribua comme hiéroglyphe à ce dieu, Nefer, qui représente un cœur surmonté de la trachée-artère, une représentation qui précéda donc le « Sacré-Cœur » des chrétiens.

 

3. Des trinités préchrétiennes.

 

Malgré la montée en puissance dAmon et de Rê, Ptah ne sera toutefois jamais totalement éclipsé par ces deux divinités. Au Nouvel Empire (-1580 / -1090), des pharaons voulurent même rétablir Ptah au premier rang des dieux, et ce afin daffaiblir le trop puissant clergé dAmon. Cest ainsi quAménophis III nomma son fils, le futur Akhénaton, grand-prêtre de Ptah à Memphis. Sous le règne de Toutankhamon, Ptah est réuni à Amon et à Rê dans une triade divine. Dans un hymne dédié à Amon, il est notamment dit que tous les « dieux sont trois », « son nom est caché en Amon, il est perçu en Rê et son corps est Ptah » (Blottière) Cela nest pas sans rappeler aussi les triades que lon retrouve dans la tradition de lhindouisme, dont la trimurti qui réunit Brahma, Vishnu et Shiva. Cette conception dune trinité exprimant lUnique est, effectivement, bien antérieure au christianisme. Ptah forma d’ailleurs dautres triades, celle de Ptah-Sokar-Osiris, sous laspect dune divinité funéraire à tête de faucon ou encore, au Nouvel Empire, celle de Ptah-Sekhmet-Néfertoum, qui devait précéder dans ce rôle Osiris, Isis et Horus.

 

4. Ptah, père de Ramsès II.

 

Ramsès II fit graver sur des stèles, dont lune à Abou Simbel, des textes où Ptah se proclamait père de ce pharaon. Quant au quatrième fils de Ramsès II, Khaemwaset, il fut confié au clergé de Memphis et devint prêtre de Ptah à lâge de vingt ans. Cest Khaemwaset qui fit bâtir à Memphis un nouveau temple dédié à Apis qui incarne le dieu Ptah sur terre. Il fit aussi agrandir la nécropole des animaux sacrés et sy fit enterrer à lendroit où Mariette découvrit son tombeau en 1852.

 

5. Visualisation.

 

On représente Ptah sous laspect dun homme habillé dun vêtement de lin blanc extrêmement serrant qui lui donne lallure dune momie, à lexemple dOsiris. Son crâne est rasé ou coiffé dun couvre-chef qui épouse ses formes. Son menton est prolongé par une barbe postiche droite comparable à celle des rois. Il porte parfois un large collier. Dans ses deux mains qui émergent du vêtement, il tient le sceptre ouas (ou encore, un fouet) et un objet appelé dejd, qui ressemble à un pilier et serait un fétiche dorigine très ancienne. Cest un symbole de stabilité et de longévité. A la Basse-Epoque (-663 / -30), on représentait aussi Ptah sous la forme dun enfant nain, grotesque et nu, parfois doté dun sexe en érection (ce qui nest pas sans rappeler le Priape grec et ithyphallique). Ce Ptah était également porté en amulette protectrice contre les démons, les maladies et les animaux venimeux.

 

6. A savoir également.

 

6.1. Un temple de Memphis était dédié à Ptah, comme nous l’avons dit, mais on le fêtait aussi annuellement à Esna, en même temps que le dieu Khnoum.

 

6.2. Les Grecs ont identifié Ptah à Héphaïstos.

 

6.3. Ptah est représenté dans le temple de la naissance de lenfant dieu Harsomtous de Denderah, qui fut bâti sous Trajan entre les 1er et 2ème siècles de lère chrétienne. De fait, Ptah fut adoré jusquà lépoque romaine. Les Romains virent en lui un Vulcain.

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 25 mars 2010.

 

 

Sources : Dictionnaire de mythologie et de symbolique égyptienne, Robert-Jacques Thibaud, Dervy, 1997 / Dictionnaire historique de lEgypte, Pierre Norma, Maxi-Poche Histoire, 2003 / Dieux et déesses de lancienne Egypte, Bernard Van Rinsveld, Musées Royaux dArt et dHistoire de Bruxelles (MRAH), 1994 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998 / Petit dictionnaire des dieux égyptiens, Alain Blottière, Zulma, 2000.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 18:55


 

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/6a/GD-EG-Alex-Mus%C3%A9eNat041.JPG

 

 

 

 

1. Sérapis, chef des démons ?

 

Le christianisme fit du dieu gréco-égyptien Sérapis un « chef des démons » et lassimila à Belzébuth : « Dans sa préparation évangélique (IV, 22, 16), Eusèbe de Césarée (vers 270-340) nous apprend que les esprits qui règnent sur la nuit ont pour chefs des démons Sérapis et Hécate, cest-à-dire Belzebul selon la Bible. » (Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au Moyen Âge, p.28).

 

Le projet, mené à bien dès 392, dimposition du christianisme comme religion dEtat et dinterdiction des religions traditionnelles dites « païennes », par Théodose, eut notamment pour conséquence la mise à sac du sanctuaire de Sérapis (Serapeum ou Serapéion) dAlexandrie et la destruction de sa statue de culte.

 

La furie chrétienne sen prit ainsi à la divinité qui était, aux yeux des adeptes de la nouvelle religion, le symbole dune religion traditionnelle honnie : « A Alexandrie, en 389, des chrétiens attaquent un temple de Sérapis et un Mithraeum. Publiquement ils exhibent et moquent les idoles païennes. Les fidèles se révoltent « surtout les philosophes » disent les textes Une émeute suit, avec de part et dautre un nombre considérable de morts. » (Traîté dathéologie, Michel Onfray, p.184).

 

« En 391, lévêque dAlexandrie donne lordre de détruire le Sérapéion la bibliothèque part en fumée » (Ibid., p.185).

 

« Son grand temple dAlexandrie, le Sérapéum, abritait au moins une partie de la fameuse bibliothèque. Il fut détruit, ainsi que toutes les traces du culte du dieu, au cours du déicide perpétré par les chrétiens à la fin du IV e siècle. » (Petit dictionnaire des dieux égyptiens, Alain Blottière, p.119).

 

2. Sérapis-Apis : une origine égyptienne.

 

A lorigine de Sérapis, on trouve le taureau sacré de Memphis : Apis.

 

Aux temps archaïques, ce dernier fut une divinité de la fécondité symbolisant la force physique, la puissance sexuelle, la fertilité, labondance. Apis fut le plus important taureau sacré de lEgypte ancienne.

 

Né dune génisse fécondée par le dieu Ptah, dieu créateur de toute vie, Apis apparaît comme une incarnation, une manifestation de Ptah, dieu procréateur par excellence, incarné dans un animal vivant.

 

Cest pour cette raison que lon élevait un taureau dans une étable située à proximité du temple de Ptah. A sa mort, il était momifié et on procédait ensuite à son inhumation, dans un sarcophage de basalte, de granit ou de bois précieux, dans les galeries souterraines du Serapeion (ou Serapeum), la nécropole de la capitale, à Saqqara. Cest à partir du Nouvel Empire (-1585 / -1090) que cette nécropole sera réservée aux sarcophages des taureaux Apis momifiés. Légyptologue Auguste Mariette fera la découverte de ce Serapeum, le 12 novembre 1851. Nous expliquerons plus loin lorigine de ce terme de Serapeum, qui renvoie clairement au nom de Sérapis.

 

Les prêtres de Ptah étaient chargés des cérémonies funèbres. Mais au deuil succédait rapidement la joie lorsquon amenait lanimal choisi par les prêtres pour succéder au taureau défunt. Ce taureau était choisi sur base de critères physiques précis, tels quune robe identique à celle de son prédécesseur, la présence sur le front de la forme dun triangle blanc sur sa pointe, une marque en forme daigle sur le dos, les poils de la queue double, une marque en forme de scarabée sous la langue. Ces critères évoqués par Hérodote, correspondaient à la visualisation dApis, à savoir un taureau de couleur noire, dont le front était orné dune étoile et dun disque solaire muni dun uraeus (=serpent) entre les cornes. On lassocie également à limage dun vautour aux ailes déployées et à un scarabée ailé. Apis est aussi parfois représenté avec un croissant posé entre les cornes ou sous laspect dun homme à tête de bovin.

 

Apis était adoré durant toute sa vie, puis remplacé à sa mort, environ tous les quatorze ans. Tous ceux qui avaient pris part aux funérailles grandioses du taureau Apis avaient le privilège de déposer au Serapeum une stèle votive afin de sassurer la protection du dieu. Quant aux mères des Apis défunts, elles étaient ensevelies dans lIseum.

 

Le nom dApis est évoqué dans la Bible (Jérémie 46 : 15) dans un contexte de propagande anti-poplythéiste. Nous reprenons ici les deux versions de la Bible du chanoine Crampon (1939) et de celle de la Bible de Jérusalem (1998) :

 

Crampon : « Quoi ! ton héros est renversé ! Il ne sest pas tenu debout, car Yaweh la jeté à terre. » Crampon y voit une allusion au taureau Apis, les termes « ton héros » désignant, daprès lui, le chef de larmée dEgypte. Il précise toutefois en bas de page que « le bœuf Apis était honoré surtout en Basse-Egypte. Le mot hébreu se dit quelquefois des taureaux ; on peut y voir au moins une allusion au bœuf Apis. »

 

Dans la Bible de Jérusalem, le verset fait clairement référence à Apis : « Pourquoi Apis a-t-il fui ? Pourquoi ton Puissant na-t-il pas tenu ? Oui, Yahvé la culbuté, » Et il est encore précisé en bas de page que « le taureau Apis, incarnation du dieu Ptah, était le protecteur de Memphis ; vivant, il était nourri dans un temple ; mort, il devenait un Osiris-Apis, doù le nom de Serapeum, nécropole où il était embaumé et enseveli. » Nous voyons ici clairement sopérer la fusion entre Apis et Osiris après ladoption par celui-ci de la royauté du monde des morts.

 

Dans les derniers temps de lindépendance de Memphis, lApis défunt était honoré sous le nom dOsiris-Apis ou Osorapis (représenté en homme momifié à tête de taureau), qui devint par contraction et « grécisation », Sérapis, suite à lévolution suivante : Osiris-Apis, Osor-Hapis, Osorapis, O Sarapis, Sarapis, Sérapis. Les Egyptiens voyaient donc en Sérapis une union dApis et dOsiris et cest à cette origine osirienne que Sérapis doit sa fonction de dieu de la fertilité (qui le fit assimiler aussi à lHadès hellénique, dieu des morts et de la fertilité).

 

Ajoutons que Seth se servit dApis pour confectionner lenveloppe mortuaire dOsiris, Apis étant considéré comme le porteur de lâme dOsiris.

 

3. Introduction du culte de Sérapis dans lEgypte hellénique et le monde gréco-romain.

 

Pour des raisons politiques, Ptolémée de Macédoine (règne : -323 / -285) introduisit le culte de Sérapis, en tant que dieu national de lEgypte. Plus précisément, on ne sait avec exactitude si cest le premier ou le second Ptolémée qui décida dintroduire ce culte dun dieu dynastique gréco-égyptien, mais selon une légende dépoque romaine, Ptolémée Ier aurait une nuit rêvé dun dieu quil prétendit ne pas connaître et qui était vénéré dans lîle de de Sinope. Ce dieu lui aurait demandé de transporter sa statue à Alexandrie, capitale du royaume lagide. On reconnut dans ce dieu, Hadès, le dieu des Enfers, auquel on donna le nom de Sérapis. Mais comme nous lavons vu, ce ne fut là, en réalité, quune récupération dun dieu égyptien qui, à cette époque, existait depuis peu à Memphis : Osorapis. Sérapis, auquel on donna une apparence humaine (celle dun dieu barbu semblable à Zeus) et sa parèdre, Isis, apparaîtront désormais comme une contrepartie divine du couple royal, auquel on ajoutera lHarpocrate, comme rejeton du couple divin, ce qui permit de constituer une triade, selon une tradition populaire en Egypte.

 

Sérapis devint rapidement populaire parmi les Grecs dAlexandrie et dautres cités du Delta du Nil et du Fayoum, puis son culte, qui allait durer sept siècles, se répandit et atteignit, à lépoque romaine, les confins les plus éloignés, notamment à Kysis, à lextrême sud de loasis de Kharga (cest là que lon découvrit, en 1989, le trésor dun temple de Sérapis).

 

En Grèce, Sérapis fut vénéré comme une union de Zeus et dHadès, Sérapis prenant le plus souvent la forme de ce dernier coiffé dun calathos (=corbeille ou plus précisément, un récipient servant à mesurer le grain). On le représente aussi parfois portant une couronne « atef ». On le voit souvent en compagnie de Cerbère, ce qui souligne son caractère de dieu souterrain des Enfers, Cerbère étant le gardien de ces derniers.

 

Sérapis possédait également les caractéristiques de Dionysos, Asclépios et Poséidon. Il était à la fois un dieu de la fertilité, un guérisseur (fonction qui deviendra finalement prépondérante), un sauveur, un faiseur de miracles, un protecteur des plus défavorisés, de même que des marins et également, le dieu des morts.

 

En Egypte, Hadrien lui dédia un temple, à Thèbes, mais Sérapis fut également adoré à Rome même. Moins populaire quIsis, il nen possédait pas moins plusieurs sanctuaires dans la capitale romaine, où il passait pour être un dieu guérisseur.

 

Sur le Quirinal (à lemplacement de la Villa Colonna), Caracalla lui consacra un gigantesque temple le Serapeum-, soutenu par des colonnes de vingt mètres de haut et de deux mètres de diamètre, sur une surface de 13.000 m².

 

Certains empereurs romains des 2e et 3e siècles, vouaient, en effet, à Sérapis, une dévotion particulière, comme dieu universel, sous le nom de Zeus Hélios Sarapis. Caracalla est lui-même honoré par une dédicace sous le nom de Philosarapis (=aimé de Sarapis) et de Kosmokratôr (= souverain universel). Or, ce dernier titre est donné à Sérapis par une inscription syncrétiste trouvée dans le temple de Mithra aménagé sous les thermes de Caracalla : « Zeus Sarapis Hélios souverain universel, invaincu (ou invincible) ne sont quun seul et même dieu » (R. Turcan)

 

On retrouva même des traces du culte de Sérapis jusquaux confins de lempire romain, ainsi dans la celtique île de Bretagne, à Eburacum (actuelle York).

 

Sérapis, comme Hélios et Attis, est coiffé des rayons héliaques. A noter, à ce sujet, quApis avait également adopté lidentité solaire du dieu égyptien Rê, qui est représentée par un disque solaire placé entre ses cornes.

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 22 mars 2010.

 

 

Sources : Bible de Jérusalem, Cerf, 1998 / Bible du chanoine Crampon, Société de Saint-Jean lEvangéliste, 1939 / Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au Moyen Âge, Claude Lecouteux, Imago, 1999 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 /Dictionnaire de mythologie et de symbolique égyptienne, Robert-Jacques Thibaud, 1996 / Dictionnaire historique de lEgypte, Pierre Norma, Maxi Poche Références, 2003 / Dieux et déesses de lEgypte ancienne, Bernard Van Rinsveld, Musées Royaux dArt et dHistoire de Bruxelles, 1994 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Héliogabale et le sacre du soleil, Robert Turcan, Albin Michel, 1985 / Petit dictionnaire des dieux égyptiens, Alain Blottière, Zulma, 2000 / Traîté dathéologie, Michel Onfray, Grasset et Fasquelle, 2005.

Serapis Bey

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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 15:48


 

  1. Durgâ l’Inaccessible

     

http://mythologica.fr/hindou/pic/durga.jpg

Surnommée l « Inaccessible » ou encore « Celle quil est difficile dapprocher », Durgâ est l’un des aspects de Devi, la Grande Déesse. Incarnation prédominante de lénergie première nommée Shakti, Durgâ est une manifestation de la Force Suprême et a la particularité de prendre nimporte quelle forme. Elle représente la totalité du pouvoir des dieux. Si Durgâ peut personnifier lAmour et la Tendresse, elle peut aussi être terrible.

 

2. L’éternelle fiancée de Shiva.

 

Durgâ est lune des formes redoutables et les plus célébrées de lépouse de Shiva, Parvatî. De fait, on assimile aussi Durgâ à un autre aspect terrible de l’épouse de Shiva, Kâlî, dont le culte, tout comme celui de Durgâ, est particulièrement observé au Bengale, ainsi que dans la moyenne vallée du Gange. A l’inverse, on dit également de Mahâkalî, l’un des noms qui sert à désigner Kâlî, qu’elle est l’un des aspects terrifiants de Durgâ. On rapproche aussi parfois Durgâ d’Annapurna (dont l’équivalent latin est, comme sa parenté linguistique indo-européenne l’indique clairement, la déesse Anna Perenna). Notons toutefois que le terme d’ « épouse » n’est pas absolument approprié pour Durgâ qui apparaît plus précisément comme l’ « éternelle fiancée » de Shiva. Il s’agit en effet d’une déesse vierge et guerrière, à l’instar de Diane et d’Artémis, par exemple. Ainsi nomme-t-on parfois Durgâ, Kanya Kumarî, la « Pucelle », dirions-nous, et plus précisément, la « Demoiselle Vierge » ou encore la « Jeune Vierge ». Kanya Kumari a d’ailleurs donné son nom à ce territoire de l’extrême-sud du sous-continent indien que nous nommons en français le « cap Comorin ». Résidant dans le grand temple de Suchindram, Kanya Kumari est qualifiée de Parashakti (=Energie Suprême), et cristallise les vertus infinies de la chasteté qui lui permet d’anéantir tout pouvoir maléfique. Durgâ est aussi parfois célébrée comme (future) épouse de Kalki (ou Kalkin), dixième et dernier avatar de Vishnu encore « à venir » et qui est souvent représenté sous l’aspect d’un dieu à tête de cheval. Une statue de ce dieu est d’ailleurs visible au musée Guimet, à Paris. Durgâ est aussi parfois nommée Maheshvari ou encore Paramêshvari.

 

3. Attributs et visualisation.

 

On décrit Durgâ vêtue dun sari rouge, dotée de dix bras et portant un certain nombre darmes redoutables :

 

1. Le disque de Vishnu. De fait, en tant que sœur de Vishnu, Durgâ porte le disque, de même que la conque (aussi attribuée à Vâyu, voir point 7).

2. La lance de Kumara.

3. Larc et la flèche de Surya.

4. La hache de Chandra.

5. La massue de Yama.

6. La hache dAgni.

7. La conque de Vâyu (ou de Vishnu).

8. Le trident de Shiva.

9. On la voit parfois représentée tenant dans ses deux autres mains un bouclier et une fleur, ou encore un lasso.

 

Durgâ est aussi toujours représentée en compagnie de fauves (tigres ou lions) ou ayant un fauve pour monture, ce qui n’est pas sans rappeler, par exemple, la déesse Cybèle. Dans sa suite, l’on trouve également Shâkinî, un démon féminin, un esprit végétal que l’on assimile parfois à une sorcière guerrière.

 

4. Le combat de Durgâ contre le démon-buffle Mahisasura.

 

Durgâ fut suscitée par les dieux pour combattre les démons qui assaillent les hommes. Ainsi, tua-t-elle le démon-buffle Mahisasura, après que ce dernier eut soumis des dieux mineurs à sa volonté. Voici lhistoire de sa victoire face au démon-buffle Mahisasura. Née de la colère de Shiva et de Vishnu, Durgâ partit en guerre contre les démons, porteuse des armes divines précédemment citées et chevauchant un fauve (tigre ou lion). Lorsquils laperçurent, les démons se ruèrent sur la déesse, mais Durgâ les extermina par centaines à l’aide de ses armes. Le grand démon-buffle Mahisasura sattaqua alors au fauve de Durgâ ce qui mit la déesse dans une grande fureur. Elle attrapa le démon avec son lasso, mais celui-ci se transforma en fauve pour séchapper. Ceci nempêcha guère Durgâ de lui trancher la tête. De ce corps mutilé apparut un homme armé que Durgâ transperça de son trident. Du corps sans vie de cet homme naquit un éléphant qui saisit le fauve de Durgâ avec sa trompe mais elle trancha la tête du pachyderme dun coup dépée. Le démon reprit alors sa forme de buffle et lança contre la déesse des montagnes entières que Durgâ repoussa sans effort avant de bondir sur le dos du démon et de le terrasser définitivement en le décapitant. C’est à la suite de ce combat épique que Durgâ a acquis son nom de Mahisasuramardini.

 

5. Les fêtes de Durgâ.

 

2.1. Chaque année, est célébré, en son honneur, le festival de Durgâ Puja.

 

2.2. Limage de la déesse préside aussi aux festivités plus ou moins orgiaques et carnavalesques de la fête de Dassarâ (ou Dasara). A l’occasion de cette fête de purification, on évoque les exploits de la Grande Déesse.

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 18 mars 2010

 

Sources : Dictionnaire de lhindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / LInde mystique et légendaire, Louis Frederic, Editions du Rocher, 1994.

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17 mars 2010 3 17 /03 /mars /2010 19:20

LOKI

 

 

1. Le Père des tromperies.

 

Dans la tradition nordique, Loki (ou Loke, Loptre, Lopt), fils de Laufey et du géant Farbauti, bien que de nature divine, nen est pas moins malfaisant : on voit en lui le responsable des malheurs cosmiques. On le nomme « Calomniateur des dieux », « Père des tromperies » ou encore « Honte de tous les dieux et de tous les hommes ». Le nom de Lopt qui signifie le « Vaporeux », l « Ethéré », lui est également appliqué. Ceci indique son pouvoir sur lélément aérien que symbolisent notamment ses métamorphoses en faucon, de même que sa parfaite maîtrise de la parole. Si l’on décrit Loki comme un être plaisant et même particulièrement beau, et qui possède, en outre, un grand pouvoir de séduction, il n’en est pas moins de nature foncièrement mauvaise et dhumeur capricieuse.

 

2. Un aspect de Satan ?

 

Tout naturellement, le christianisme a vu dans le personnage de Loki un visage de Satan. « Démon astucieux et pervers, du panthéon scandinave, souvent assimilé à Satan, Loki, actuellement enchaîné par les divins Ases, doit un jour recouvrer la liberté et anéantir le monde. » (Dictionnaire du Diable, R. Villeneuve). Il est toutefois possible que les traits diaboliques de cette divinité complexe aient été volontairement durcis par les commentateurs chrétiens. « Bien entendu, on ne peut sempêcher de penser à la figure du Diable dans la mythologie chrétienne, et il est possible que le christianisme ait ajouté tardivement une coloration luciférienne à des représentations nordiques antérieures. » (Mythes nordiques, R.I. Page) Et encore : « A partir de la christianisation, Loki est lesprit du malin dans toute son étendue car il est voleur, adultère et meurtrier, provoque, par ses fils (autres aspects de lui-même) le Crépuscule des Puissances où tous les dieux et lui-même sont anéantis. » (Dictionnaire de mythologie et de symbolique nordique et germanique, Thibaut).

 

3. Loki , un dieu « moniste ».

 

Tous les actes maléfiques de Loki ne sont pourtant pas volontaires et il lui arrive également dapporter une aide efficace aux dieux et de les aider à vaincre maints périls, alors que par opposition, le « dieu bon » Baldr apparaît comme un personnage velléitaire et peu efficace : ses jugements, dit-on, ne sont jamais suivis deffet. La mort de ce dernier, provoquée par Loki, ne sera pas dépourvue de sens car, ayant échappé au grand massacre du Ragnarök, il renaîtra au lendemain du « Crépuscule des dieux » dans une terre entièrement renouvelée et paisible, Baldr ressuscitera donc dans un nouvel Âge dor. Ce mythe en rappelle bien dautres tels ceux de Dionysos, Osiris, Adonis, Attis qui tous sont liés à lidée de renaissance, notamment celle de la végétation, et de résurrection. Il est donc très simpliste de ne voir en Loki quune incarnation dun hypothétique « mal absolu ». Cette approche dualiste correspond plus à la vision abrahamique du monde quà la conception quen a le paganisme nordique. Si Loki apparaît donc bien comme une divinité sombre, il nen annonce pas moins la Lumière. Le faucon, forme dans laquelle Loki se métamorphose parfois, annonce la victoire de la Lumière sur les Ténèbres, lavènement de la Connaissance, ce qui souligne le rôle initiateur de ce dieu.

 

4. Loki, un dieu parfois utile et souvent cocasse.

 

4.1. Ainsi peut-on voir Loki aider Thor à récupérer son célèbre marteau. Un jour, à son réveil, Thor ne trouve plus son marteau, celui dont il use pour combattre les géants. Loki, apprenant la chose, se range à ses côtés et lui propose daller voir la déesse Freyia afin de lui demander quelle leur prête sa « peau de plumes » pour survoler les zones habitées et se rendre ainsi à Iotunheim, le domaine des Géants. Loki enfile ladite peau et va à la rencontre du roi géant Thrym, qui lui avoue avoir volé le marteau de Thor et quil na lintention de le rendre quen échange de la main de la déesse Freyia. Loki revient à Asgard et informe Thor de la situation, avant daller transmettre à Freyia les exigences de Thrym. Freyia entre dans une telle colère que la salle où se réunissent les dieux en tremble sous elle. Cest alors que Loki eut une idée de génie : Thor devrait se rendre à Iotunheim déguisé à limage de Freyia, tandis que lui-même se déguiserait en suivante ! Et voilà bientôt les deux dieux, ainsi déguisés, en route pour Iotunheim. Le plan semble fonctionner à merveille, bien que limmense appétit de Thor-Freyia manque de peu de les trahir. Le roi Thrym va finalement chercher le marteau de Thor pour bénir la mariée, mais Thor reprend promptement possession de son bien et se met à exterminer les Géants à grands coups de marteau ! On voit ici Loki dans un rôle positif et qui démontre quil peut aussi être utile aux dieux Ases.

 

4.2. On le voit aussi intervenir positivement dans lhistoire suivante. Skadi, la fille de Thiazi, jura un jour de venger la mort de son père et, pour ce faire, entreprit, armée de pied en cape, dattaquer les dieux dans leur résidence dAsgard. Pour lapaiser, les Ases lui proposèrent de choisir un époux parmi eux. Skadi accepta, à la condition que quelquun parvienne à la faire rire, défi que saura relever Loki qui déploya devant elle tout son éventail de pitreries. Skadi jeta finalement son dévolu sur Niord mais ce mariage ne sera guère heureux. En outre, cest Skadi qui suspendra le serpent venimeux au-dessus de Loki, lorsque les dieux décideront de le punir pour la mort de Baldr, histoire que nous évoquons plus loin.

 

4.3. Il arrive également à Loki de faire des choix malheureux mais non pas dans un but volontairement malfaisant. Ainsi, afin de se prémunir contre les attaques des Géants, les dieux dAsgard décidèrent de faire bâtir une enceinte défensive. Loki leur conseilla un architecte à qui les dieux promirent comme salaire, rien moins que le Soleil (la déesse Sol), la Lune (le dieu Mani) et la déesse Freyia. Or, les dieux ne prirent que tardivement connaissance de la véritable nature de cet architecte apparenté à la race des Géants. Aussi blâmèrent-ils Loki pour son choix et exigèrent-ils de lui quil les tire de ce mauvais pas. Loki se changea alors en jument afin de distraire Svadilfoeri, le cheval de trait de larchitecte, empêchant ce dernier de terminer le travail dans les délais prévus. Fou de rage, larchitecte apparut soudain sous son aspect de Géant mais Thor accourut bien vite et lui brisa le crâne. Quant à Loki, il donna naissance, quelques mois plus tard, à un cheval doté de huit pattes, à savoir Sleipnir, le coursier dOdin !

 

4.4. Loki se trouve donc souvent entraîné dans des situations cocasses provoquées par ses actes irréfléchis. Ainsi, partit-il un jour en expédition en compagnie de deux autres dieux : Odin et Hoenir. Ils tuèrent un bœuf et tentèrent de le faire cuire. Mais chaque fois quils goûtaient la viande, elle était crue. De fait, perché sur la branche dun chêne, un aigle leur expliqua quil était, lui, la cause de ces problèmes de cuisson : la viande ne pourrait être cuite tant quil naurait pas reçu sa part ! Les exigences du rapaces furent acceptées mais il se servit si copieusement que Loki tenta de la frapper à laide dun bâton. Laigle senvola et traîna Loki sur le sol pierreux jusquà ce que le dieu lui demande grâce. Le rapace accepta mais, en échange, il exigea de Loki quil parvienne à convaincre Idunn de sortir de sa forteresse divine munie de ses pommes dor (on se souviendra aussi des pommes dor du jardin des Hespérides emportées par Héraklès). Loki accomplit sa mission et laigle, qui nétait autre que le géant Thiazi, emporta Idunn et ses pommes dor jusquà sa demeure de Thrymheim. Privés des pommes magiques, les dieux, qui commençaient à vieillir et à dépérir, exigèrent de Loki quil ramène Idunn. Loki partit donc pour Thrymheim sous la forme dun faucon, trouva Idunn, la changea en noix, la saisit dans ses serres et lemporta au loin. Le géant Thiazi reprit sa forme daigle et se lança à sa poursuite, mais à peine Loki avait-il franchi les limites du domaine des dieux, que ces dernier allumèrent un grand feu que Thiazi, emporté par son élan, ne put éviter. Ainsi périt-il au milieu des flammes.

 

4.5. On voit Loki emprunter également laspect du faucon dans lhistoire suivante. Ayant emprunté le déguisement de faucon de Frigg, Loki se rendit chez le géant Geirrod quil espionna sans vergogne du rebord de la fenêtre. Détestant se sentir ainsi épié, Geirrod ordonna quon sempare du rapace, ce qui fut fait promptement, Loki ayant trop tardé à senvoler. Geirrod saperçut rapidement que cet oiseau nétait pas ordinaire et quil était en réalité un dieu. Comme Loki refusait de décliner son identité, Geirrod lenferma durant trois mois dans un coffre et laffama. Sous la contrainte, Loki dût bien lui révéler son identité et Geirrod exigea de lui quil lui amène Thor sans son marteau ni sa ceinture de force. Toutefois, une géante informa Thor de la nature sanguinaire de Geirrod, et lui remit une ceinture de force, un bâton et des gants de fer. Tentant de franchir le fleuve Vimur, Thor, portant Loki accroché à la ceinture, fut surpris par la brusque montée des eaux provoquée par la géante Gialp, fille de Geirrod, qui urinait dabondance (certaines versions évoquent plutôt les menstruations). Mais Thor lança un gros rocher sur la géante, puis sextirpa de leau en saccrochant aux branches dun sorbier, raison pour laquelle cet arbre est nommé « Arbre de la Délivrance de Thor ». Thor et Loki furent accueillis par Geirrod dans une étable à chèvres, ce qui constituait une véritable injure pour des dieux de cette envergure. En outre, les filles de Geirrod tentèrent de tuer Thor mais le dieu les massacra et finit par tuer Geirrod également, grâce aux armes qui lui avaient été données par la géante.

 

4.6. Toujours accompagné dOdin et dHoenir, périple au cours duquel il eut la malencontreuse idée de frapper laigle Thiazi, comme nous lavons vu, Loki tua tout aussi malencontreusement, dune pierre bien ajustée, une loutre qui était en train de dévorer un saumon. Faisant ainsi dune pierre deux coups, les dieux obtinrent tout à la fois un gibier et un poisson, ce qui ne manque pas de les satisfaire grandement. Mais lorsquils demandèrent lhospitalité au Hreidmar, qui était accompagné de ses deux fils, Fafnir et Regin, ils furent bien vite faits prisonniers, les fermiers ayant reconnu leur loutre, Otr. Les dieux ne sauvèrent leur vie quen promettant une indemnité conséquente et cest Loki qui fut chargé de se procurer le montant de la rançon. Ainsi alla-t-il semparer dun nain nommé Andvari, qui évoluait dans une cascade sous la forme dun brochet. Loki lui extorqua tout son or, mais également une bague que le nain essayait de préserver et qui lui aurait permis de refaire sa fortune. Aussi le nain lança-t-il la malédiction suivante : « Cet or que Gust posséda jadis mènera deux frères à la mort, et de huit princes provoquera la chute. De mes richesses jamais nul homme ne jouira. » (R. I. Page) Loki nen ramena pas moins le trésor et Odin décida de garder lanneau pour lui, mais Hreidmar ayant constaté quun des poils de la peau de loutre sur laquelle avait été étendu lor, était encore visible, Odin se vit dans lobligation de céder également lanneau. Loki révéla alors à Hreidmar la suite de la malédiction dAndvari : « A toi jai remis cet or, grande rançon toffrant en échange de la vie. Mais pour ton fils, prospérité point ne suivra : cela de vous deux provoquera la mort. » (R. I. Page) Fafnir tua son père Hreidmar et senfuit avec lor quil garda jalousement dans des monts désolés, alors que son frère Regin préméditait activement sa mort. Cest ce mythe qui donna naissance à la légende de LOr du Rhin.

 

4.7. Dans une autre histoire, on peut voir Loki pris au piège de sa vantardise. Ainsi, Thor, Thialfi et Loki se rendirent un jour chez le géant Utgard-Loki qui les mit au défi daffronter certains adversaires dans diverses disciplines. Thor et Thialfi furent vaincus et humiliés par différents artifices. Quant à Loki, il sétait vanté de pouvoir manger plus que quiconque, mais son adversaire, Logi, fit bien mieux que lui en engloutissant non-seulement la viande mais également les os et même la planche sur laquelle la viande avait été servie ! Loki fut déclaré perdant, mais comment aurait-il pu en être autrement ? Son adversaire Logi nétait autre que le Feu lui-même, qui est le plus vorace de tous les éléments.

 

5. Loki, un dieu « déchu ».

 

On peut, par nombre daspects, comparer Loki à lIrlandais Bricriu « à la langue empoisonnée ». Georges Dumézil a, en outre, comparé Loki au diable Syrdon des légendes caucasiennes, ils pourraient même avoir une origine commune, ce qui enracinerait la nature négative de Loki dans un passé très lointain. On peut également retrouver dans le personnage de Loki, des analogies avec le dieu égyptien Seth, même si une influence, dune civilisation sur lautre, ne peut être sérieusement envisagée, dans ce cas. « En fait, Loki est un initiateur et cest par chacune de ses actions que se révèlent les héros et les dieux, que se manifestent le courage, lintelligence et la véritable nature des êtres. A lorigine des attributs divins quil fait faire, par les nains, Loki est aussi indispensable à la pensée mythologique germanique que Seth létait à la pensée égyptienne. » (Dictionnaire de mythologie et de symbolique nordique et germanique, Thibaut). Un poème intitulé Lokasenna (=Invectives de Loki) évoque Loki comme un dieu rejeté par ses pairs à tel point quon évite de linviter à une fête car on sait quil ne manquera pas dy jeter le trouble. Il rappelle là le personnage de Bricriu, comme nous lavons déjà dit, mais également celui dEris et sa célèbre « pomme de discorde » ou encore Shiva que Daksha omet volontairement dinviter à une fête. Loki, toutefois, imposera sa présence et accablera les dieux de ses sarcasmes malveillants. On voit ici Loki apparaître dans un rôle franchement malveillant et malfaisant.

 

6. Loki, vandale et calomniateur.

 

Cest également par pur vandalisme quil décida un jour de couper la chevelure de Sif, lépouse de Thor. Afin déviter que ce dernier ne lui fracasse le crâne à laide de son marteau, Loki promit de demander aux nains de confectionner pour Sif une chevelure dor. Voilà pourquoi lor est nommé « Chevelure de Sif ». Les nains fabriquèrent également un navire (Skidbladnir) et une lance (Gungnir). En admirant ces trois objets, Loki paria avec un nain nommé Blokk, que son frère Eitri serait incapable de fabriquer trois objets aussi beaux que ceux-là, et Loki ne fit rien moins que mettre en jeu sa propre tête ! Malgré les piqûres répétées dune mouche qui nétait vraisemblablement que Loki lui-même, Brokk sut aider Eitri à créer les trois objets demandés, à savoir : un porc aux soies dor, lanneau dor Draupnir et un marteau qui ne manquait jamais sa cible mais dont le manche était toutefois un peu trop court, Brokk ayant été perturbé dans son labeur par la mouche enragée. Ce marteau fut donné à Thor et fut déclaré le meilleur des trésors car il lui permettrait de vaincre les géants. Brokk se prépara donc à décapiter Loki, puisque tel était lenjeu du pari. Mais Loki prétendit que si sa tête ne lui appartenait plus, son cou, lui, était toujours sa propriété ! Brokk se contenta alors de lui coudre les lèvres afin, peut-être, dessayer ainsi de lempêcher de proférer maints propos injurieux, calomnies et paroles irréfléchies quil eut souvent à regretter. Dans cette histoire, Loki apparaît sans aucun attribut divin, seulement comme un être capable de métamorphoses.

 

7. La mort de Baldr.

 

Esprit malin et rusé, Loki porte la responsabilité de la mort du dieu Baldr, divinité qui est autant pourvue de qualités que Loki est pourvu de défauts. Cest là un des épisodes les plus célèbres de la mythologie nordique. Loki fit périr Baldr par pure méchanceté. Ayant appris que seul le gui navait pas prêté serment de ne faire aucun mal à Baldr, il en passa un rameau à Hod lAveugle et lincita, tout en le guidant sournoisement, à tirer sur Baldr afin, prétendument, de démontrer linvulnérabilité de ce dernier. Baldr sécroula, frappé à mort par le rameau de gui. Comme lincident sétait déroulé sur une aire sacrée, les dieux furent dans lincapacité de tirer immédiatement vengeance de ce crime dont ils connaissaient parfaitement linstigateur. Mais Hel, la gardienne des Enfers, accepta de libérer Baldr, à la seule condition que tous les êtres, tant vivants quinanimés, le pleurent. Si un seul dentre eux venait à refuser de le pleurer, Hel garderait Baldr auprès delle. Une géante nommée Thokk refusa cette requête en ces termes : « Des larmes sèches seulement je verserai pour les funérailles de Baldr. Vif ou mort, le fils de lhomme ne ma jamais rendu le moindre service. Que Hel conserve son bien. » (Mythes nordiques, R.I. Page) Loki était, bien évidemment, à lorigine du choix de la géante. Afin déchapper au courroux des dieux, Loki trouva refuge dans une maison à quatre portes dont il lui serait facile de séchapper en cas de besoin. La journée, il prenait la forme dun saumon pour aller se dissimuler dans une fontaine nommée Franang. Mais les dieux Ases draguèrent la rivière à laide de filet à lorigine conçu par Loki et, à la troisième tentative, Thor attrapa le saumon Loki par la queue et cest, dit-on, depuis ce temps, que le corps des saumons est resté mince à cet endroit. Les dieux attachèrent Loki solidement avec les boyaux de son fils Narfi -qui avait au préalable été dévoré par son frère Vali, changé en loup par les dieux- et ils suspendirent au-dessus de son visage un serpent qui, depuis, lui crache du venin au visage. A chaque fois que le venin atteint son visage, Loki tressaute et la terre tremble. Sigyn, sa fidèle épouse, tente bien de recueillir le venin et den protéger son malfaisant époux, mais chaque fois quelle sen éloigne, le reptile crache à nouveau son poison.

 

8. Loki et le Ragnarök.

 

Cela doit durer jusquà la fin des temps, jour où Loki précipitera la destruction des dieux. Bien quépoux de Sigyn, Loki saccoupla avec la géante Angerboda (=Celle qui annonce le malheur) et de cette union naquit un certain nombre dêtres terribles et monstrueux : Hel, la déesse des Enfers, le loup Fenrir ou encore le serpent cosmique de Midgard, Iormunngand. Lors du Ragnarök, le « Crépuscule des dieux », Loki commandera les Géants, ennemis des dieux. Il emportera avec lui Nagflar, le « bâteau-ongles », nommé ainsi parce quil a été confectionné avec les ongles des morts, le géant Hrym et les fils de Muspell. A propos de Nagflar, il est dit qu’il est déconseillé de mourir les ongles non-taillés, car ceux-ci servent à sa construction. Toujours lors du Ragnarök, Loki, qui incarne le principe des Ténèbres, affrontera en combat singulier Heimdall qui, lui, symbolise la Lumière. Tous deux apparaîtront sous la forme de phoques et finiront par sentre-tuer sur un îlot rocheux nommé Singastein. Dans les croyances populaires, on dit que cest le rire diabolique de Loki que les hommes entendront, juste avant la fin du monde.

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 16 mars 2010.

 

Loki and Idunn

Loki et Idunn

 

 

 

 

 

Sources : Dictionnaire de mythologie et de symbolique nordique et germanique, Robert-Jacques Thibaut, Dervy, 1997 / Dictionnaire des superstitions et des croyances populaires, Pierre Canavaggio, Jean Claude Simoën, 1977 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Le Dieu du Mal, Hervé Rousseau, PUF, 1963 / Mythes nordiques, R.I. Page, Seuil, 1993.

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4 mars 2010 4 04 /03 /mars /2010 19:19

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/dd/Mars_breastplate_MBA_Lyon_L101.jpg

1. Mars, dieu de la Guerre.

 

1.1. Dieu romain de la Guerre, Mars est une transposition de lArès grec. Plus précisément, en Grèce, la personnification divine de la Guerre se partageait entre Arès et Athéna, Arès étant perçu comme une divinité adepte de la force brutale, alors qu’Athéna incarne plutôt l’intelligence calculatrice.

 

1.2. L’empereur Auguste éleva un temple en l’honneur de Mars sur son Forum en lui donnant le nom dUltor, le « Vengeur ».

 

1.3. Dans la suite du dieu de la Guerre, on reconnaît Fuga (=la Fuite), Timor (=la Peur), Pallor (=la Pâleur), Pavor (=l’Epouvante), Virtus (=le Courage), Honos (=l’Honneur), Securitas (=la Sécurité), Victoria (=la Victoire), Pax (=la Paix).

 

2. Mars, dieu de la Végétation et de la Force vitale.

 

Toutefois, si Mars est bien lhomologue romain de lArès grec, il est aussi plus que cela. Le Mars primitif était particulièrement vénéré par les Sabins et les Osques, mais loin dêtre un dieu de la Destruction, Mars était, au contraire, à lorigine, un protecteur de la végétation dont il assurait lépanouissement et la croissance. Ainsi le connaissait-on sous le nom de Mars Silvanus ou encore, Mars Grandirius (=grandir, croître). Une fête lui était consacrée dans le courant du mois de mars. Elle portait le nom dAmbarvales (=procession autour des champs). Ce nest que plus tard quelle sera célébrée en lhonneur de la déesse de la Fertilité, Dea Dia, alors que Mars verra progressivement se renforcer son caractère de dieu de la Guerre. Mars peut ainsi être considéré comme la figure symbolique du réveil de la Force et de la Vigueur, tant dans la nature que dans le cœur des guerriers.

 

3. Mars : un culte ancien.

 

3.1. Mars était vénéré de très longue date, à Rome, sur le mont Capitolin, en même temps que Jupiter et Quirinus. Vers 510 avant l’ère chrétienne, cette trinité fut remplacée par Jupiter, Junon et Minerve. Mars n’en resta pas moins l’un des dieux les plus vénérés de Rome.

 

3.2. Mars Quirinus est, quant à lui, considéré comme le père de Romulus et Remus, et, de ce fait, comme l’ancêtre du peuple romain tout entier. Il fut vénéré sur la colline de Rome qui porte son nom : le Quirinal.

 

3.3. Junon est, par ailleurs, considérée comme la mère de Mars, qu’elle conçut toutefois sans le concours de Jupiter mais en touchant une fleur que lui avait offerte Flora.

 

3.4. Parmi les attributs de Mars, on compte le pic, le loup, le cheval, le chêne et la lance.

 

3.5. Les prêtres de Mars étaient appelés saliens (=sauteurs) et ils formaient un très ancien collège de prêtres qui organisait à travers Rome une « procession des sauteurs », au cours de laquelle on chantait le Carmen Saliare, soit une chanson tellement ancienne que son texte était déjà devenu incompréhensible durant lAntiquité.

 

3.6. A Rome, dans le coude du Tibre, il existait un terrain dexercice militaire auquel on avait judicieusement donné le nom de Campus Martius (=Champ de Mars). Cest aussi là que lon offrait au dieu des sacrifices solennels.

 

3.7. Dans la Regia du Forum de Rome, on conservait les lances de Mars ou hastae Martiae. Lorsque ces lances bougeaient, on y voyait un présage de guerre, cest pourquoi, avant de partir en campagne, un général devait provoquer ce mouvement des lances en sécriant : Mars vigila ! (=Mars, réveille-toi !). Mars Gravidus (=Celui qui progresse), précédait d’ailleurs les armées de Rome pour les conduire à la victoire.

 

3.8. Le mardi, Martiis diem, est le jour de la semaine dévolu à Mars.

 

3.9. Les Germains en firent le dieu de lAssemblée (le thing, en vieux norrois), soit Mars Thingsus, Tiwaz, Thingsaz, où lon peut retrouver les racines du mot anglais désignant le mardi, « Tuesday », dont léquivalent néerlandais est « Dinsdag ».

 

3.10. Dans les croyances populaires, il est dit que graver une effigie du dieu Mars sur un diamant que l’on porte au coup permet de devenir invisible à volonté…

 

4. Visualisation.

 

4.1. Au Musée du Vatican, la statue de bronze de Todi, d’origine étrusque et datant du 4e siècle avant l’ère chrétienne, représente Mars portant une cuirasse et un casque.

 

4.2. Sur des peintures murales de Pompéi, on peut à plusieurs reprises voir la représentation des amours de Mars et de Vénus (Arès et Aphrodite dans la tradition hellénique), notamment à la « Casa di Marte e Vénère » et à la « Casa di Marco L. Frontone ».

 

 

Eric TIMMERMANS.

Bruxelles, le 4 mars 2010.

 

 

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire des superstitions, R. Morel et S. Walter, Marabout, 1972 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997.

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4 mars 2010 4 04 /03 /mars /2010 19:15

 

Image:Ganesh1.jpg

 

1. Les origines de Ganesh.

 

Dans la tradition hindoue, Ganesh (ou Ganesa) est le fils aîné de Shiva et de Parvatî. Il est le Seigneur des Multitudes, le dieu de tous les êtres. Il symbolise celui qui a découvert la Divinité en lui. Parvatî créa Ganesh avec la pâte de Santal dont elle senduisait le corps (ou avec la sueur de la déesse mélangée à de la poussière). Elle linstitua aussitôt gardien de sa porte. Mais Shiva, empêché de rentrer chez son épouse par Ganesh -dans une autre version, Ganesh garde le bassin où Parvatî se baigne nue- entra dans une violente colère et lui trancha la tête. Parvatî en conçut une telle colère, quelle menaça lunivers danéantissement. Aussi, Shiva prit-il la tête du premier animal qui passa à proximité pour la substituer à la tête manquante de Ganesh. Le premier animal qui passa était un éléphant et cest ainsi que ressuscita Ganesh, sous la forme du dieu à tête déléphant. Et Shiva, admirant son courage, en fit son fils légitime. Il semble quil sagisse de la seule figure majeure du panthéon hindou à posséder un corps humain associé à une tête danimal (à l’exception de certaines incarnations de Vishnu, dans une certaine mesure). Il est dit aussi qu’à l’exemple des autres dieux, Ganesh vénère profondément la déesse Lakshmî.

 

2. Ganesh, dieu des marchands et des voleurs.

 

Divinité obèse et débonnaire, Ganesh est certainement lidole la plus populaire du panthéon hindou. Il est toujours invoqué avant de démarrer un projet, de partir en voyage ou même avant de sadresser à un autre dieu. De fait, dans la tradition hindoue, il y a quatre étapes dans la vie humaine : Kama (=le Désir), Arta (=la Richesse), Dharma (=la Loi) et Mokha(=le Renoncement). Ganesh, qui évoque toutes les possibilités de lexistence et toutes ses expressions, dans le temps et dans lespace, semploie à détruire les obstacles entravant la réalisation de ces quatre desseins. Ganesh est ainsi le dieu des marchands, des voyageurs et des voleurs, tout comme, par exemple, le dieu grec Hermès, mais il est aussi le dieu des Arts, de la Connaissance, des Sciences, du Savoir, et on lhonore toujours, en tant que dieu tutélaire des lettres, avant un spectacle. Cest également Ganesh qui a rédigé dun trait et avec une incroyable rapidité le Mahabharata. Il aurait réalisé cette prouesse sous la dictée du sage Vyâsa. A noter aussi que l’un des âgama (=recueil shivaïte, source de la Doctrine) est consacré à la vénération de Ganesh.

 

3. Visualisation.

 

Ganesh est généralement représenté sous les traits dun adolescent obèse couronné dune tête déléphant. Il possède également quatre bras et est coiffé dune tiare. Dans ses quatre mains il tient ses attributs : une hache (parashu), un trident ou encore un crochet, une assiette (vide ou contenant des petites pâtisseries ou modouks), une fleur de lotus ou/et un lien. Le lacet ou lien lui permet de capturer lIllusion (Moha). Le crochet indique son aptitude à diriger le monde. De ses deux autres mains, il peut indiquer, dune part, laccord des faveurs, tandis que de lautre il éloigne la peur. Son unique défense semble symboliser lunité profonde du macrocosme et du microcosme. Quant à ses amples oreilles, on leur donne le pouvoir de ventiler la vérité pour en dissiper la poussière derreur. A noter encore que Ganesh a pour monture un rongeur (rat ou souris) que l’on nomme Mûshikâ. Il s’agit là du don d’un démon que le dieu a vaincu. L’étrange disproportion naturelle entre ce dieu pour le moins massif et sa monture, symboliserait la grande vivacité de son esprit à l’ubiquité subtile. Mûshikâ symbolise aussi l’abondance.

 

4. Les multiples noms de Ganesh.

 

4.1. Ekadanta : « Ganesh na plus quune dent (ou défense) ». Cela signifie quen lui toute dualité a disparu. On représente ainsi Ganesh avec une seule défense.

 

4.2. Gajânana : De « gajâ » (=éléphant) et « ânana » (=bouche), soit le Seigneur au visage déléphant.

 

4.3. Gananâtha : Ganesh en tant que seigneur et maître des soldats de Shiva, les Ganas.

 

4.4. Ganapati : Le Seigneur de tous les êtres. Nom donné à Ganesh dans le sud de lInde. Il est invoqué pour prévenir les difficultés qui entravent le travail. Le principe de Ganapati est dit Ganapatyam (=la puissance de lintellect).

 

4.5. Lambodara : « Gros estomac ».

 

4.6. Pillayar : « Petit enfant ». Nom donné à Ganesh, en langue tamoule.

 

4.7. Shubhânana : généreux, bienfaisant, favorable.

 

4.8. Vighnarâja : Le Seigneur des Obstacles.

 

4.9. Vighnêshvara (ou Vighneshwer).

 

4.10. : Vinayak (a) : Le Chef Suprême.

 

 

Eric TIMMERMANS.

Bruxelles, le 4 mars 2010.

 

 

Sources : Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / LInde mystique et légendaire, Louis Frederic, Editions du Rocher, 1994.

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19 février 2010 5 19 /02 /février /2010 19:22

1. Heimdall le Lumineux.

 

Le nom de ce dieu nordique signifie « Qui éclaire » ou encore « Qui fait croître le monde ». A noter qu« en allemand, les mots Heim [maison], Heimat [patrie] et Heimlich [secret] ont la même racine. La forêt est secrète, au sens où elle cache, mais aussi au sens où, en cachant, elle protège. » (Les prochains Titans, Ernst Jünger). On qualifie également Heimdall de Kunnigr (=Savant), Rammr (=Tenace), Rqskr (=Vigoureux), Hallinskidi (=Celui qui a des cornes de bélier) ou encore Gullintanni (=Dents d’or, les dents du dieu étant en or). Heimdall est le dieu de la Lumière et lorganisateur de la société humaine à laquelle il donne ses lois. On dit de Heimdall qu’il a l’ouïe tellement fine, qu’il entend pousser la laine sur le dos des moutons et l’herbe pousser dans les prés. En outre, sa vue est extrêmement perçante : il voit à cent lieues, de jour comme de nuit. Qui plus est, il n’a pratiquement aucun besoin de sommeil, autant de qualités qui en font un gardien émérite. Heimdall est donc le gardien vigilant d’Asgard et le héraut du Ragnarök, la bataille suprême durant laquelle les dieux de ce cycle temporel périront et qui ouvrira la voie à un nouvel Âge d’Or. A noter encore que, dans l’anatomie humaine, la tête est désignée par l’expression l’ « Epée de Heimdall ». Heimdall est un dieu étrange et mystérieux dont on connaît peu de choses, même son lignage est incertain et on ne sait même pas sil appartient à la catégorie des dieux Ases ou des dieux Vanes.

 

2. L’Enfant de Neuf Vierges.

 

Même sil est parfois dit « fils dOdin », Heimdall apparaît surtout comme l « Enfant de neuf vierges ». Il a effectivement neuf mères, des géantes vierges, toutes sœurs et elles-mêmes filles de neuf sœurs. La conception du dieu naurait impliqué aucune intervention masculine, alors que ses mères, elles, sont au nombre de neuf. Ces neuf vierges, que certaines sources assimilent à des vagues de la mer ou encore à des fées ou à des muses, ont pour nom Gialp (=Mugissante), Greip (=Tour de main), Eistla (=Tumultueuse), Eyrgiafa (=Dispensatrice de sable), Ulfrrun (=Rune du loup), Angeyia (=Île étroite), Imd (=la Grise louve), Atla (=Querelleuse) et Iarnsaxa (=Celle qui a un couteau de fer). Cest ce que rapporte la Voluspa Brève dans lHyndluliod, soit le « Lai de Hyndla. »

 

3. Le pont Bifrost

 

Heimdall garde le pont Bifrost (=le Pont de larc-en-ciel, le « Chemin coloré », mais également le « Chemin trompeur » ou l « Endroit faible »). Ce pont mène à Asgard, la résidence des dieux, et Heimdall, dont la demeure nommée Himinbiorg (=Château ou Montagnes du ciel), est située à lextrémité du Ciel et à proximité de la tête du pont Bifrost, le défend contre les attaques des Géants. Seul un homme parvint à franchir ce pont menant vers les dieux. Il portait le nom de Gylfi. Bifrost, que lon nomme également Asbru, est situé à proximité de larbre Ygdrasill et de la source dUrd ou Urdarbrunn. Bifrost sera détruit lors du Raganarök (ou Crépuscule des dieux), lorsque Surt à lépée flamboyante, menant larmée de Muspelheim, tentera den forcer le passage.

 

4. Giallarhorn, la « Corne bruyante ».

 

Lorsquun danger se présente ou pour annoncer la venue des dieux au Valhalla, Heimdall, dont le cheval porte le nom de Gulltop (=Toupet dOr), souffle dans sa corne dalarme à laquelle on donne le nom de Giallar ou de Giallarhorn (=la Corne bruyante). Cette corne, Heimdall la placée sous la racine dYgdrasill et au moment du Ragnarök, il lutilisera pour appeler les dieux Ases à leur dernière assemblée avant la grande bataille finale.

 

5. Heimdall contre Loki.

Loki est torturé par le venin d'un serpent qui le touche lorsque sa femme Sigyn ne peut le recueillir. Ses soubresauts de douleurs sont les tremblements de terre (par Mårten Eskil Winge, 1890)



 

Au cours du Ragnarök, Heimdall et Loki, fils de Farbauti, saffronteront en combat singulier et finiront par sentre-tuer. De fait, Heimdall représente le principe de la Lumière et Loki, le principe des Ténèbres. De cet épisode mythique nous ne possédons toutefois que peu de traces, à lexception dune strophe importante dans laquelle il est question des deux dieux et qui fut composée vers lan mil par un poète islandais nommé Ulf Uggason.

 

Cette strophe « est tirée de la Husdrapa, poème dont Snorri affirme quon y trouvait des longs développements sur les querelles qui opposèrent ces dieux, mais dont ne nous sont parvenus que ces vers cryptiques :

Le fameux gardien des routes des dieux, éminent par sa sagesse,

Partit vers Singastein avec le fils rusé de Farbauti.

Cet esprit puissant, enfant de huit mères plus une,

Sappropria le premier le brillant hafnyra. » (R. I. Page)

 

On reconnaît Heimdall dans le « fameux gardien » et Loki dans le « fils rusé de Farbauti ». « Singastein » et « hafnyra » nous apparaissent plus mystérieux. « Snorri propose néanmoins un élément de réponse dans ses Skaldskaparmal, où lon peut lire : « Heimdall compta parmi les visteurs de [] Singastein. Ce fut en cette occasion quil disputa le Brisingamen à Loki []. Ils sétaient travestis en phoques. » (R. I. Page) Les déguisements ou métamorphoses en phoques donnent à penser que Singastein est un îlot rocheux perdu au milieu de locéan. En outre, le Birsingamen est un collier dor très précieux ayant appartenu à la déesse Freyia. Ce joyau aurait été fabriqué par quatre nains et pour le posséder, la déesse navait pas hésité à coucher avec eux. Toutefois, on ne voit pas le lien avec le « hafnyra » que lon qualifie de brillant, certes, mais dont le nom (= « reins de la mer ») ne semble avoir aucune relation avec le collier susmentionné.

 

6. Le Chant de Rig.

 

Heimdall aurait parcouru le monde sous le nom de Rig, afin de ne pas dévoiler sa véritable identité, « il est dit dans les histoires anciennes que lun des Ases, celui qui se nomme Heimdall, fit un jour un voyage. Il chemina jusquà quelque rivage puis atteignit une ferme où il déclara sappeler Rig. Or un poème a été composé sur cette histoire » (passage en prose qui introduit les strophes de la Rigsthula, cité par R. I. Page). Il sagit du « Chant de Rig » ou Rigsmal, également nommé Rigsthula, texte dont la version la plus ancienne nous est connue par un manuscrit de lEdda de Snorri. Au cours de son voyage, Heimdall rencontra trois couples. Le premier couple, Bisaïeul et Bisaïeule, le reçoive et le dieu passe trois nuits avec lépouse qui lui donnera un enfant que lon nommera « Esclave. » Il sera fait de même lors de la rencontre avec Aïeul et Aïeule, le fils engendré recevant le nom de « Paysan libre. » Quant à la rencontre de Heimdall avec le troisième couple, Père et Mère, il en résultera la naissance, dans les mêmes circonstances, dun fils nommé « Noble. » Heimdall restera avec lui pour léduquer jusquà ce quil devienne roi et crée le Rigsthula, à savoir la Loi qui régit la société nordique. Heimdall apparaît ici clairement dans son rôle dorganisateur de la société humaine, de créateur des classes sociales et de législateur. Le nom de Rig serait à mettre en rapport avec le vieil irlandais rig qui signifie « roi » (rix en gaulois, rex en latin), la Rigsthula traitant elle-même, notamment, des origines de la royauté, comme nous venons de le voir.

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 19 février 2010.

 

Sources : Dictionnaire de mythologie et de symbolique nordique et germanique, Robert-Jacques Thibaud, Dervy, 1997 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Mythes nordiques, R. I. Page, Seuil, 1993.

 

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16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 19:23

1. La déesse Sarasvatî.

sarasvati

 

Le nom de Sararasvatî (ou Saraswatî, Saraswathî) signifie « Qui est comme leau » ou « Celle qui porte les flots ». Dans la tradition védique (Inde), c’est l’un des noms de la Mère Divine.

 

Sarasvatî est aussi la déesse de la Connaissance et de la Parole, de même que la protectrice des Arts et des Sciences. Dans ce rôle, on la nomme aussi Bhârâthî. Elle peut également être identifiée à la déesse Vâc (=parole ou voix ; pron. « vatch »). On peut déceler en elle une fusion du Mouvement et du Son, les deux tressaillements annonciateurs de la Création du Monde : « La parole est la force par laquelle le savoir s’exprime dans l’action » (A. Daniélou). Dans le Rig-Veda, Sarasvatî est considérée comme la « purificatrice et l’origine des doux mots de vérité, l’inspiratrice des nobles pensées. »

 

Sarasvatî apparaît donc comme la maîtresse du Verbe, celle qui enseigne ce que les Rishis (au nombre de sept, les Rishis sont d’anciens Sages qui, en état de méditation profonde, entendirent les hymnes du Véda primordial, émanés du Brahman) ont entendu, vu, appréhendé, à savoir le Véda primordial. On attribua plus tardivement à Sarasvatî la maternité de la langue sanskrite, de l’écriture des dieux (devanâgari) et de tous les arts.

 

Sœur de Lakshmî et épouse de Brahma, on fait aussi parfois de Sarasvatî l’épouse de Vishnu, aux côtés de Lakshmî et Gangâ. Mais considérant que l’entretien de trois épouses jalouses constituait décidément trop d’effort, Vishnu fit don à Brahma de Sarasvatî et de Gangâ à Shiva, ne gardant que Lakshmî. On retrouve là la trimurti (triade) traditionnelle réunissant Brahma le Créateur, Vishnu le Continuateur (celui qui préserve) et Shiva le Destructeur (la destruction devant permettre l’avènement d’une nouvelle création, selon la loi du cycle). Sarasvatî est aussi parfois confondue avec Samdhyâ, la jeune femme issue de Brahma dont celui-ci tombera amoureux.

 

Peu vénérée dans les temples, Sarasvatî est toutefois célébrée tous les ans par la population indienne à l’occasion du Saraswathi Pooja (Navarithiri). A cette occasion, l’on demande à la déesse plein succès pour l’année future.

 

Sarasvatî est représentée assise (parfois en lotus), vêtue sobrement d’un sari blanc, tenant un livre sacré –les Védas-, de même qu’un rosaire, et jouant d’un instrument à corde que l’on nomme vina. Un cygne ou un paon lui sert de monture.

 

2. Le fleuve Sarasvatî.

 

Dans les hymnes du Rig-Veda, le nom de Sarasvatî désigne d’abord un fleuve. Ce n’est qu’ultérieurement qu’elle deviendra la déesse que nous venons de présenter.

 

Bien avant larrivée en Inde des premiers Indo-Européens et antérieurement à leur conquête des rives du Gange donc, la Sarasvatî était considérée comme le seul fleuve céleste, à la fois fleuve et symbole divin des eaux fécondatrices. Cest sur ses rives que se tenaient les cérémonies et que lon faisait les sacrifices.

 

On serait toutefois bien en peine de retrouver aujourd’hui le tracé de ce fleuve dont les eaux, dit-on, se seraient perdues dans les sables du Râjasthân. On suppose parfois que ce cours pourrait correspondre à celui de l’actuelle Sarsutî, mais cette identification est loin d’être certaine. La Sarasvatî garde donc intact tout son mystère.

 

Selon la légende, elle aurait pris naissance dans les piémonts de lHimalaya, dans les monts Sivalik, pour se perdre ensuite, prétend le Mahâbhârata, quelque part dans les sables du grand désert indien en un endroit appelé Vinâsana. Plusieurs rivières actuelles pourraient, en outre, correspondre à cette antique Sarasvatî. Elles se rejoignent lors des crues et forment un large fleuve appelé Ghaggar. Une légende la fait ressortir, invisible, du sol et se jeter dans le Gange près de Vârânasî. En effet, les Indo-Européens poursuivirent leur avancée vers lest, et ils transférèrent bientôt la divinité de Sarasvatî sur le Gange ou Gangâ. Ainsi est-il dit aussi que la grande sainteté du Gange lui viendrait du fait que ses eaux iraient périodiquement se purifier dans celles de la Sarasvatî. Une autre légende fait renaître la Sarasvatî du lac de Pushkara. On dit encore que le confluent sacré Prayâga est constitué du Gange, de la Yamunâ et de la Sarasvatî, désormais invisible.

 

La Sarasvatî, divinisée, sera ensuite, comme nous l’avons dit, associée à Vâc, la divinité de la Parole et du Son Primordial, ainsi qu’au Veda. Sarasvatî n’en devint dès lors que plus sacrée.

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 16 février 2010.

 

 

Sources : Guide des religions, Dauphin, 1981 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / Le Vedisme. Léveil de la spiritualité indienne. Bernard Baudouin. Editions de Vecchi, 1997 / LInde mystique et légendaire. Louis Frederic. Editions du Rocher, 1994.

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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 20:21

1. Faunus : du dieu Pan au Diable du christianisme.

Faunus

Ce dieu italique est lune des plus anciennes divinités de la religion romaine. On lidentifia au dieu Pan après lhellénisation systématique des dieux romains. Cest ainsi que Faunus finit par apparaître sous un aspect semblable à celui de Pan : cornes au front et pied de chèvre, forme sous laquelle le Diable est lui-même le plus souvent représenté dans l’imagerie populaire chrétienne. De fait, le christianisme vit en Faunus une divinité sombre et mystérieuse autour de laquelle était déployé jadis un rituel terrifiant. Il est dit aussi que Faunus effraie parfois les humains et quil prend alors le nom dIncubis, soit le nom du Cauchemar qui fut par la suite assimilé aux démons incubes, pendant masculins des démons succubes. Faunus ne tentât-il pas de ravir la compagne lydienne dHercule ? Hélas pour le dieu cornu, le héros et sa compagne avaient, ce soir-là, échangé leurs vêtements Cest également à Faunus que les Romains attribuaient, dit-on, les angoisses soudaines, les terreurs paniques et toutes les formes de fantômes qui sèment lépouvante parmi les hommes.

 

2. Les origines de Faunus.

Faunus

Faunus est le fils de Picus et le petit-fils de Saturne. Son épouse porte le nom de Fauna, considérée par les Romains comme la mère du dieu Latinus (Faunus étant désigné par Virgile comme roi du Latium et père de Latinus), un des rois légendaires du Latium. Faunus est un dieu familier des bois, mais également des plaines cultivées et des eaux vives. Il protège les cultures et veille sur les troupeaux. Personnification de la puissance génératrice, Faunus apparaît comme un père de lagriculture. A lexemple du Zeus de Dodone, il rend également des oracles en faisant bruisser les arbres et apparaît dans ce rôle sous le nom de Fatuus. Loracle de Tibur (aujourdhui, Tivoli), près de la source Albunée, était particulièrement renommé. Faunus passe aussi pour être linitiateur au culte des dieux et comme l’inventeur des vers saturniens. Avant quil prenne lapparence de Pan, Faunus était généralement représenté sous les traits d’un être barbu, vêtu dune peau de chèvre, tenant à la main, soit une massue, attribut typique des gardiens de bétail, soit la corne dabondance, du fait de sa fonction de fertilisateur.

 

3. Des Lupercales au commerce des cœurs en passant par la Saint-Valentin.

 

3.1. Les Lupercales.

Le 15 février était célébrée la fête de Faunus, également nommée fête des Lupercales. Ce nom vient dune ancienne divinité italique nommée Lupercus qui fut assimilée par les Romains à Faunus, puis à Pan. Lupercus était également un ami des bergers et un protecteur des troupeaux contre les loups. La fête des Lupercales marque le renouveau de la Nature et le retour prochain du Printemps. Au cours de cette fête, après le sacrifice de chèvres, de boucs et dun chien, se déroulait la « Course des Luperques » au cours de laquelle des jeunes gens à demi-nus, seulement vêtus de la peau des ovins sacrifiés, se répandaient dans la ville en riant et en buvant. Ils frappaient les spectatrices avec des lanières de cuir, les coups étant supposés apporter la fertilité, faciliter la montée du lait, de même que l’accouchement. Avant le banquet, toutes les jeunes filles de la ville déposaient un morceau de parchemin sur lequel était écrit leur nom dans une grande urne. Ensuite, les jeunes Romains tiraient au sort le nom de celle qui devrait rester avec lui durant toute la durée du banquet.

 

3.2. La Saint-Valentin.

 

Le pape Gelase Ier fit abolir les Lupercales vers 498 et les fit remplacer par la fête de saint Valentin, instituée à la date du 14 février, soit un jour avant les Lupercales qui figurent ainsi parmi les derniers rites païens à avoir été célébrés dans lOccident latin. Il semble que l’on retrouva toutefois longtemps la trace des Lupercales dans la Saint-Valentin chrétienne qui, à l’origine, n’était pas associée à l’amour romantique mais bien à l’amour physique. De fait, la Saint-Valentin semble avoir gardé longtemps sa signification préchrétienne, à savoir l’union des jeunes célibataires. Quoique l’on puisse en dire, il ne semble exister, à l’origine, aucun lien entre l’amour (courtois ou physique…) et les trois saints Valentin connus, à savoir : (1) un prêtre qui aurait souffert le martyre à Rome dans la seconde moitié du 3ème s. et qui aurait été enterré sur la Via Flaminia ; (2) un évêque de Terni qui aurait subi exactement le même sort, à la même époque ; (3) un autre martyr d’Afrique du nord dont on ne sait pratiquement rien. La fête de saint Valentin n’a été instituée que pour effacer la mémoire de Faunus et des Lupercales, tout comme ont été institués la Toussaint (1er novembre, en remplacement de la Samain celtique), la Sainte-Brigitte de Kildare (1er février, en remplacement de l’Imbolc celtique), Noël (25 décembre, en remplacement de la fête de Mithra), etc. L’établissement de la première relation de la Saint-Valentin avec l’amour courtois semble remonter à l’Angleterre du 14ème s. : la veille de son martyre, saint Valentin aurait fait parvenir un message d’amour à la fille de son geôlier ; alors que, sous l’empereur Claude II, les mariages étaient interdits, pour les soldats romains, durant une période déterminée, Valentin organisait des mariages clandestins. Légendes que tout cela, bien évidemment, l’association de la Saint-Valentin avec la date du 14 février ayant été décidée arbitrairement pour les raisons déjà citées. Au cours du Moyen Âge, la coutume de la Saint-Valentin courtoise se répandit dans l’ensemble de l’Occident chrétien.

 

3.3. Le commerce des cœurs.

 

Aujourd’hui, comme la Samain-Toussaint devenue l’Halloween des friandises et des masques made in China, comme les fêtes de Mithra et de la Nativité devenues la Noël de la dinde, des achats festifs et du Père Noël revêtu des couleurs rouge et blanche de la Coca-Cola company, la Saint-Valentin est devenue l’occasion de promouvoir le commerce en utilisant le principe de la culpabilisation : « si tu m’aimes vraiment, achète-moi ceci ou invite-moi là ! » Certains tentent bien d’établir une relation bien hypothétique entre l’expédition des cartes de Saint-Valentin et les morceaux de parchemin déposés dans une urne par les jeunes filles romaines, lors des Lupercales, mais bien rares sont ceux qui, parmi les païens ou les chrétiens, pourraient aujourd’hui se reconnaître dans cette Saint-Valentin instituée par les nouveaux marchands du Temple.

 

 

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 11 février 2010.

 

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003 / Encyclopédie de la mythologie, Editions Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, marabout, 1998 / Le Charivari, Henri Rey-Flaud, Payot, 1985 (p.23).

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