1. Ptah l’Orfèvre.
L’origine du nom du dieu égyptien Ptah (ou Phtah) est incertaine, peut-être a-t-elle un rapport avec le verbe « modeler ». On le nomme aussi « Disque solaire qui resplendit », « Brillant qui entretient la vie des dieux », « Seigneur de la Lumière », « Celui qui organise les Rivages », « Celui qui donne forme », « Celui qui fait germer les minéraux dans le ventre de la Terre », « Celui qui écoute les prières ». On dit aussi de Ptah qu’il est issu et partie intégrante de Noun primordial dont il fit jaillir l’œuf cosmique (à moins qu’il ne soit lui-même celui-ci), d’où sortirent la lumière et le soleil. Métaphoriquement, Ptah, en tant que démiurge, fut, tout naturellement, considéré comme l’inventeur des techniques artisanales et comme le dieu des artisans, son rôle de créateur pouvant s’apparenter au travail d’un orfèvre, d’un sculpteur ou d’un potier assis devant un tour. Ainsi, le Grand Prêtre de Ptah fut-il nommé le « Doyen des Artistes » ou encore le « Chef des Artistes ».
2. Un ancêtre du « Sacré-Cœur » ?
Durant la période prédynastique, le dieu Ptah était vénéré dans un bourg situé à la frontière de la Basse et de la Haute Egypte qui allait ultérieurement être englobé dans Memphis, capitale de l’Ancien Empire (-2980 / -2000). A Memphis, Ptah, soutenu par un clergé puissant, devint un dieu de premier plan et remplaça Atoum dans le rôle de démiurge créateur de tout.
Afin de ne pas froisser les sectateurs héliopolitains d’Atoum, le clergé de Memphis décréta que la main et la semence d’Atoum, qui avait créé par masturbation l’Ennéade (=groupe de neuf divinités) à l’origine du monde, étaient identifiables aux dents et aux lèvres de Ptah, c’est-à-dire sa parole qui vient du cœur, son Verbe créateur ou Logos. C’est pour cette raison qu’on attribua comme hiéroglyphe à ce dieu, Nefer, qui représente un cœur surmonté de la trachée-artère, une représentation qui précéda donc le « Sacré-Cœur » des chrétiens.
3. Des trinités préchrétiennes.
Malgré la montée en puissance d’Amon et de Rê, Ptah ne sera toutefois jamais totalement éclipsé par ces deux divinités. Au Nouvel Empire (-1580 / -1090), des pharaons voulurent même rétablir Ptah au premier rang des dieux, et ce afin d’affaiblir le trop puissant clergé d’Amon. C’est ainsi qu’Aménophis III nomma son fils, le futur Akhénaton, grand-prêtre de Ptah à Memphis. Sous le règne de Toutankhamon, Ptah est réuni à Amon et à Rê dans une triade divine. Dans un hymne dédié à Amon, il est notamment dit que tous les « dieux sont trois », « son nom est caché en Amon, il est perçu en Rê et son corps est Ptah » (Blottière) Cela n’est pas sans rappeler aussi les triades que l’on retrouve dans la tradition de l’hindouisme, dont la trimurti qui réunit Brahma, Vishnu et Shiva. Cette conception d’une trinité exprimant l’Unique est, effectivement, bien antérieure au christianisme. Ptah forma d’ailleurs d’autres triades, celle de Ptah-Sokar-Osiris, sous l’aspect d’une divinité funéraire à tête de faucon ou encore, au Nouvel Empire, celle de Ptah-Sekhmet-Néfertoum, qui devait précéder dans ce rôle Osiris, Isis et Horus.
4. Ptah, père de Ramsès II.
Ramsès II fit graver sur des stèles, dont l’une à Abou Simbel, des textes où Ptah se proclamait père de ce pharaon. Quant au quatrième fils de Ramsès II, Khaemwaset, il fut confié au clergé de Memphis et devint prêtre de Ptah à l’âge de vingt ans. C’est Khaemwaset qui fit bâtir à Memphis un nouveau temple dédié à Apis qui incarne le dieu Ptah sur terre. Il fit aussi agrandir la nécropole des animaux sacrés et s’y fit enterrer à l’endroit où Mariette découvrit son tombeau en 1852.
5. Visualisation.
On représente Ptah sous l’aspect d’un homme habillé d’un vêtement de lin blanc extrêmement serrant qui lui donne l’allure d’une momie, à l’exemple d’Osiris. Son crâne est rasé ou coiffé d’un couvre-chef qui épouse ses formes. Son menton est prolongé par une barbe postiche droite comparable à celle des rois. Il porte parfois un large collier. Dans ses deux mains qui émergent du vêtement, il tient le sceptre ouas (ou encore, un fouet) et un objet appelé dejd, qui ressemble à un pilier et serait un fétiche d’origine très ancienne. C’est un symbole de stabilité et de longévité. A la Basse-Epoque (-663 / -30), on représentait aussi Ptah sous la forme d’un enfant nain, grotesque et nu, parfois doté d’un sexe en érection (ce qui n’est pas sans rappeler le Priape grec et ithyphallique). Ce Ptah était également porté en amulette protectrice contre les démons, les maladies et les animaux venimeux.
6. A savoir également.
6.1. Un temple de Memphis était dédié à Ptah, comme nous l’avons dit, mais on le fêtait aussi annuellement à Esna, en même temps que le dieu Khnoum.
6.2. Les Grecs ont identifié Ptah à Héphaïstos.
6.3. Ptah est représenté dans le temple de la naissance de l’enfant dieu Harsomtous de Denderah, qui fut bâti sous Trajan entre les 1er et 2ème siècles de l’ère chrétienne. De fait, Ptah fut adoré jusqu’à l’époque romaine. Les Romains virent en lui un Vulcain.
Eric TIMMERMANS
Bruxelles, le 25 mars 2010.
Sources : Dictionnaire de mythologie et de symbolique égyptienne, Robert-Jacques Thibaud, Dervy, 1997 / Dictionnaire historique de l’Egypte, Pierre Norma, Maxi-Poche Histoire, 2003 / Dieux et déesses de l’ancienne Egypte, Bernard Van Rinsveld, Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (MRAH), 1994 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998 / Petit dictionnaire des dieux égyptiens, Alain Blottière, Zulma, 2000.