1. Apollon, dieu solaire de la Grèce.
Apollon (Apollyon, en grec) est l’un des dieux les plus influents de l’Antiquité. Selon certaines traditions, il était primitivement le dieu du Soleil, selon d’autres, le titre de Phébus-Apollon (en grec : Phoïbos, « brillant »), ne lui fut attribué que vers le 6e s. avant l’ère chrétienne. A Rome, le dieu Sol fut assimilé à Apollon, le culte de ce dieu y était donc célébré sous le nom de Phébus-Apollon. Lumineux, Apollon est le dieu aimable, le dieu du « Bien » et du « Beau », celui qui vient en aide à l’homme en péril, celui qui soulage les consciences chargées et donne le repos, celui qui dissipe les ténèbres et aide à distinguer le Vrai du Faux. Sous cet aspect lumineux, Apollon incarne également la Jeunesse, la Sagesse, le Raisonnement, la Pensée et la Méditation. Il est aussi Celui qui forme la personnalité. Dieu du Beau, Apollon est aussi, sous son aspect de Musagète, le dieu des Arts, et notamment de la Musique et de la Poésie. Il est le « Conducteur des Muses ».
2. Apollon, un dieu terrible.
Dieu solaire et lumineux, Apollon possède également un aspect obscur et terrible. Il est alors Destructeur et sème la Mort. Il apparaît comme le dieu du châtiment foudroyant et toutes les morts subites passent pour résulter de ses traits vengeurs. Il peut condamner l’humanité à une morte lente et horrible, en lui envoyant la peste. Dans l’Iliade, il est dit que ce sont les flèches d’Apollon qui provoquent l’épidémie de peste dans le camp grec, de même que la dispute fatale qui s’en suivit entre Agamemnon et Achille. Dieu terrible, Apollon punit et frappe les téméraires et les orgueilleux.
3. Les origines d’Apollon.
Apollon naquit dans l’île aride d’Ortygie (la future Délos), des amours de Léto (Latone, pour les Romains) et de Zeus. De cette union naquit également Artémis, sœur jumelle d’Apollon. Léto/Latone est la fille du Titan Coeos et de la Titanide Phoibê. Elle trouva refuge dans l’île d’Ortygie afin d’échapper à la jalousie d’Héra, l’épouse légitime de Zeus, qui envoya contre elle le serpent Python. C’est dans cette île qu’après un accouchement long et difficile (Héra et Illythie ayant refusé d’aider à la délivrer), Léto mit au monde Apollon et Artémis. Léto souffrit donc neuf jours et neuf nuits les douleurs de l’enfantement et ne mit finalement au monde ses deux enfants qu’après l’arrivée d’Illythie, après qu’elle se soit enfin laissé fléchir. Artémis naquit la première et aida sa mère à accoucher d’Apollon. A ce moment, l’île d’Ortygie fut fixée au fond de la mer par quatre colonnes et la végétation perça son sol aride. C’est alors (ou au moment où Apollon et Artémis quittèrent l’île) qu’Ortygie prit le nom de Délos (=la Brillante, Celle qui apparaît dans la lumière). Elle devint l’une des plus célèbres et des plus fertiles îles des Cyclades. A sa naissance, à laquelle tous les dieux assistèrent, à l’exception d’Héra, Apollon reçut de Zeus une mitre d’or et un char attelé de cygnes. De Zeus, il reçut en outre, de même que sa sœur, un arc et des flèches fabriqués spécialement pour eux par Héphaïstos.
4. L’enfance d’Apollon et le départ de Délos.
Apollon eut comme nourrice la déesse Thémis qui le nourrit de nectar, grâce à quoi, en quelques jours seulement, il atteignit l’âge de l’adolescence. Durant cette période, Apollon construisit un autel au bord du lace de Délos, à l’aide des cornes concassées des chèvres tuées par sa sœur sur le mont Cynthe. Arrivés à maturité, Apollon et Artémis, équipés de leurs armes, quittèrent l’île où ils étaient nés. Ils prirent la route du pays des Hyperboréens où ils séjournèrent un an. Ils partirent ensuite pour la région du mont Parnasse, le pays de Delphes, où débutera vraiment la légende d’Apollon.
5. Le meurtre de Python et l’oracle de Delphes.
Apollon partit à la recherche du serpent Python qui avait persécuté sa mère et qui vivait dans une caverne du mont Parnasse. Lorsqu’il eut tué Python, Apollon, toujours accompagné d’Artémis, dut s’exiler à proximité du mont Olympe, dans la vallée de Tempé, où coule un fleuve purificateur. Là, Apollon put se purifier du meurtre de Python. Le dieu revint ensuite à Delphes en empruntant une « voie sacrée » qui sera suivie plus tard par les processions, à l’occasion de la fête de Septeria, célébrée tous les neuf ans en souvenir du meurtre de Python par Apollon. En outre, afin de se réconcilier avec Gaïa, mère de Python, Apollon institua les Jeux Pythiques, cérémonies sportives et religieuses données en l’honneur du serpent défunt. Par la suite, il fit revivre l’ancien oracle qu’il confia à une prêtresse. Celle-ci prit le nom devenu célèbre de « Pythie de Delphes ». Apollon apparaît également comme le dieu de la Divination et des Prophéties. C’est en son nom que parle la « Pythie de Delphes », de même que les Sibylles qui pratiquaient la prophétie par les songes, la plus célèbre d’entre elles étant Manto. Et voici comment Apollon trouva ses prêtres. Le dieu prit la forme d’un dauphin et rejoignit sous cette forme un bateau crétois qui croisait au large. Il indiqua à l’équipage le plus court chemin pour atteindre le rivage. Les hommes ayant accosté, Apollon reprit son apparence divine, initia les voyageurs aux secrets divins et en fit ses prêtres. C’est ainsi que le nom de Delphes fut donné au sanctuaire en référence au nom grec du dauphin, delphis. On vint consulter l’oracle de Delphes jusqu’à l’époque romaine.
6. Admète, architecte de Delphes.
Lorsqu’il eut construit le temple de Delphes, Admète, l’un des plus célèbres architectes légendaires de la Grèce antique, reçut d’Apollon cette consigne : se livrer six jours durant à la joie de vivre. Au septième jour il serait récompensé par le dieu qui lui accorderait la Mort. Celle-ci, dit Apollon, est le plus grand bienfait qui put être offert à un mortel.
7. Cassandre, Castalie et les autres conquêtes d’Apollon.
Cassandre, la fille de Priam, le roi de Troie, se fit initier par Apollon à l’art de la divination, en échange de la promesse qu’elle se donnerait à lui. Mais après avoir obtenu le don en question, Cassandre se refusa au dieu. Pour la punir de ce parjure, Apollon lui jeta un sort : personne, jamais, ne croirait ses prédictions. Une jeune fille, nommée Castalie, à laquelle Apollon faisait une cour pressante, se jeta dans une rivière et se transforma en source. Cette source, on peut encore la voir aujourd’hui à Delphes. Elle porte toujours le nom de Castalie et est réputée donner l’inspiration aux poètes. Les conquêtes féminines d’Apollon sont innombrables. Il aima des mortelles, des nymphes (Cyrène, Daphné, Clytia, Chioné, Hyrie…), de même que quelques jeunes éphèbes. Retenons encore qu’Apollon séduisit Coronis, fille du roi des Lapithes Phlégias, alors qu’elle prenait son bain dans un lac de Thessalie. De leur union naquit le dieu de la médecine Asclépios.
8. Apollon : temples et sites sacrés.
Outre Ortygie-Délos, lieu de sa naissance, et Delphes, où son oracle révéla souvent les volontés divines aux prêtres qui les interprétaient, Apollon était invoqué dans de nombreuses cités. Nous retiendrons Abae, en Phocide ; Acraephia ; Andesina (actuellement Grand, dans les Vosges, localité française qui tire son nom d’un aspect de l’Apollon : Grannos ; Andesina était extrêmement renommé dans tout le monde romain et tenu pour un des plus beaux sanctuaires existants ; Caracalla et Constantin Ier vinrent s’y soumettre à des incubations, dans l’espoir d’y recevoir en songe les oracles du dieu Apollon Grannos ; plusieurs documents, dont des tablettes zodiacales, attestent les pratiques oraculaires qui s’y déroulaient); Bassae ; Claros, près de Colophon ; l’île de Lemnos (au Solstice d’été, tous les feux devaient être éteints, huit jours avant d’être rallumés exclusivement par le feu rapporté par le vaisseau sacré de Délos, où il avait été recueilli sur l’autel d’Apollon) ; Milet (les Branchides) ; Thèbes ; Troie, dont Apollon, selon la tradition, aida Poséidon à construire les murs.
9. Apollon, esclave de Laomédon.
Voici comment Apollon et Poséidon en vinrent à construire les murs de Troie. Apollon fut momentanément chassé de l’Olympe par Zeus, avec son oncle Poséidon, pour avoir participé à un complot organisé par Héra qui, lassée des infidélités de son époux volage, avait décidé de l’enchainer pour l’empêcher de courir les femmes par ciel et terre ! Suite à cet événement, Zeus, furieux, exila Apollon et Poséidon sur la terre, comme esclaves d’un mortel nommé Laomédon, le roi de Troie. Poséidon construisit les murs de la ville, pendant qu’Apollon en gardait les troupeaux. Mais lorsqu’ils eurent terminé leurs tâches respectives, Laomédon refusa de payer ses divins serviteurs et menaça même de leur couper les oreilles comme à n’importe quel autre esclave révolté ! Aussi, les dieux recouvrèrent-ils immédiatement leur puissance et leur apparence véritables, avant de provoquer des cataclysmes qui frappèrent tout le pays de Troie. Un monstre dévasta la région tandis que la peste s’abattait sur ses habitants. Seul Héraklès put libérer Troie de ces terribles calamités.
10. Les multiples noms d’Apollon.
-Actios (ou Actius) : le nom est expliqué au point 11.
-Agyieus : on a donné ce nom à Apollon parce qu’à l’origine on donnait au dieu la forme d’un pilier conique. Les statues d’Apollon ont ensuite conservé cette forme.
-Alexikakos : le Secourable, le Chasseur des calamités.
-Argurotoxos : le Dieu à l’Arc d’Argent.
-Chrysocome : le Dieu de l’Aurore.
-Citharède : le Joueur de Cithare.
-Hecatebolos : « Celui qui frappe loin ». Référence aux traits vengeurs que lance le dieu. Ils peuvent causer la mort subite et sont comparés aux rayons du soleil. Ils peuvent également provoquer la guérison.
-Iatromantis : le Devin Médecin.
-Lycien : en tant que gardien des troupeaux, le dieu est nommé Apollon Lycien, c’est-à-dire protecteur des troupeaux contre les loups (lycos = loup). Nous avons vu Apollon tenir ce rôle dans l’histoire du roi Laomédon. C’est également lorsqu’il gardait des troupeaux qu’il fit la rencontre du jeune dieu Hermès. Celui-ci s’empara d’une partie des animaux que gardait Apollon. Après l’avoir retrouvé et s’être mis brièvement en colère contre le jeune dieu, Apollon fut charmé par les sons qui s’échappaient d’un nouvel instrument de musique dont Hermès venait de faire l’invention : la lyre. Voilà comment les deux dieux devinrent amis.
-Musagète : conducteur des Muses.
-Parnopius : le Protecteur contre les insectes et particulièrement, contre les sauterelles. Sous cet aspect Apollon avait pour emblème une cigale d’or, cet insecte ne se manifestant que lorsque les rayons du soleil sont particulièrement chauds.
-Phoibos : le Brillant, le Doré.
-Pythios : le Tueur du serpent Python, le Vainqueur du Dragon.
-Sauroctone : le Tueur de Lézards.
-Sminthée (ou Sminthien) : l’Exterminateur de Rongeurs (rats, souris). En Asie mineure, en tant que divinité solaire, Apollon faisait murir le blé et les premières récoltes lui étaient consacrées. En tant que dieu agraire, on l’invoquait logiquement pour protéger les récoltes des rongeurs, tant contre les rats que contre les souris. Or, la souris était l’animal symbole du dieu cananéen Esmun, dont dérive le nom de Sminthée (Smin-thée = dieu Esmun).
-Sôter : le Sauveur.
-Xanthos : le Dieu Blond.
11. Apollon en Italie.
Apollon est notamment connu, nous l’avons dit, sous le nom d’Actios. Au lendemain de la bataille d’Actium, un temple fut élevé sur le Palatin par l’empereur Auguste, en l’honneur d’Apollon Actius. En Italie, le culte d’Apollon était primitivement populaire chez les Etrusques, puis se répandit chez les Romains, surtout après la bataille d’Actium (2 septembre de l’année 31 avant l’ère chrétienne), qui est situé non-loin de Corfou. Au cours de cette bataille, Octave, le petit-neveu de Jules César, parvint à vaincre Marc-Antoine et Cléopâtre. L’empereur Auguste considérant qu’il devait sa victoire à Apollon, fit élever en son honneur le temple d’Apollon Actius, centre religieux de l’Acarnanie.
12. A savoir également.
12.1. Thésée, vainqueur du Minotaure, institua les Apollonies dans l’île de Délos. Le premier et le septième jour de chaque mois étaient consacrés à Apollon et au cours des différentes fêtes qui étaient consacrées au dieu, on chantait le paean, un hymne tout particulièrement consacré à Apollon.
12.2. Il peut arriver qu’Apollon soit représenté sous la forme d’un taureau.
12.3. Apollinaris est le nom scientifique de la jusquiame, et en gaulois, cette plante est nommée Belenuntia et renvoie au nom d’un des aspects de l’Apollon celtique, Bélénos.
12.4. Le laurier est l’arbre sacré d’Apollon.
12.5. Dans l’Apocalypse de Jean, le nom d’Abaddon, l’Ange exterminateur, est parfois remplacé par celui d’Apollyon, qui n’est autre que le nom du grand dieu grec. La volonté chrétienne de discréditer le grand dieu solaire en l’assimilant à l’Ange de la Mort est évidente.
13. Visualisation.
13.1. Sur une ancienne céramique grecque du 7e siècle avant l’ère chrétienne, Apollon est représenté sous l’aspect d’un joueur de lyre. Et sur un plat attique datant de 450 avant l’ère chrétienne, conservé au Musée de Boston, le dieu apparaît également dans son rôle d’inspirateur des Muses. Durant la Renaissance, Apollon sera souvent représenté sous les traits d’Apollon Musagète.
13.2. Sur un plat attique d’environ 490 avant l’ère chrétienne, conservé à Munich, on peut voir Apollon archer (Argurotoxos ou Hecatebolos) accompagné d’Artémis. Durant l’époque médiévale, Apollon sera souvent représenté en archer.
13.3. Dans les sculptures d’environ 500 avant l’ère chrétienne, réalisées dans le style de Phidias, Apollon figure dans le rôle de chasseur des calamités (Alexikakos).
13.4. On connaît un Apollon Sauroctone d’après Praxitèle, datant du 4e siècle avant l’ère chrétienne.
13.5. L’Apollon du Belvédère, à Rome, datant du 4e siècle avant l’ère chrétienne, est considéré comme le plus pur modèle de la culture hellénique.
13.6. La plus célèbre représentation d’Apollon est, sans conteste, le « Colosse de Rhodes », l’une des sept merveilles du monde antique. Il fut exécuté par Charis, élève de Lysippe et sa hauteur était de trente mètres. Cette immense statue servait de phare à l’entrée du port et les bateaux passaient entre ses jambes. Le colosse ne subsista cependant qu’une vingtaine d’années : il fut détruit par un tremblement de terre, environ 300 ans avant l’ère chrétienne.
13.7. Citons encore l’Apollon de Véies, une représentation en terre cuite d’Apollon, mystérieuse et démoniaque ( ?), d’origine étrusque. Elle date du 6e ou du 5e siècle avant l’ère chrétienne.
Eric TIMMERMANS.©
Bruxelles, le 4 janvier 2011.
Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Livre de Poche, 1992 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998.