1. La Mère bienveillante.
Lakshmî est, selon une certaine tradition, la fille de Shiva et de Parvatî, la sœur de Sarasvatî et la parèdre ou shakti (= « puissance », « pouvoir », « énergie ») de Vishnu. Mais on dit aussi de Lakshmî qu’elle est née du Barattage de la Mer de lait et qu’à l’exemple d’Aphrodite, elle naquit de l’écume de l’océan. Elle apparut tenant un lotus dans sa main, alors que les Deva et les Asura barattaient l’Immensité Primordiale liquide que l’on connaît, dans la tradition hindoue, sous le nom de Mer ou d’Océan de lait.
Le nom de Lakshmî se rattache vraisemblablement à la famille étymologique de mots tels que laksha, lakshana, lakshya… qui tous désignent quelque chose de remarquable (ex. : signe distinctif) dans un contexte favorable (ex. : de bon augure). En arithmétique, le terme « laksha » est également utilisé pour « cent mille », ce qui dans le langage courant se traduit par « richesse incalculable ». Voilà pourquoi Lakshmî est également nommée l’ « Immensément Riche ». Lakshmî apparaît donc naturellement comme la déesse de la Prospérité, de la Beauté, de la Fortune, de la Richesse. Elle est la Belle, la Bienveillante, « Celle qui dispense les richesses ».
Déesse lumineuse, Lakshmî est aussi nommée Indirâ, c’est-à-dire la « Brillante ». Ainsi la fête de Lakshmî est-elle Dipavâli, la Fête de la Lumière. Cette fête commémore la victoire de la Lumière sur les Ténèbres.
On dit encore que lorsque, jadis, un roi montait sur le trône, il épousait la Lakshmî de son royaume, c’est-à-dire la Fortune mais aussi et surtout une incarnation divine de la Souveraineté.
2. La protectrice du foyer.
Lakshmî est aussi, à l’exemple de la Nordique Freya, de la Romaine Junon (de même que Fortuna) ou encore de l’Hellénique Héra, la protectrice du foyer domestique, celle qui a pour fonction d’y maintenir l’harmonie. Elle est aussi « Celle qui préside à la fécondité des épouses ». Voilà pourquoi on la nomme aussi Grihalakshmî, la « Déesse de la Maison ». Rappelons toutefois que les déesses brahmaniques ne sont jamais représentées avec des enfants et si on les nomme « mères », ce n’est nullement dans une idée de maternité, mais dans le sens de « femme vénérable ». Lakshmî n’est donc mère que lorsqu’elle s’incarne dans une femme humaine (ex. : Sîtâ donnant deux fils à Râma).
3. La Sainte.
La Sainteté est également un aspect essentiel de la personnalité de Lakshmî. C’est pourquoi on la représente souvent un chapelet ou un livre de prières à la main, ou faisant de la main droite le signe de l’enseignement. Pour ce signe ou mudrâ, le pouce et l’index se rejoignent, formant un cercle ; les autres doigts sont tendus ou légèrement repliés. Sous cet aspect, on donne à Lakshmî le nom de Shrî ( =Sainteté, Fortune, Splendeur). Lakshmî est elle-même vénérée par d’autres dieux, tel que Ganesh, par exemple.
4. L’épouse de Vishnu.
Lakshmi avec Vishnu
On dit de Lakshmî qu’elle est la personnification de la Bonté et de la Miséricorde de Vishnu. Ainsi la nomme-ton aussi Bhagavatî, la « Bienheureuse », terme qui dérive de Bhagavant, l’un des multiples noms de Vishnu. L’on dit parfois que Vishnu avait trois épouses à l’origine : Lakshmî, Gangâ et Sarasvatî, mais qu’il ne conserva en définitive que Lakshmî, les deux autres étant respectivement devenues les épouses de Shiva et de Brahma. Lakshmî renaît sous une forme différente, consubstantielle à chaque “incarnation” (avatâra) de Vishnu. Elle est par exemple Sîtâ (dont le nom signifie le « sillon » et qui, de ce fait, rejoint la fonction de prospérité-fécondité-abondance de Lakshmî, cette fois dans le contexte agricole ; épouse dévouée à son mari, Sîtâ est aussi l’épouse « sainte », ce qui en fait l’incarnation exemplaire de Lakshmî) pour Râma et Rukminî ou Rhada pour Krishna. Lorsque la dixième incarnation de Vishnu se manifestera sous la forme de Kalki, Lakshmî deviendra la déesse de la Destruction. Aussi dit-on que Lakshmî visite tous les samedis sa sœur aînée Nirriti qui est parfois identifiée à Dhumavatî, déesse de la Destruction finale. Contrairement à Kâlî, Lakshmî ne possède pas de temples autonomes. Son rôle d’épouse étant prépondérant, elle est toujours vénérée conjointement à Vishnu.
5. Visualisation.
L’image de Lakshmî doit toujours être la plus belle possible. Ainsi la montre-t-on auréolée de lumière, alors que de l’une de ses mains s’écoulent des pièces d’or et de pierres précieuses. L’attitude qui la figure assise -on la représente aussi debout- sur un trône en forme de lotus, tandis que deux éléphants blancs versent de l’eau sur les fleurs de lotus qu’elle tient à la main est appelée Gaja Lakshmi. Lakshmî porte souvent un lotus dans deux de ses quatre mains. Elle porte un sari rouge. Lakshmî est ainsi nommée Kamalâ, soit « Fleur de Lotus », le lotus apparaissant, comme nous venons de le voir, comme l’un des principaux attributs de Lakshmî.
Eric TIMMERMANS.©
Bruxelles, le 23 novembre 2010.
Sources : Dictionnaire de l’hindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Les Cinq Livres de la Sagesse – Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / L’Inde mystique et légendaire, Louis Frédéric, Editions du Rocher, 1994.