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LE GRAND DIEU PAN

 

 

1. Une divinité agreste et effrayante.

 

Pan est, originellement, un dieu de la tradition hellénique particulièrement vénéré en Arcadie. Son nom signifie « Tout ». Pan, que l’on dit issu de l’union d’Hermès et d’une nymphe, est le dieu des champs et des bois, le protecteur des chasseurs, des troupeaux, des chevriers et des bergers. Mais sous linfluence néo-platonicienne, on verra bientôt en lui un dieu de la Fécondité et de la puissance sexuelle, un dieu brutal et terrifiant dans ses apparitions, à tel point que son nom est à lorigine du mot « panique », une « peur panique ». En effet, plein de malice et despièglerie, Pan samuse à effrayer les voyageurs par de soudaines apparitions ! Cest aussi en semant la panique dans les rangs des ennemis des Athéniens quil aida ces derniers à gagner la bataille de Marathon. Par reconnaissance, les Athéniens lui consacrèrent un sanctuaire dans un rocher de l’Acropole.

 

2. Du dieu hellénique au diable chrétien.

 

Muni dun torse humain poilu, dune barbiche, de cornes, dun nez recourbé, de pieds de bouc et dune petite queue, sa morphologie générale est à rapprocher de celle que lon donne au Diable dans le monde chrétien. Il semble toutefois que dans liconographie ancienne, Pan revêtait un aspect plus humain. Ainsi, sur une fresque de Pompéi, exposée au Musée National de Naples, on peut voir Pan sous laspect dun beau jeune homme nu, aux petites oreilles, portant une couronne dolivier sur la tête, tenant la syrinx dans la main droite et un bâton dans la main gauche ; assis sur un rocher, il se prépare à faire écouter sa musique à trois nymphes attentives. Notons toutefois quun bouc à longues cornes se trouve à ses côtés. Mais cest sous sa forme mi-humaine, mi-animale quil apparaît le plus couramment.

 

3. Pan Aegipan.

 

Il est dit quà sa naissance Pan était si laid que sa mère labandonna et que lorsque son père, Hermès, le présenta, il devint la risée des dieux de lOlympe. Relevons que du ridicule olympien à la déchéance angélique, il ny a quun pas, et que Pan semble posséder là un autre trait commun avec le Diable du judéo-christianisme. De cet étrange aspect dêtre mi-homme, mi-bouc lui vient le titre dAegipan, qui désignait peut-être, à lorigine, une divinité particulière. Aegipan est dit fils de Zeus et dune nymphe nommée Aïx (=chèvre, en grec). Or, Pan Aegipan aida Hermès à retrouver les tendons de Zeus que Typhon avait coupés, volés et cachés. Ensuite, pour échapper à Typhon, Pan Aegipan se changea en un être mi-chèvre, mi-poisson dont Zeus fit la constellation du Capricorne. Voilà pourquoi Pan est identifié par les astrologues au Capricorne.

 

4. De la déchéance à la vénération.

 

Pan, chassé de lOlympe par le rire des dieux, vécut dès lors essentiellement en Arcadie, élevant des abeilles et évoluant parmi les bergers et les troupeaux. Il participait aussi aux jeux et aux danses des nymphes de la montagne. Il poursuivit ainsi sa vie insouciante sous le regard goguenard des Olympiens. On lui offrait divers sacrifices et offrandes : petit bétail, lait, moût, miel. Le pin, le chêne et la tortue comptent, en outre, parmi ses attributs. Mais dans le courant de la période classique, Pan perdit progressivement ses traits licencieux et devint lobjet, dans toute la Grèce, dune grande vénération. On lui vouait un culte dans les grottes et les cavernes de montagne qui, par mauvais temps, fournissaient des abris pour le bétail, notamment sur le Parnasse, à Delphes. On lui donna de nouveaux attributs et on lui associa de nombreuses légendes. On vit en lui un médecin, un guérisseur, un devin, Apollon lui ayant enseigné lart de divination. Ainsi, des oracles étaient-ils rattachés à Pan en tant que dieu-prophète, notamment au temple dAkakezion, en Arcadie. Il devint progressivement un dieu universel, le « grand principe régulateur, le premier principe damour, ou créateur incorporé dans la matière universelle et formant ainsi le monde ». Pan fut dès lors perçu comme le Tout (= « pan », en grec), le pouvoir générateur de lUnivers, la Source et lOrigine de toutes choses. Ceci explique que le christianisme vit en lui un concurrent de son dieu unique et quil a donné à son diable l’aspect du dieu cornu dArcadie.

5. La flûte de Pan.

 

Dieu de la musique, Pan est aussi linventeur de la syrinx, la flûte pastorale mieux connue sous le nom de « flûte de Pan ». Ce nom de Syrinx est en fait celui dune nymphe que Pan poursuivait de ses assiduités et qui, pour lui échapper, se jeta dans le fleuve Ladon où elle se métamorphosa en roseau. Pan coupa ce roseau et en tira une série de chalumeaux de longueur décroissante reliés entre eux. Cest ainsi quil fabriqua linstrument de musique qui prit le nom de la nymphe infortunée. Mais un jour, Hermès trouva une des flûtes de Pan et la vendit à Apollon qui lui succéda dans le rôle de divinité de la musique.

 

6. La puissance sexuelle exacerbée.

 

Pan séduisit un certain nombre de nymphes plus ou moins consentantes selon les cas Pitys, Echo, Euphémé- , la déesse Séléné mais également quelques jeunes éphèbes. Avant de devenir le Grand Pan, le Grand Tout, le principe même de lOrdre Universel, ce dieu incarnait surtout, par son aspect bestial et ses amours jamais rassasiés, le caractère indompté de la Nature entière et la puissance sexuelle exacerbée. Autant de traits de caractère qui le rendirent peu sympathique, on sen doute, aux yeux des chrétiens qui sempressèrent de le diaboliser !

 

7. « Le Grand Pan est mort ! »

 

Ainsi les auteurs chrétiens interprétèrent-ils une certaine légende comme symbolisant la mort du paganisme et son remplacement par le christianisme. En effet, Plutarque rapporte que sous le règne de Tibère, un vaisseau simmobilisa sur les eaux de la mer Egée, dans la région de lîle de Paxi, et que le navigateur de ce vaisseau, un certain Thamos, entendit une voix lui demander de crier, lorsquil aborderait Palodès : « le Grand Pan est mort ! ». Lorsquil sexécuta, des gémissements et des plaintes douloureuses sélevèrent de toutes parts, comme si lunivers entier prenait le deuil. Les chrétiens prétendirent que cette histoire relatait en fait la victoire du dieu dAbraham sur les prétendus « faux dieux » du paganisme, au premier rang desquels, Pan. Le christianisme ne voudra en définitive retenir de Pan que son caractère « lubrique » et son apparence « diabolique », pour mieux le discréditer et effacer des mémoires son caractère métaphysique essentiel. Il fit également de lui le chef de certaines sortes de démons, tels que les « démons méridiens », plus connus sous le nom de « démons de midi ».

8. A savoir également.

 

8.1. Les Romains identifièrent Pan à Silvanus ou encore à Faunus qui apparaissent comme les chefs des Sylvains et des Faunes, tout comme Pan est le chef des Satyres et des Silènes.

 

8.2. Rappelons quAleister Crowley fut lauteur dun « Hymne à Pan » (Hymn to Pan), inspiré par le roman initiatique dArthur Machen, Le Grand Dieu Pan. Le poème de Crowley fut lu par ses disciples, lors de ses funérailles, à Brighton, en 1947.

 

8.3. A noter que le Pantacle, forme évoluée de talisman quil ne faut pas confondre avec le Pentacle ou Pentagramme, qui est une étoile à cinq branches, dérive du terme « Pan » (=Tout).

 

Eric TIMMERMANS.

Bruxelles, le 11 octobre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Livre de poche Hachette, 1996 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998.

 

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