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KÂLÎ, LA NOIRE DEESSE DU BENGALE

 

 

1. Un aspect double de la Grande Déesse.

1.1. Kâlî la Noire.

 

Le nom de Kâlî signifie « La Noire », « La Sombre ». Elle est un des aspects de Maha Devi, la Grande Déesse. Il est dit qu’un jour Shiva se moqua de la peau sombre de sa parèdre, la déesse Parvatî, tant et si bien que celle-ci acquit, grâce à une forte ascèse, un teint doré, mais selon une autre version, cet aspect sombre de Parvatî, ne serait autre que Kâlî, parèdre de Shiva Mahakala (=Grand Temps), dont elle incarne l’énergie destructrice. De fait, Kâlî est également la forme féminine et impitoyable du Temps, Kâla. Ainsi dit-on que Kâlî est noire parce que le Temps n’a pas de couleur. Parfois assimilée à la déesse tibétaine Palden Lhamo, alias Sri Devi en sanskrit, Kâlî compte dans sa suite les Dakini, soit des démones buveuses de sang. Kâlî est aussi nommée Mahâmâya, la Grande Magicienne.

 

1.2. Kâlî de Bon Augure.

 

Mais il existe également une « Kâlî de Bon Augure », Bhadrakali, qui fait l’objet de nombreux cultes et danses rituelles du sud de l’Inde. On la nomme aussi Kâlî Bhavatarini (=Celle qui sauve le monde). Ainsi dit-on qu’au-delà des apparences, Kâlî est en réalité une mère accueillante. Elle apparaît alors comme une déesse de la fertilité personnifiant le pouvoir générateur féminin. Elle est, sous cet aspect, particulièrement vénérée dans le contexte du culte des déesses villageoises. De fait, Kâlî a la réputation de permettre aux femmes de concevoir et de présider à la croissance de la végétation.

 

2. La destructrice de démons.

2.1. Kâlî est aussi lexterminatrice des démons (ce qui peut l’apparenter à Durgâ). Elle détruit sur son passage toutes les illusions, les apparences, les mensonges. Elle représente laspect de lénergie, destructrice de ce qui est imparfait. On peut dire que « le symbolisme sanglant de la mythologie de Kâlî montre laide que la déesse apporte à ses fidèles en anéantissant les obstacles quils rencontrent dans la progression de leur vie spirituelle. » (J.Varenne)  

 

2.2. Kâlî est ainsi notamment nommée Chamundâ, nom qui rappelle sa victoire contre les deux grands démons Chanda et Munda.

 

2.3. Après avoir tué les démons Chanda et Munda, Kâlî se rua sur le démon Raktapa. De fait, les dieux firent appel à Kali parce quils ne parvenaient pas à vaincre le démon Raktapa dont chaque goutte de sang -issue des blessures provoquées par les Matrika- qui tombait sur le sol, donnait naissance à un nouveau démon. Lors du combat que Kâlî mena contre Raktapa, la déesse parvînt, en utilisant sa langue, à empêcher le sang du démon de couler sur le sol, et elle dévora les petits démons déjà apparus. Ensuite, elle suça le sang de Raktapa jusquà le transformer en une lamentable dépouille parcheminée. Mais le sang démoniaque empoisonna la déesse, à tel que point que Kâlî en devint folle. Elle dansa frénétiquement, comme en transe, excitée par la chair des cadavres sous ses pieds et elle mit ainsi en péril lOrdre cosmique. Pour lapaiser, Shiva Mahakala (=Grand Temps) se coucha sous ses pieds, ce qui eut pour effet d’arrêter la danse destructrice de Kâlî.

 

3. Visualisation.

 

3.1. On représente Kâlî la peau noire, les yeux rouges, dotée de dix bras armés, une guirlande de crânes autour du cou, la bouche ouverte (parfois munies de canines protubérantes) tirant une langue rouge, armée du trident de Shiva et du feu destructeur, et vêtue d’une peau de fauve. Parmi ses autres armes on compte aussi un sabre et un javelot, l’un et l’autre maculés de sang.

 

3.2. Kapâlinî est un terme qui peut signifier à la fois « trône » et « crâne ». Il fait référence au collier de têtes de démons que Kâlî porte autour du cou.

 

3.3. Shyâma désigne la couleur bleue très sombre, telle que celle d’un nuage de pluie. On assimile également ce terme au noir ou au sombre, et on peut, de ce fait, établir un lien avec la déesse « sombre » qu’est Kâlî.

 

4. Le culte de Kâlî.

4.1. Kâlî est particulièrement vénérée au Bengale. En son honneur, les fidèles ont pour habitude d’immoler des victimes animales : boucs, béliers, coqs… Mais il semble que jadis on lui offrait également des sacrifices humains.

 

4.2. La secte des Thugs qui, au 18e siècle, massacra nombre de musulmans et de colonisateurs britanniques chrétiens, se réclamaient de la déesse Kâlî, invoquant une variante de son mythe.

 

4.3. Râmakrishna fut un adorateur de Kâlî jusqu’à la fin de sa vie. Il reconnaissait derrière l’apparence terrible de la Mère Divine, son aspect bénéfique.

 

4.4. Kâlidasa est le plus grand nom de la littérature indienne en langue sanskrite. On ne sait pas exactement à quelle époque il vécut, peut-être au 4e siècle de l’ère chrétienne. Selon sa légende, il aurait été pourvu de toutes les connaissances par une intervention de Kâlî. Son œuvre la plus célèbre est Shakuntalâ.

 

5. L’Âge Noir ou Kali Yuga.

 

Le Kali Yuga désigne le quatrième âge dans la tradition hindoue. Cest lÂge Noir, l’Âge de Fer, qui a succédé à lÂge dOr (Krita Yuga), lÂge dArgent (Tretâ Yuga) et lÂge dAirain (Dvapara Yuga). Cette période correspondrait à la nôtre. Mais il nest en aucun cas lÂge de Kâlî, erreur que l’on commet souvent en confondant le nom du quatrième âge et celui de la déesse. Le début du Kali Yuga est marqué par lautodestruction des membres du clan de Krishna, les Yadava. Krishna fut lui-même tué par le chasseur Jara et la capitale des Yadava, Dvaraka, fut submergée par la mer. On assigne à cette ère une durée de 432.000 années. Il est dit quelle a commencé le 18 février 3012 avant lère chrétienne. Il est dit également que lère du Kali-Yuga se terminera par un embrasement universel qui lui-même précèdera un grand déluge.

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 6 octobre 2010.

 

 

Sources : Dictionnaire de lhindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / LInde mystique et légendaire, Louis Frederic, Editions du Rocher, 1994.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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<br /> Vous trouverez ci-dessous un poème dédié à Kali écrit par Râmpraçad Sen (1718-1775)<br /> « Ô esprit ! Pourquoi t'abandonner aux pensées vaines ?/Ce faste rituel et ce culte sont vains,/Qui accroissent encore la vanité de l'esprit !/ Que ta prière à Elle soit<br /> secrète, que nul n'en sache./ À quoi bon ces poupées de métal ou de cuivre ou de terre ?/ Ne sais-tu pas, insensé, que l'univers entier est l'image de la Mère ?/ Tu apportes une poignée<br /> de graines, effronté,/ comme une offrande à la Mère, à Celle/ qui nourrit le monde d'aliments délicieux !/ À quoi bon, fou, illuminer ainsi/ de lanternes, de bougies et de lampes ?/ Fais<br /> plutôt que grandisse la lumière de l'esprit,/ qu'il dissipe sa propre ténèbre, nuit et jour./ Tu as amené d'innocentes chevrettes au sacrifice./ Égoïsme cruel !... Pourquoi ne pas dire :<br /> VICTOIRE A KALI !/ Et sacrifier tes passions, ennemis véritables./ Pourquoi frapper les tambourins ?/ Dépose plutôt ton esprit à Ses pieds en disant :/ Que ta volonté, ô Kâlî, soit<br /> faite !/ Et puis bat des mains.// Plus je ne ne t'invoquerai par ce doux nom, Mère !/ Tu m'as donné d'innombrables chagrins/ Et m'en réserve plus encore, je le sais !/ J'avais une<br /> maison, une famille et me voilà/ par ta grâce dépossédé de tout sur terre./ Que puis-je endurer d'autre, je ne saurai le dire./ Qui ne sait que je dois mendier pour mon pain/ de porte en<br /> porte ? Et pourtant, je suis dans l'attente./ Un enfant ne doit-il vivre, sa mère morte ?/ Râmpraçâd était bien l'enfant de sa Mère,/ mais toi, ô Mère, tu as traité ton fils en ennemi./<br /> Si, aux yeux de sa mère, l'enfant souffre à ce point,/ à quoi bon cette Mère pour l'enfant, cette Mère ?/ Ô Mère, quel est ce crime que j'expie/ durant ma longue vie dans la prison du<br /> monde ?/ Le matin, je travaille ; combien dure est ma part./ Je m'en vais çà et là gagner un salaire sans honneur./ Quelle désillusion rongeuse me possède !/ Et cependant, ô Mère,<br /> par quels charmes profonds/ n'as-tu pas attaché mon âme à ce vain monde !/ En m'appelant sur cette terre, innombrables/ ont été les peines assemblées le long de mon destin./ Elles me consument<br /> et le jour et la nuit./ Oh ! Mère, je ne désire plus la vie ! »<br /> <br /> <br />
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