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AGNI, LE DIEU DU FEU

 

 

 

 

 

 

1. Agni, une importante divinité védique.

 

Agni, fils de Dyaus et de Prithivi, est le dieu du Feu et lune des principales divinités du panthéon védique. Il a deux épouses : Agnânî et Svâha. Il est « Celui qui purifie », mais également le « Souffle vital » et la « Conscience intérieure ». Agni-Yâtavedas est le feu des forces de la Conscience « averti de toutes les naissances », c’est la Conscience absolue qui embrasse l’intelligence de sa flamme spirituelle et la rend capable d’observer tous les mouvements au sein de la Mâyâ, l’Illusion. Agni est la Conscience divine universelle dans laquelle s’inscrit l’ensemble des mondes, des hommes et des dieux. Ainsi est-il dit d’Agni que, jusqu’à la fin des temps, il « restera au cœur du monde et dans l’intimité de chaque créature » (Varenne). Puissance d’illumination, tant intérieure qu’extérieure, le Feu est la clé de tout savoir, il est le dieu de la Science. Voilà pourquoi les anciennes chroniques d’Agni ou Agni Purâna, sont considérées comme l’encyclopédie des sciences traditionnelles. L’importance d’Agni dans la tradition védique tient au fait que c’est le Feu, maîtrisé par l’homme, qui a autorisé la vie à se développer et permis l’évolution de l’humanité. Agni apparaît comme un trait d’union entre les dieux et les hommes, et est présent dans tous les foyers et à toutes les cérémonies.

 

2. Le dieu védique du Feu.

 

2.1. Une personnification du Feu.

 

Le nom d’Agni peut être rapproché du latin ignis et du français igné. Il est le régent du Royaume du Feu dont il est aussi, dans les Vedas, une personnification : Agni est le feu sous toutes ses formes. De nombreux hymnes lui sont consacrés. De fait, le Feu est lun des objets de vénération les plus anciens et les plus sacrés de lhindouisme. Des cinq éléments de la nature, le Feu est considéré comme le plus important car il est assimilé à la vie par opposition au froid mortel. La mythologie d’Agni se réduit à l’interprétation des phénomènes naturels liés au feu et à l’utilisation de celui-ci dans le domaine rituel. Ainsi dit-on par exemple, lorsqu’on frotte deux morceaux de bois l’un contre l’autre pour obtenir du feu, qu’Agni est « Fils de la Force », à savoir celle qu’il a fallu utiliser pour l’engendrer, alors que l’officiant est considéré comme « celui qui a débusqué le dieu caché », car Agni était présent, mais invisible, dans le bois utilisé. On peut également faire valoir une union sexuelle du bâton mâle avec le bâton femelle dont Agni passe pour être le « nourrisson », qualité qu’il conservera jusqu’à son installation sur l’autel.

 

2.2. Le feu organisateur de l’univers.

 

Cest Agni qui dynamise lunivers et le crée concrètement. Ce qui ne signifie pas quAgni soit un démiurge mais que lorsquun nouvel univers doit apparaître, cest Agni qui se manifeste en premier par la chaleur et la lumière qui jaillissent du germe originel qui est, lui, un reste de lunivers précédent. Agni est toutefois subordonné au Seigneur, quel que soit son nom (Indra, Shiva, Vishnu). Le dieu du Feu n’est donc qu’un exécutant, mais la divinité créatrice ne peut rien réaliser sans lui. Par exemple, l’on dit aussi d’Agni qu’il est le « Fils des Eaux » (=Apâm Napât) car cest du fait de son action que les eaux ont été partagées en rivières, en mers, en fleuves, en océans, etc.

 

2.3. Une Trinité du Feu.

 

Agni est donc le Feu sous toutes ses formes. Il se manifeste notamment dans le Ciel sous la forme du Soleil, dans lAir sous celle de lEclair et sur Terre sous lapparence du Feu. Dans lordre des Trois Mondes Terre, Espace, Ciel- il règne plus particulièrement sur la Terre, alors que Vâyu règne sur lEspace et Sûrya sur le Ciel. Ces trois divinités forment une triade appelée « trimurti ».

 

2.4. Le feu du foyer.

 

Agni apparaît comme un protecteur du Foyer, de la Famille, à l’exemple des déesses Vesta et Hestia. Il est aussi le garant de la piété filiale. De fait, la famille s’articule autour d’un foyer domestique au cœur duquel brûle un feu qui jamais ne s’éteint. Ainsi, à proximité dudit foyer domestique place-t-on les statuettes des ishta-dévatâ (=divinités d’élection) du clan auquel appartient le chef de famille. Agni est donc présent, comme témoin et protecteur, lors de tous les événements importants qui interviennent dans la vie de l’individu (nom donné à l’enfant à la naissance, initiation, mariage, décès…). Peut-être est-ce là, dans ce culte centré sur le foyer familial, qu’il faut trouver l’origine de la religion dévotionnelle (ou bhakti) qui prévaut dans l’hindouisme postvédique.

 

2.5. Le feu purificateur.

 

Agni est aussi « Celui que l’on ne peut tromper » et c’est donc tout naturellement à lui que l’on confesse ses fautes éventuelles et auquel on demande la purification qui permettra au fautif de retrouver sa place au sein de la communauté. Cette demande de purification-réintégration est généralement accompagnée d’un vœu de pénitence et dans des cas extrêmes, on en appelle à Agni pour attester la véracité d’une déclaration. Ainsi oblige-t-on celui dont les proclamations d’innocence paraissent douteuses, de saisir un fer rougi au feu : s’il ment, il sera brûlé, si par contre il dit la vérité, il sortira indemne de l’épreuve et cela signifiera qu’Agni, l’ « Omniscient », Jâtavedas (=Celui qui connaît ou qui possède toutes les créatures), aura témoigné en sa faveur. Cela n’est pas sans rappeler l’ordalie longtemps pratiquée dans l’Occident chrétien. Dans le Râmayana, Sitâ, suspectée d’avoir entretenu des relations coupables avec le démon Râvâna, se jette dans le feu pour démontrer son innocence à son époux Râma. Les flammes s’écarteront d’elle car Agni la savait innocente de ce dont on l’accusait.

 

2.6. Le feu dévoreur d’offrandes.

 

Agni est dit Vaishvânara (=Feu digestif), l’une des cinq formes naturelles de feu, la forme qui représente l’absorption de toutes choses (à noter que Vaisvânara sera assimilé au dieu de la Richesse Kubera, au Sri Lanka, et lors de l’introduction du bouddhisme dans l’île, il sera présenté comme un défenseur du Bouddha). Agni est donc « Celui qui mange les offrandes », celles-ci, faites aux dieux, étant livrées au feu, Agni se chargeant de les porter, de les transmettre à leurs divins destinataires. Il est le convoyeur (vahni) des offrandes faites aux divinités. On dit alors qu’Agni prend l’offrande « dans ses bras » et la porte à la divinité invoquée qui habite l’espace céleste. Présentée par Agni, l’offrande ne peut qu’être acceptée et les requêtes qui l’accompagnent ont toutes les chances d’être exaucées. Selon une autre approche, c’est l’odeur des offrandes et le crépitement de celles-ci dans les flammes qui, à l’invitation d’Agni, attirent les dieux jusqu’à l’autel où brille le feu, et les prières de l’officiant sont donc dites en leur présence. « Qu’il s’agisse de simples prières ou de gestes religieux plus élaborés, on doit jeter sur les braises une offrande appropriée : grains, beurre fondu, encens, etc. Le crépitement de la flamme consumant ces substances indique que le dieu agrée l’oblation. » (Varenne) Dans tous les cas, Agni apparaît donc comme un messager et un médiateur ; il se fait l’avocat du sacrifiant auprès des dieux qui se montrent parfois réticents. Dans le même ordre d’idée, c’est Agni qui est le maître de cérémonie lors des funérailles, où le Sacrifiant, en un dernier sacrifice, s’offre lui-même au dieu par l’incinération de son corps, afin qu’Agni le conduise au domaine céleste. C’est donc d’Agni que dépend l’efficacité du rite et voilà pourquoi, comme nous l’avons dit, tant d’hymnes lui sont consacrés dans le Véda. Il arrive aussi que l’oblation soit dédiée à Agni lui-même auquel il est demandé aide et protection, mais dans la grande majorité des cas, la prière s’adresse à d’autres dieux.

 

2.7. L’Agnihotra.

 

Le rituel de l’Agnihotra consiste à verser une oblation dans le feu. Il s’agit d’un rite d’adoration de la flamme, d’une offrande de lait à Agni qui se déroule tous les matins et tous les soirs. Lorsque l’on célèbre ce culte, Agni ouvre et clôture le rituel. Ainsi apparaît-il à l’aube, qui correspond à la première célébration de l’Agnihotra, et au crépuscule, qui correspond à sa seconde célébration, de même que lors de la création du monde et lors de sa dissolution. Cet acte religieux de la tradition védique est jugé nécessaire à double titre : pour le salut du Sacrifiant lui-même et pour l’ensemble de la communauté des Aryas. Voici l’Agnihotra tel qu’il est commenté dans l’Apastamba Srautasûtra (6,1) :

 

Om !

L’intelligence est la cuiller ;

la pensée est le beurre clarifié ;

la voix est le vedi ;

la méditation est la jonchée ;

la connaissance est le feu ;

le Seigneur de la voix est l’Oblateur (ndr : Hotar);

l’esprit est l’upavaktar ;

le souffle vital est l’oblation ;

le sâman est l’Acolyte (ndr : Adhvaryu) !

 

Au-delà de la simple exécution du rituel, Agnihotra désigne aussi la compréhension du sens de cette célébration. En réalité, le rite ne fait que préparer et sous-tendre la contemplation.

 

2.8. D’autres aspects d’Agni.

 

2.8.1. Il est dit que le sage Kapila est l’une des formes du feu sacrificiel Agni.

 

2.8.2. Le feu de la colère est dit Kopa Agni.

 

2.8.3. Le « Feu froid » est dit Shîtâgni.

 

2.8.4. On identifie également le dieu de l’amour, Kama, à la forme d’Agni correspondant au feu dévorant de la passion.

 

2.8.5. Il existe aussi cinq formes de feu rituelles :

-Brahma-agni (=Feu de l’Immensité).

-Prâjâpatya-agni (=Feu du Progéniteur).

-Gârhapatya-agni (=Feu du Foyer ; également nommé « dominical » car il est le feu du maître de maison). L’espace entre Gârhapatya et Âhavanîya, le Feu consacré, constitue l’autel où sont disposés les offrandes, les instruments du culte et surtout la jonchée où les dieux viennent prendre place.

-Dakshina-agni (=Feu des Ancêtres). Dans la religion védique, les rituels ne nécessitaient ni temples, ni idoles. Un terrain délimité et consacré suffisait. On y installait trois feux –parfois plus- : Dakshina, Âhavanîya et Gârhapatya. Dakshina est le Méridional, car il est établi au sud ou « à droite », l’aire sacrale étant orientée.

-Kravyada-agni (=Feu du Bûcher Funèbre).

 

 

 

3. A savoir également.

 

3.1. Agni est représenté monté sur un bélier nommé Ram, avec un corps rouge, trois jambes, quatre bras, deux visages, sept langues de feu et des dents dor. Sept rayons de lumières émanent de son corps. Agni est souvent représenté avec deux visages opposés, à l’exemple de Janus.

 

3.2. Dans une main, Agni tient une hache, et dans lautre, une cuillère servant aux libations. Parmi ses attributs, l’on compte également une épée, que la déesse Durgâ brandira durant son combat contre les démons, de même qu’un arc, nommé Gândiva, qu’Agni tenait de Varuna et qu’il donnera à Arjuna, l’un des cinq frères Pândava, dans le contexte de l’épopée du Mahabharata. Agni possède également une arme nommée Agni Astra ou Âgneyâtra, c’est-à-dire une flèche ou une arme de feu.

 

3.3. « Aucun temple ne lui est consacré : ce nest pas nécessaire puisquil est présent dans chaque maison et dans les sanctuaires où les « grands dieux » sont honorés. » (Varenne)

 

3.4. Dans les directions de l’Espace, le quartier sud-est est dévolu à Agni.

 

3.5. Il est dit dans le Kena Upanishad (III) qu’Indra fut le premier témoin de la Réalité ultime, le Brahman, apparu sous la forme d’un brin d’herbe qu’Agni ne put consumer.

 

 

 

Eric TIMMERMANS ©

Bruxelles, le 23 septembre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de lhindouisme, Jean Varenne, Editions du Rocher, 2002 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Lempreinte sacrée du Bouddha, E.F.C. Ludowyk, Plon, 1958 / Les Cinq Livres de la Sagesse Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / Le Védisme. Léveil de la spiritualité indienne, Bernard Baudouin, Editions de Vecchi, 1997 / LInde mystique et légendaire, Louis Frederic, Editions du Rocher, 1994.

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S
Tres bon resume des multiples dimensions d'Agni et de sa richesse symbolique!...neanmoins on pourrait y ajouter une petite pierre en faisant ressortir que dans l'univers de croyances Vediques, d'essence Initiatique, (car il s'agit de grimper par paliers les sept plans de la Connaissance et de la Lumiere, d'ou les sept langues, sept bras, etc), Agni sert d'intermediaire essentiel dans le rituel du Yaj, manifestant un double mouvement: ascension de l'homme vers le Divin et descente du Divin en lui...
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