1. Ek Chuah dans la Tradition maya.
Ek (=noir) Chuah n’apparaît qu’une seule fois dans le codex de Dresde, mais il est fréquent dans le codex de Madrid. On l’identifie aussi au « dieu M ». Dans le panthéon maya, Ek Chuah est le dieu des Marchands et des Voyageurs. Il remplit là un rôle similaire à celui de Ganesh, dans l’hindouisme, ou à celui d’Hermès dans la tradition hellénique. Ek Chuah n’est pas l’unique dieu des marchands du panthéon maya, mais il semble qu’il en est le plus célèbre. Ainsi aide-t-il les marchands dans leurs échanges commerciaux et les protège-t-il durant leurs voyages, notamment contre les attaques d’autres dieux, tels que le dieu de la Guerre et des Sacrifices. Il a en cela une fonction guerrière. On le représente parfois portant une charge et armé d’une lance.
Durant leurs voyages, les marchands offraient du copal à Ek Chuah, afin qu’il les fasse revenir chez eux sains, saufs et heureux du résultat de leurs diverses transactions commerciales. « De leur côté, les voyageurs (c’est-à-dire les négociants) avaient dans leurs bagages de l’encens, « et ainsi le soir, quel que soit l’endroit où ils se trouvaient, ils dressaient trois petites pierres et mettaient dessus un peu d’encens ; ils plaçaient devant trois autres pierres plates sur lesquelles ils mettaient de l’encens, priant le dieu Ek Chuah de les ramener sains et saufs chez eux. » (Baudez).
Ek Chuah est naturellement lié à Xaman Ek, le dieu de l’Etoile Polaire, car cette étoile guide les marchands au cours de leurs voyages.
Ek Chuah est également, selon Landa, le patron des cultivateurs de cacao. Jadis, les planteurs de cacaoyers célébraient en l’honneur de ce dieu une fête, dans le courant du mois de muan, afin qu’il leur assure de bonnes récoltes. Ajoutons que les fèves de cacao étaient utilisées comme monnaie par les Mayas, élément évidemment essentiel du contexte commercial.
2. Visualisation et iconographie.
2.1. Ek Chuah est représenté sous la forme d’un être anthropomorphe de couleur noir, dont les lèvres sont rouges, épaisses et pendantes. Il porte un objet (une hache ?) qui lui permet de frapper le ciel afin d’en faire tomber une pluie bénéfique pour les marchands. On le représente aussi chargé de ballots de marchandises. Son glyphe est constitué de deux yeux cerclés de noir.
2.2. « Dans les codex, il a le long nez au bout arrondi « à la Pinnochio », une lèvre inférieure pendante peinte en rouge, et le haut de sa figure et une partie de son corps peints en noir. Sa tête est coiffée d’une ou de deux courroies de portage, tressées. » (Baudez). Les Lacandons utilisent ainsi un bol pour brûler l’encens, ou brasero, sur le côté duquel on trouve un masque représentant une divinité. Le masque de cette divinité a une lèvre saillante sur laquelle on dépose les offrandes de nourriture. Peut-être la lèvre imposante d’Ek Chuah avait-elle la même fonction. Il apparaît que l’équivalent d’Ek Chuah chez les Aztèques porte le nom de Yacatecuhtli, le « Seigneur du Nez », bien qu’il existe un autre dieu des marchands aztèque, Yacapitzauac, dont le nom signifie « Celui au nez pointu ».
2.3. A Santa Rita Corozal (Bélize), sur le mur ouest de la structure 1, un personnage qui fait face à un ce qui apparaît comme un autre dieu marchand, exhibe au bout de son bras droit une tête coupée et sa lèvre est pendante, ce qui sont des caractéristiques du « dieu M » alias Ek Chuah.
2.4. Sur des encensoirs de Mayapan, on a trouvé trois têtes qui illustrent vraisemblablement le dieu M, reconnaissable à son nez « à la Pinocchio » et à la longue lèvre pendante ; « cependant le visage est rouge et les orbites sont respectivement peintes en bleu et doré ». (Baudez)
Eric TIMMERMANS
Bruxelles, le 14 septembre 2010.
Sources : Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / The Mayan Gods, Dante - The Maya World Publisher’s, Musée de Mérida, Yucatan, Mexico / Une histoire de la religion des Mayas, Claude-François Baudez, Petite Bibliothèque Albin Michel Histoire, 2002.