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19 novembre 2010 5 19 /11 /novembre /2010 16:27

 

 

 

Combat d'Héraclès et Géryon, amphore attique à figures noires,

 540 av. J.-C., musée du Louvre

 

1. Un monstre à trois têtes.

 

Dans la tradition hellénique, Géryon (ou Géryonès) est un être à trois têtes et à trois troncs (Virgile, Enéide, VIII), c’est pourquoi on le nomme Triporcor, Trigformis ou encore Tergeminus. Il est doté d’une force extraordinaire. Géryon est le fils de Chrysaor et de Callirhoé. Chrysaor est issu de la Gorgone Méduse : lorsque Persée décapita Méduse, Chrysaor jaillit du tronc du monstre. Quant à Callirhoé, elle est la fille d’Océan (ou Okéanos) et d’Echidna.

 

2. Le vol du troupeau de Géryon par Héraclès.

 

Géryon vivait dans une région de l’Occident que l’on identifie à l’île d’Erythie, qui se situerait près du détroit de Gibraltar. Géryon, qu’Hésiode décrit comme le plus puissant roi de cette île ou encore de l’Hespéride, possédait un grand troupeau de bœufs bruns qu’il nourrissait de chair humaine et que gardaient le géant Eurytion, fils d’Arès (qu’il ne faut pas confondre avec le centaure Eurytion qui tenta d’enlever Hippodamie au cours de ses noces) et un chien féroce bicéphale nommé Orthros. Certaines sources ajoutent comme gardien un dragon à sept têtes. Notons qu’Orthros n’est autre que le frère de Cerbère et est donc, comme lui, né de l’union d’Echidna et de Typhon. En s’unissant à sa mère Echidna, Orthros engendra le Sphinx de Thèbes. Mais les deux gardiens furent vaincus par Héraclès qui, après les avoir étranglés, s’empara du bétail de Géryon. Celui-ci tenta bien de retenir Héraclès mais ce dernier le tua également en le battant à mort. Héraclès revint ensuite par la Gaule, l’Italie et la Thrace dans le territoire d’Eurysthée. Tous les bœufs de Géryon furent sacrifiés à Héra. Cet épisode correspond au dixième des Douze Travaux d’Hercule/Héraclès.

 

3. Géryon chez Dante.

A Gustave Doré wood engraving

of Geryon for The Divine Comedy.

 

 

 

Géryon est cité par Dante dans la Divine comédie (chant 17), quitte à lui donner une morphologie très différente de l’origine mythologique :

 

« Voici la bête à la queue acérée qui transperce les montagnes et rompt les murs et les armes ; voici celle qui infecte le monde entier. » Ainsi commença à me parler mon guide, et il lui fit signe de venir au bord de notre sentier de marbre. Et cette laide image de la Fraude s’en vint, et elle avança la tête et le buste, mais elle ne pose pas sa queue sur la rive. Sa face était la face d’un homme juste ; elle avait la peau très douce, et le reste du corps était d’un serpent. Elle avait deux serres velues jusqu’aux aisselles ; elle avait le dos, la poitrine et les deux côtés marquetés de nœuds et de taches rondes. Jamais l’envers ni l’endroit d’une étoffe ne fut plus riche en couleurs chez les Tartares et les Turcs, et telles n’étaient pas les toiles d’Arachné. Comme parfois sont les barques sur la rive, moitié dans l’eau et moitié à terre, et comme chez les Germains gloutons, le castor s’accroupit pour faire la guerre ; ainsi la détestable bête se tenait sur le bord qui enferme de pierre le sable ; elle agitait toute sa queue dans le vide, redressait la fourche venimeuse qui en armait la pointe comme celle du scorpion. Mon guide me dit : « Il convient qu’à présent nous tournions nos pas vers cette méchante bête qui est couchée là. »

 

Virgile conseille alors à Dante d’aller se rendre compte par lui-même du sort réservé aux Usuriers, enfermés dans la troisième enceinte des Violents, dans le septième cercle de l’Enfer, pendant qu’il s’en va lui-même parler à Géryon pour qu’il les transporte jusqu’au fond du gouffre. Dante revient, trouve Virgile assis sur la croupe de Géryon et le rejoint.

 

« Géryon, mets-toi en marche à présent ; lui dit Virgile, comme la barque s’éloigne du bord, il recula, recula, et lorsqu’il se sentit la liberté de tous les mouvements, il tourna la queue où il avait la poitrine, et, l’allongeant, il l’agita comme une anguille et ramena l’air à lui avec ses griffes. »

 

Sur le dos de Géryon qui entame lentement, en tournant, la descente au fond du gouffre infernal, Dante entend au-dessous de lui un fracas épouvantable et les gémissements des damnés. Il aperçoit bientôt les grandes douleurs dont ont à souffrir les âmes tourmentées qui s’approchent de différents côtés. Vient alors le moment où Géryon dépose Virgile et Dante au fond du gouffre.

 

« Comme le faucon qui est resté longtemps sur les ailes sans voir ni leurre ni oiseau, et qui fait dire au fauconnier : « Hola ! viens donc ! », descend fatigué des hauteurs où il traçait cent cercles rapides, et s’abat plein de dépit et de fiel loin de son maître, ainsi Géryon nous déposa au fond du gouffre, au pied de la roche ruinée, et, déchargé de nos personnes, il s’éloigna comme la flèche loin de la corde. »

 

Géryon apparaît ici comme un symbole de la Fraude, à l’exemple d’autres Géants mythologiques. Tout comme le géant Géryon est représenté chez Dante de cette étrange manière, Cacus, un autre géant tricéphale est, par le même auteur, représenté sous l’aspect d’un centaure.

 

 

Eric TIMMERMANS.©

Bruxelles, le 19 novembre 2010.

 

Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Œuvres de Dante Alighieri, La Divine comédie, traduction de A. Brizeux, Charpentier, Libraire Editeur, 1853.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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