1. Vritra dans la Tradition védique.
Le nom de Vritra (ou Vrtra) signifie « résistance ».
Il est dit qu’en annihilant le dragon (ou serpent) Vritra, Indra donna forme au chaos et qu’il déclencha le processus de différenciation des phénomènes et leur évolution. Ainsi, à la mort du serpent, la terre se vit séparée des eaux, les régions supérieures se distinguèrent des enfers, et, chaque matin, désormais, la création se renouvela avec le lever du soleil.
Par ce mythe, Indra acquit une réputation de divinité luttant contre l’obstruction et les ténèbres. Il est même dit que Vishnu soutînt Indra dans sa lutte contre Vritra et qu’il l’aida à déployer les espaces intermédiaires entre Ciel et Terre.
Toutefois, lorsque la popularité d’Indra se fit moindre dans l’hindouisme plus tardif, on affirma que Vritra était en fait un brahman et qu’Indra, en le tuant, avait commis un crime impardonnable, d’autant que l’on prétendit qu’il avait frappé Vritra en traître.
2. Vritra dans le Veda.
Rig Veda, 1.32 :
« Je vais dire à présent les prouesses d’Indra,
celles qu’a faites les premières le Dieu porte-foudre :
il tua le dragon, perça les eaux,
rompit les flancs des montagnes.
« Il tua le dragon qui s’accrochait à la montagne.
Tvastar avait façonné pour lui le foudre sonore.
Comme des vaches mugissantes, courant
droit vers la mer les Eaux ont dévalé.
« Faisant acte de mâle il avait aimé le soma,
dans la fête aux Trois Cuves il avait bu le liquide pressuré.
Le libéral a pris l’arme de jet, le foudre :
il a tué le premier-né des dragons.
« O Indra, quand tu eus tué le premier-né des dragons,
déjoué les artifices des maîtres d’artifices,
créant alors le soleil, le ciel, l’aurore,
tu n’as désormais plus rencontré de rival.
« C’est par la foudre, la grande arme,
qu’Indra a tué Vrtra aux larges épaules, puissant obstacle.
Comme les troncs abattus par la cognée,
le dragon gît plaqué contre la terre.
« Tel un lâche guerrier pris d’ivresse mauvaise il avait provoqué
le grand héros, chasseur valeureux, buveur des marcs du soma.
Il n’a pas soutenu le choc de ses armes : le char brisé,
s’est effondré celui dont Indra fut l’ennemi
« Sans pieds, sans mains il luttait contre Indra,
qui asséna le foudre sur son dos.
Eunuque qui se croyait à l’égal du mâle,
Vrtra gît en maint endroit déchiqueté.
« Gisant de malemort, comme un tuyau crevé
les eaux passent par-dessus lui promouvant leur courage.
Elles que Vrtra encerclait de sa grande taille,
c’est à leurs pieds que gît désormais le dragon.
« La mère de Vritra eut sa vigueur défaite :
Indra avait porté sur elle l’arme de la mort.
Au-dessus la génitrice, au-dessous était le fils.
La démone est étendue comme la vache auprès du veau.
« Parmi les courants qui ne demeurent et ne font trêve
son corps est déposé. Les Eaux circulent
sur la cachette de Vrtra : pour de longues ténèbres
s’est couché celui dont Indra fut l’ennemi.
« Epouses du démon, le dragon est leur gardien,
les Eaux sont prisonnières comme les vaches sous les Pani.
« En tuant Vrtra il a ouvert les bondes des Eaux,
qui étaient fermées.
« Tu devins un crin de cheval, ô Indra,
Dieu unique, lorsqu’en riposte il t’eut frappé à la mâchoire.
« Tu as conquis les vaches, conquis le soma,
ô héros, libéré les fleuves en sorte qu’ils coulent.
« N’ont servi de rien l’éclair ni le tonnerre,
ni la nuée et la grêle que le démon avait semées.
Lorsque Indra et le dragon ont combattu,
c’est le Libéral qui demeure vainqueur pour les temps à venir.
« Quel vengeur du Dragon t’est apparu, ô Indra,
pour qu’en ton âme, toi qui l’avais tué, l’épouvante pénétrât,
et qu’au-dessus des nonante et neuf rivières,
tu traversasses l’espace comme un aigle apeuré ?
« Ce qui marche et ce qui se repose, ce qui est sans cornes
et ce qui est cornu, Indra en est le roi il tient le foudre
dans ses bras : en roi il commande aux peuples,
il enveloppe ce monde comme la jante enveloppe les rais. »
Il est dit, en outre, dans les « Spéculations », qu’on prépara un flan sur onze tessons et qu’on l’offrit en oblation à Agni et à Soma, selon la norme des oblations végétales. Et c’est, dit-on, grâce à cette oblation, qu’Indra pu tuer Vritra. On dit aussi qu’près avoir tué Vritra, Indra fut saisi de peur. Mais on prépara un flan sur douze tessons et on l’offrit en oblation à Indra et à Agni, toujours selon la norme des oblations végétales. C’est grâce à cette oblation qu’Indra put retrouver sa force et sa vigueur.
Eric TIMMERMANS.
Bruxelles, le 8 juillet 2010.
Sources : Les Cinq Livres de la Sagesse – Pancatantra, Alain Porte, Editions Philippe Picquier / Le Veda, textes réunis, traduits et présentés sous la direction de Jean Varenne, Les Deux Océans, 2002 / Le Védisme. L’éveil de la spiritualité indienne. Bernard Baudouin. Editions de Vecchi, 1997.