Le nom de Samaël (ou Sammane, Samuel, Semiel, Simyael, Smaël), qui doit être rapproché du mot hébreu sami qui signifie « aveugle », apparaît pour la première fois dans le récit de la chute des anges du Livre d’Hénoch. On lui donne ainsi les noms de Mara Samia (=archon aveugle) ou encore de Sar Suma (=ange aveugle).
Selon les textes, il apparaît ou non comme le chef des principaux anges qui se rebellèrent contre Dieu. Samaël est cité comme le Prince des anges déchus par Moïse Maïmonide dans la seconde partie du Guide des égarés et comme le chef des démons dans le Testament de Salomon. Il est dit ainsi « que les démons relèvent du domaine de Samael, qui est « l’âme de la planète Mars et dont Esaü est l’expression parmi les nations » (l’ange d’Edom ou le christianisme). » (La kabbale, G. Scholem, p.488). De source espagnole, datant du 15e siècle, « les chefs des démons étaient Samaël, le représentant d’Edom, et son assistant Ammon de No, représentant d’Ishmael. » (La kabbale, G. Scholem, p.583).
Il est dit également que différentes catégories de démons étaient appelées « samaël », raison pour laquelle le Zohar précise que Samaël et « samaël » ne doivent pas être confondus et que si ces démons sont désignés par un même nom, ils ne sont guère les mêmes pour autant.
Toutes les sources concordent, cependant, pour rattacher les armées de démons au règne de Samaël et de Lilith, sa compagne, même si « certains systèmes issus de la kabbale espagnole mettent trois rois, Halama, Samael et Kafkafuni, à la tête des démons. » (Le kabbale, G. Scholem, p.492).
Dans certains textes rabbiniques, Samaël est parfois confondu avec Bélial ou Asmodée : ne dit-on pas aussi que si Samaël est l’époux de Lilith la Vieille, Asmodée, lui, a pour épouse Lilith la Jeune ou encore que le bouc émissaire, sacrifié à Asmodée, sert également de paiement à Samaël ? Ceci dit, Samaël et Asmodée, qui apparaît comme l’ange gardien d’Ishmael, sont également présentés, selon des traditions contradictoires, comme étant en guerre. Samaël est aussi considéré comme l’Ange de la Mort, celui qui apporte le « poison de la mort » dans le monde.
Samaël est également assimilé à Satan dont il apparaît comme l’équivalent kabbalistique –même si certains textes distinguent Satan de Samaël qui se voit associé à l’image d’un « ange gardien de Rome » : « L’ange Samaël, prince de Rome, est aussi connu comme le plus grand des princes des nations (…) sans doute à cause de la domination de Rome sur le monde ancien. » (Livre d’Hénoch, Verdier, p.252)-, et c’est monté sur un serpent de la taille d’un chameau –le rapport du Père de l’Eglise Irénée, mentionne par ailleurs que les ophites donnaient au Serpent le double nom de Michael et Samael- qu’il s’en vient séduire Eve dans le jardin d’Eden. Ainsi est-il dit que Samaël aurait cohabité avec Eve bien avant Adam et que de leur union seraient nés Caïn et bien d’autres démons.
Dans le Livre d’Hénoch III (chap. 26, 12), il est dit que Samaël, le prince de Rome, de même que Doubiel, le prince de Perse, siège au côté de Satan qui chaque jour tente de dénoncer, auprès de Dieu, les iniquités d’Israël, en inscrivant celles-ci sur des registres qui sont systématiquement détruits par les séraphins, ceux-ci voulant préserver Israël du courroux divin. Pour avoir accusé Israël, Samaël, Satan et Doubiel seront précipités dans la Géhenne le jour du jugement.
En tant que prince angélique de Rome, considérée à l’époque impériale comme la plus puissante nation, Samaël est placé en tête de tous les princes des royaumes. La politique romaine en Palestine, perçue comme une oppression par le peuple juif, que la tradition judaïque proclame « peuple élu de Dieu», a fait que l’on a conféré à Samaël le titre de « prince des accusateurs » (ces derniers incarnant l’ensemble des anges nationaux), un rôle habituellement dévolu à Satan
Au Traité des palais, dans le Zohar, qui ne voit dans les entités démoniaques que des catégories impersonnelles, à l’exception des représentations de Samaël et de sa compagne Lilith, il est dit que Samaël et le serpent, véhicule du péché, furent précipités dans les abîmes dans la « troisième résidence », sur les sept dont il est fait mention dans cet ouvrage. « C’est le lieu des embrasements et des nuages de fumée où débouche le fleuve de feu qui s’écoule et émerge. Il est la maison où sont brûlées les âmes des ignobles car le feu y descend sur la tête des pervers que pourchassent les anges destructeurs. C’est dans ce lieu aussi que parfois se trouvent les délateurs d’Israël qui les détournent de la bonne voie, sauf quand ceux-ci obtiennent la guérison qui leur permet de les repousser. Le chef qui est à leur tête vient du côté gauche. Tous les êtres qui peuplent cette résidence viennent du domaine obscur, ce qu’exprime : « L’obscurité est sur la face de l’Abîme » (Genèse 1 : 2) [ndr : ou encore « les ténèbres couvraient l’abîme »]. Samaël le réprouvé y demeure aussi. »
Il est dit aussi que Samaël, être androgyne apparaissant successivement dans les rôles d’incube et de succube, aurait forniqué avec Adam. De source talmudique, on dit encore que Lilith refusa de se soumettre à Adam et qu’elle épousa Samaël avec lequel elle alla vivre dans la Géhenne. « Dans le Zohar, le serpent est devenu le symbole de Lilith et Samael la chevauche et s’accouple à elle. » (La kabbale, G. Scholem, p.583). Il est dit aussi parfois que Samaël a deux épouses : Lilith et Nahema.
Avant sa chute, Samaël possédait douze ailes et sa place était supérieure à celle des saintes créatures des cieux. Son combat contre Michael, l’ange gardien d’Israël, doit se poursuivre jusqu’à la fin des temps et ne prendra fin que lorsque Samaël sera pendu au-dessus d’Israël par des fers.
Mais selon certaines traditions kabbalistiques, il est vrai contestées, Samaël lui-même se repentira finalement et sera transformé en ange de sainteté. « Une formulation symbolique importante du futur retour de Samael à la sainteté, particulièrement répandue à partir du XVIIe siècle, fut l’opinion selon laquelle son nom serait changé, la lettre mem, signifiant mort (mavet), tombant pour laisser Sa’el, un des soixante-douze Noms saints de Dieu. » (La kabbale, G. Scholem, p.219) Le repentir de Samaël doit aboutir, selon ces thèses, à la disparition de l’ « autre côté », le sitra ahra, le « côté gauche » c’est-à-dire le royaume des forces du mal dont les dix Sefirot du mal correspondent aux dix Sefirot saintes.
Samael est aussi parfois identifié à Jaldabaoth, un des maîtres des forces du mal chez les gnostiques.
C’est aussi Samaël qui, dit-on, se cacha dans le célèbre Veau d’Or.
Ange de la planète Mars, Samaël apparaît également, dans les traditions populaires, comme l’ange responsable du mardi, jour de Mars.
Eric TIMMERMANS.
Bruxelles, le 16 mars 2011.
Sources : Bible de Jérusalem, Cerf, 1998 / Bible du chanoine Crampon, Société de Saint Jean l’Evangéliste, 1939 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003 / La kabbale, Gershom Scholem, Cerf, 1998 / Le Livre d’Hénoch (ou Livre des Palais), Verdier, 1989 (p.126, 236, 284).