1. Un monstre décharné et griffu.
1.1. Visualisation générale.
Pazuzu apparaît sous l’aspect d’un être décharné, aux côtes saillantes. Il est doté de deux paires d’ailes, de mains griffues et ses jambes se terminent en serres d’aigle. Son visage est grimaçant et il est doté d’une queue de scorpion. Son apparence est en grande partie à l’origine de certaines représentations occidentales du Diable. En effet, « on retrouve chez les Sumériens, les plus anciennes expressions de démonologie et d’angélologie. Ces notions vont influencer les Assyro-Babyloniens puis le monde hébraïque jusqu’au christianisme. » (1)
1.2. Représentations antiques.
Plusieurs représentations de Pazuzu nous sont connues. L’une d’elles est une statuette de bronze conservée à Paris, au musée du Louvre, et datant du 7ème siècle avant l’ère chrétienne. Ce petit bronze représente Pazuzu vu de face, le corps entouré de ses quatre ailes déployées ; « la tête est surmontée d’un appendice plat, dont le trou est oxydé par le vert-de-gris, qui servait à suspendre la statuette » (2) De fait, l’image de Pazuzu était utilisée comme amulette protectrice, nous verrons pourquoi ultérieurement. Une autre figurine de Pazuzu est également conservée à Paris, au musée Guimet. Bien qu’elle le représente accroupi, son aspect général est semblable à celui de la statuette du Louvre. Ses ailes sont diminuées pour donner moins de prise aux chocs, sa queue de scorpion est ramenée sur le dos et son corps est couvert d’imbrications simulant les écailles. Il existe également des têtes sculptées de Pazuzu conservées au British Museum.
2. Pazuzu, fils de Hanpa.
Particulièrement craint jadis en Mésopotamie, Pazuzu, véritable démon de la dévastation, est, selon cette mythologie, le fils du roi des mauvais esprits, un nommé Hanpa (ou Hampa, Hanbu) : « Moi, je suis Pazuzu, fils de Hanpa roi des mauvais esprits de l’air, qui sort des montagnes, violemment, en faisant rage. » (2) C’est là la titulature reproduite sur le dos de la statuette et supposée donner son efficacité à la conjuration. Dans la mythologie sumérienne, Pazuzu est aussi assimilé au vent du Sud-ouest et propage sur son passage les maladies et particulièrement la malaria. Cet aspect de sa personnalité est largement développé dans « L’Hérétique », le second volet de l’ « Exorciste » (3) Au moustique, qui eut été plus approprié pour un propagateur de malaria, l’on préféra la bien plus biblique sauterelle (vraisemblablement un criquet pèlerin, mais soit) sous l’aspect de laquelle Pazuzu se manifeste dans le film.
3. Le double aspect de Pazuzu.
Nous l’avons vu, les Sumériens portaient l’effigie de Pazuzu en amulette, or, on peut le dire, il est assez rare que l’on porte un talisman pour attirer sur sa personne le déferlement de toutes les maladies possibles ! Le fait est que si Pazuzu était bien considéré comme une entité terrible, un propagateur de maladies, son effigie avait également, dans l’optique moniste qui était vraisemblablement celle des Sumériens, une valeur protectrice. C’est donc pour éloigner les maladies que l’on utilisait l’image de Pazuzu. Le rôle protecteur de Pazuzu est encore souligné par son opposition à Lamashtu, une autre entité démoniaque : « Figure plus récente, attestée à partir du Ier millénaire, le démon Pazuzu est le chef de la gent démoniaque, grand propagateur des épidémies et « roi des mauvais esprits de l’air ». Paradoxalement, l’autorité dont il dispose sur les forces du mal lui donne aussi le pouvoir de les neutraliser. Il est alors invoqué pour conjurer les maléfices de ses congénères, en particulier ceux de Lamashtu, dont il devient presque l’indissociable revers de la médaille. » (4) Lamasthu a notamment la réputation de frapper de fièvres particulièrement virulentes les femmes en pleine grossesse, au point que cela les oblige à avorter. Ce trait de sa personnalité la rapproche de la Mésopotamienne Lilith et de la Lamia hellénique.
Ainsi Pazuzu apparaît-il aussi au revers d’une plaque de conjuration contre Lamashtu, absurdement nommée « plaque des Enfers » et conservée au Musée du Louvre :
-« La démone montée sur son âne brandit des serpents et allaite des lionceaux. La tête dépassant du revers est celle du chef des démons Pazuzu invoqué en faveur du malade (alité au centre, entre des prêtres exorcistes), de même que les grands dieux dont les attributs sont figurés au registre supérieur. Au bout d’une barque, la démone reprend le chemin des eaux souterraines de l’Apsû, signe de la guérison espérée du malade. » (5)
-« Au revers de la plaque (pl. VIII, b), on voit, de dos, un monstre ailé; les ailes sont simplement gravées tandis que le corps est en relief. C’est un corps de fauve, recouvert d’écailles; la queue et le pénis de l’animal se terminent en tête de serpent; les pattes postérieures sont celles d’un aigle; les pattes de devant, qui s’agrippent au sommet de la plaque se terminent en griffes, et la tête qui surmonte la plaque ressemble à celle d’un lion. Il s’agit du pazuzu, le démon qui personnifie, comme nous l’avons dit (p. 99) le vent du Sud-Ouest générateur de fièvres. » (6)
(1) L’Ange déchu, M. Centini, Editions de Vecchi, 2004, p. 22.
(2) La Magie chez les Assyriens et les Babyloniens, Dr. G. Contenau, Payot, 1947, p. 99.
(3) A propos du rôle joué par Pazuzu dans le film L’Exorciste, lire également mon article « Pazuzu’s advocate », mis en ligne, le 14 septembre 2009, sur le site http://atheisme.free.fr/
(4) L’invention du Diable, Le monde de la Bible n°179, Septembre-Octobre 2007, p. 20-21. (5) Ibid., p. 19.
(6) La Magie chez les Assyriens et les Babyloniens, Dr. G. Contenau, Payot, 1947, p. 228.
Eric TIMMERMANS
Bruxelles, le 1er avril 2010.
Sources : Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / La Magie chez les Assyriens et les Babyloniens, Dr. G. Contenau, Payot, 1947 / L’Ange déchu, M. Centini, Editions de Vecchi, 2004 / L’Invention du Diable, Le monde de la Bible n°179, Septembre-Octobre 2007 / Le Prince de ce monde, Nahema-Nephtys et Anubis, Editions Savoir pour Être, 1993.