1. Orphée, fondateur du Sabbat.
En démonologie, Orphée est considéré comme le fondateur du Sabbat satanique. Selon Pierre Le Loyer (célèbre démonographe, 1550-1634), Orphée est le plus grand magicien et le plus grand nécromancien de tous les temps. C’est lui, notamment, qui aurait introduit en Grèce la magie, l’art de lire dans les astres, de même que l’évocation des Mânes.
2. Orphée dans la tradition hellénique.
Orphée était le fils du roi de Thrace Oïagros/Oeagre (ou d’Apollon) et de la Muse Calliope.
Il fut le plus grand poète légendaire du monde hellénique, Apollon l’ayant comblé de dons. Le dieu lui offrit notamment une lyre à sept cordes auxquelles il ajouta deux autres afin que leur nombre corresponde à celui des neuf Muses. Par les sons qu’il tirait de cet instrument, Orphée avait la capacité de s’attirer l’attention aimable non-seulement des humains, mais également des animaux, y compris les bêtes féroces. Les fleuves eux-mêmes s’arrêtaient de couler, les buissons cessaient de bruire et même les rochers semblaient écouter. Par les sons de sa lyre, Orphée su même amadouer les êtres les plus monstrueux : le dragon de Colchide, Cerbère et les Furies elles-mêmes. Il parvint aussi à surpasser le chant des Sirènes.
Orphée jouant au milieu d’animaux sauvages attentifs et fascinés, est l’un des rares motifs païens qui aient été exploités dans l’art chrétien archaïque, notamment dans les catacombes en tant que symbole du Christ-Enseignant et du Bon Pasteur.
Notons que la région de Piérie, en Macédoine méridionale, était célèbre dans l’Antiquité pour le culte qu’on y rendait à Orphée et aux Muses.
Orphée s’embarqua sur l’Argo et accompagna les Argonautes dans leurs aventures, calmant de ses chants les tempêtes et les colères de l’équipage. Il réussit même à couvrir la voix des Sirènes. Après ce périple, il se rendit en Egypte, où il enseigna aux habitants le culte des dieux grecs Apollon et Dionysos.
De retour en Thrace, Orphée épousa la nymphe Eurydice. Mais au soir même de ses noces, voulant échapper aux avances pressantes d’un berger nommé Aristée, Eurydice prit la fuite et fut mordue par un serpent venimeux : elle mourut aussitôt. Désespéré, Orphée demanda à Zeus la permission de descendre aux Enfers pour retrouver son épouse et la ramener sur terre, ce qui lui fut accordé, à la condition toutefois qu’à aucun moment il ne regarde Eurydice avant d’avoir retrouvé le monde des vivants.
A l’occasion de ce voyage infernal, Orphée charma par les sons de sa lyre, Cerbère et les Furies, ce qui lui permit d’entrer dans le royaume d’Hadès et de retrouver Eurydice. Hélas, voulant s’assurer que celle-ci le suivait bien, Orphée voulut la regarder et aussitôt la malheureuse disparut à ses yeux pour toujours. Cette histoire n’est pas sans rappeler celle de la femme de Loth se retournant pour regarder Sodome et qui fut instantanément changée en statue de sel.
Après la mort définitive de sa bien-aimée, Orphée dédaigna l’amour des autres femmes, voulant ainsi rester éternellement fidèle à Eurydice. Il vécut en sauvage, au milieu de la forêt, renonçant à toute compagnie humaine (ou, selon une autre version, se consacra à initier des novices aux mystères d’Apollon). Par dépit et jalousie, les femmes de Thrace (ou les Ménades, ou les Bacchantes, suivantes de Bacchus/Dionysos, l’attitude d’Orphée irritant Dionysos qui prône l’ivresse sacrée) le mirent en pièces : sa tête fut jetée dans l’Hèbre (le chef d’Orphée avait le don de prophétiser) et recueillie à Lesbos, quant à sa lyre, elle fut placée par Zeus parmi les constellations, à la demande d’Apollon et des Muses. Ces dernières donnèrent aux membres rassemblés de l’infortuné Orphée, une sépulture au pied de l’Olympe.
3. L’Orphisme.
Initié en Egypte aux mystères d’Osiris, Orphée passe pour avoir fondé les mystères orphiques d’Eleusis. Cette secte religieuse aurait été fondée dès le début du 6ème siècle (ou 4ème s.) avant l’ère chrétienne. C’est essentiellement dans l’Italie méridionale, chez les adeptes de Pythagore, que ce mouvement a suscité de l’intérêt, et ce bien que la doctrine orphique trouve son origine en Thrace, le pays d’Orphée.
Aujourd’hui encore, l’orphisme reste en partie mystérieux, notamment du point de vue du déroulement et de l’ordonnance des rites.
Comme souvent, c’est la volonté de simplifier les mythes et les doctrines religieuses, devenues d’une telle complexité qu’elles en étaient parfois devenues incompréhensibles, qui est à la source de la naissance de l’orphisme dont le but était de faire sortir du cadre religieux grec traditionnel, c’est-à-dire polythéiste, la figure d’un dieu unique nommé Zeus ou, plus généralement, Dionysos ou Zagréos.
L’orphisme incluait aussi la notion de réincarnation (ou de renaissance) et envisageait donc le passage aux Enfers comme une voie mortificatrice nécessaire à l’épanouissement et à la purification de l’âme.
L’orphisme était, en outre, largement répandu dans toutes les couches de la société gréco-romaine et prépara, pour une bonne part, l’avènement du christianisme : bien souvent, sur les stèles funéraires du début de l’ère chrétienne, on peut voir un Christ ayant les traits et les attributs d’Orphée.
4. Visualisation.
Orphée est généralement représenté vêtu d’une robe orientale et d’un bonnet phrygien. Ce n’est qu’ultérieurement que sa tenue deviendra spécifiquement grecque. La lyre constitue son attribut principal.
Eric TIMMERMANS
Bruxelles, le 27 juillet 2010.
Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Hachette Jeunesse, 2000 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998.