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LE BASILIC ENTRE CROYANCES POPULAIRES ET ALCHIMIE MEDIEVALE






1. Le basilic dans les croyances populaires.

Les croyances populaires ont longtemps véhiculé la légende du basilic. Celui-ci, dit-on, est un être reptilien, un serpent « gros comme le bras » né d’un « œuf de coq » âgé de sept, douze ou quinze ans, couvé par un crapaud (ou un « crapaud venimeux » ou une grenouille ou un serpent) ou par un vieux coq.

Ainsi, à propos du basilic, Hildegarde de Bingen (1098-1179) dit : « Une femelle crapaud, alors qu’elle se sentait fécondée, vit un œuf de serpent, s’assit dessus pour le couver jusqu’à ce que ses (propres) petits viennent au monde. Ils moururent mais elle continua à couver l’œuf du serpent jusqu’à ce que s’y manifeste une vie nouvelle, et cette vie fut placée dès lors sous le signe du serpent de l’Eden… Le petit brisa la coquille, se glissa hors de l’œuf  mais exhala aussitôt de puissantes flammes… Il tue tout ce qu’il rencontre. » (Encyclopédie des Symboles, p. 77-78).

Quant à saint Augustin, il compare le basilic, « roi des serpents », au Diable, « roi des démons ».

La légende du basilic était encore vivace dans nos campagnes au début du 20ème siècle.

Le regard du basilic (assimilé dans la Bible au serpent et au dragon) a la réputation de pétrifier celui qui le regarde trop longtemps et son souffle passe pour être mortel. Ainsi représente-t-il « le pouvoir royal qui foudroie ceux qui lui manquent d’égards ; la femme débauchée qui corrompt ceux qui ne la reconnaissent pas les premiers et ne peuvent, en conséquence, l’éviter ; les dangers mortels de l’existence, que l’on ne saurait apercevoir à temps » et (Dictionnaire des symboles, p. 109) dont la Bible (Psaume 91 (90) : 10-13) prétend que seule la « protection des anges divins » peut préserver :

« Le malheur ne parviendra pas jusqu’à toi, et nul fléau n’approchera de ta tente.
Car il ordonnera pour toi à ses anges de te garder dans toutes tes voies.
Sur leurs mains ils te porteront, de peur que ton pied ne heurte contre la pierre.
Sur le lion et l’aspic tu marcheras, tu fouleras le lionceau et le dragon. » (Crampon)

« Le malheur ne peut fondre sur toi, ni la plaie approcher de ta tente :
Il a pour toi donné ordre à ses anges de te garder en toutes tes voies.
Sur leurs mains ils te porteront pour qu’à la pierre ton pied ne heurte;
Sur le fauve et la vipère tu marcheras, tu fouleras le lionceau et le dragon. » (Jérusalem)

Autour du repaire du basilic –généralement un puits- aucune plante ne pousse : sa seule présence empoisonne l’environnement où il évolue. Le basilic tue donc aussi par les germes de maladies contagieuses qu’il transporte.

Pour se débarrasser d’un basilic, il faut lui présenter un miroir : en s’y regardant, il se foudroie lui-même. Son souffle mortel a également la réputation de pouvoir se retourner contre lui.

Ainsi, un jour, il est dit qu’un basilic sema la mort à Marseille. De fait, il fut un temps où cette ville était alimentée par un grand puits situé dans les environs de l’église de la Major. Mais à une certaine époque, on tira des canalisations pour faire venir l’eau de l’Huveaune, si bien que le grand puits devint inutile et qu’on y entassa nombre de débris et de fragments de toutes sortes. Toutefois, vint le jour où l’on voulut rendre au puits sa fonction première et l’on décida donc de le déblayer. Un premier puisatier descendit au fond du puits et, bien qu’étant de toute évidence en bonne santé, mourut aussitôt après avoir poussé un grand cri. Un autre le suivit et connut un destin tout aussi funeste. Un troisième, enfin, succomba également. On dut bientôt suspendre les travaux de curage et le puits resta inutilisable. On apprit ensuite que ce puits était occupé par un basilic et que c’est lui qui avait foudroyé du regard les trois malheureux puisatiers.

On ne peut, bien entendu, s’empêcher de rapprocher cette légende du mythe de la célèbre Gorgone Médusa dont le regard pétrifiait ceux qui le croisaient.

A l’époque médiévale, on estimera que le Christ lui-même écrasa les animaux cités par le Psaume 91 (90) : 10-13 susmentionné, à savoir le lion et la vipère/aspic/basilic/dragon. Le basilic (assimilé à un serpent ou à un dragon) est ainsi considéré, avec le lion, comme l’un des symboles les plus évidents de la présence diabolique, de même qu’un symbole de la Luxure. Ainsi, à la fin du 15ème siècle, appelait-on la syphilis, le « poison du basilic » (Basilikengift).

On dit aussi que, placée dans une église, une dépouille de basilic en éloigne les araignées et les hirondelles (Normandie) ou encore que le basilic ne craint que la belette lorsqu’elle s’est roulée dans la rue (terme qui désigne ici le végétal et non l’artère…). On dit encore que le basilic est la monture d’un ange infernal nommé Azagel, dont le nom serait repris dans la Kabbale.

2. Le basilic : visualisation.

Le basilic est souvent représenté dans les bestiaires médiévaux et la sculpture romane, sous l’aspect d’un dragon ailé muni d’ergots de coq et d’une queue de serpent entortillée. « C’est une beste qui a la teste, le col et la poitrine comme le coq et le corps comme un serpent. » (Bestiaire de Brunet Latin).

« On le représente sous la forme d’un serpent, avec ou sans ailes, mais avec la tête, le cou et les pattes d’un coq. » (Dictionnaire des superstitions, R. Morel et S. Walter).

On le représente aussi « soit comme un serpent à crête rouge, soit doté d’une tête, d’ailes membraneuses et de pattes de coq, et provient de l’œuf d’un vieux coq couvé par un crapaud. On raconte qu’au XIVe siècle un coq fut publiquement brûlé sur une place de Bâle pour avoir été suspecté de cette ponte criminelle »… (Superstitions et croyances des pays de France, Marie-Charlotte Delmas, p.46)

On décrit généralement le basilic comme une sorte de serpent de grosseur moyenne, long d’une cinquantaine de centimètre et dont la tête est ornée d’appendices qui créent l’apparence d’une couronne, voilà pourquoi il passe pour être le roi des serpents ou encore des reptiles, en général. C’est pour cette raison que lui viendrait son nom de basiliskos (=petit roi). Dans certains cas, on dit que le basilic laisse sa couronne sur la berge lorsqu’il va boire ou se baigner, mais personne n’oserait défier cet être cruel en tentant de la lui subtiliser, ce qui rappelle l’histoire de la vouivre et de son diamant.

3. L’origine alchimique du basilic.

Cette représentation populaire et monstrueuse du basilic semble trouver son origine dans l’alchimie traditionnelle et la légende de ce dernier ne pourrait n’être, en définitive, qu’une énigme alchimique jusqu’ici non résolue.

Le basilic est mentionné dans la plus ancienne formule d’alchimie occidentale qui nous soit parvenue à ce jour. Celle-ci figure dans la Schedula diversarum artium (1110-1140) du moine Théophile. Ce dernier précise que « les ouvriers modernes imitent l’or arabe en ajoutant à l’or blanc un cinquième de cuivre rouge. Ils trompent ainsi beaucoup d’acheteurs étourdis » et que pour faire de l’or espagnol, on se sert de « cuivre rouge, de poudre de basilic, de sang humain et de vinaigre. »

Après avoir souligné l’habileté des « païens » –entendez ici, les Arabes musulmans- à se procurer le basilic, Théophile dit ceci : « Ils ont sous terre une chambre dont le haut, le bas et toutes les parties sont en pierre, avec deux  petites fenêtres si étroites qu’à peine on voit quelque chose à travers. Ils y mettent deux vieux coqs de douze ou quinze ans, et leur donnent suffisamment à manger. Ceux-ci, quand ils sont engraissés, par la chaleur de leur embonpoint s’accouplent et pondent des œufs. Alors on ôte les coqs, et l’on met, pour couver les œufs, des crapauds ; on leur donne du pain en nourriture. Les œufs couvés, il en sort des poulets mâles comme les poussins des poules, auxquels au bout de sept jours croissent des queues de serpent ; aussitôt, si la chambre n’avait un pavement de pierre, ils entreraient dans la terre. Pour prévenir cela, ceux qui les élèvent ont des vases d’airain ronds, de grande capacité, perforés de toutes parts, dont les orifices sont resserrés ; ils y placent ces poulets, bouchent les orifices avec des couvercles de cuivre, les enfouissent sous la terre ; et les poulets se nourrissent six mois de terre fine qui pénètrent dans les trous. Après cela, ils enlèvent les couvercles et allument un grand feu jusqu’à ce que les animaux soient dedans entièrement brûlés. Lorsque c’est refroidi, ils retirent et broient soigneusement, y ajoutant un tiers de sang d’un homme roux : ce sang desséché sera trituré. Ces deux choses réunies sont détrempées de vinaigre fort dans un vase propre. Ensuite on prend des lames très minces de cuivre rouge très pur, on y met de chaque côté une couche de cette préparation, et l’on met au feu. Quand elles sont chauffées à blanc, on retire, on éteint et on lave dans la même préparation ; on fait ainsi jusqu’à ce que la préparation ronge le cuivre de part en part, et prenne de là le poids et la couleur de l’or. Cet or est propre à tous les ouvrages. » (L’alchimie au Moyen Âge, Wilhem Ganzenmüller, p.18-19).

Cette étrange histoire de coqs et de crapauds ne serait qu’un rébus dont nous n’avons pas encore saisi la réelle signification. Cette apparence surnaturelle ne serait destinée qu’à cacher aux non-initiés un secret alchimique. En outre, le « basilic » et le « sang d’homme roux » sont des termes hermétiques, très courants dans les recettes alchimiques. En alchimie, le basilic symbolise également le feu dévastateur qui prélude à la transmutation des métaux.

A noter encore qu’au 14e siècle, un moine franciscain nommé Berthold Schwarz (=Berthold le Noir), tenta, dit-on, de transformer du mercure en or mais, sachant que le mercure contenait un basilic, il tenta de le neutraliser…et c’est ainsi qu’il parvint à découvrir la formule de la poudre noire (qui sera prioritairement utilisée comme poudre à canon). Ladite poudre sera conservée par un autre moine nommé Roger Bacon, qui la connut lui-même par un grimoire grec parvenu jusqu’à lui vers 1250.

Rappelons aussi que si le nom du Basilic vient, comme nous l’avons vu, du grec basiliskos qui signifie « petit roi », ce terme semble faire écho au terme latin de regule qui signifie également « petit roi » et qui servit à désigner l’antimoine.

4. Ocimum basilicum.

L’Ocimum basilicum –le basilic donc- est une plante annuelle de la famille des Lamiacées. Parfois nommée erronément « pistou » elle constitue la base du « pesto », un condiment de la cuisine italienne. Dans certaines traditions, les feuilles de basilic sont supposées renfermer des pouvoirs magiques. En phytothérapie, on utilise également le basilic mélangé à d’autres ingrédients.


Eric TIMMERMANS.
Bruxelles, le 28 novembre 2009.


Sources :

-Bible de Jérusalem, Cerf, 1998.
-Bible du chanoine A. Crampon, Société de Saint Jean l’Evangéliste, 1939.
-Dictionnaire des superstitions, R. Morel et S. Walter, Marabout, 1972.
-Dictionnaire des symboles, J. Chevalier et A. Gheerbrant, Robert Laffont/Jupiter, 1982.
-Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003.
-Encyclopédie des Symboles, Michel Cazenave, Librairie Générale de France, 1999.
-L’alchimie au Moyen Âge, Wilhem Ganzenmüller, Marabout, 1974.
-Le Prince de ce monde, Nahema-Nepthys et Anubis, Editions Savoir pour Être, 1993.
-Superstitions et croyances des pays de France, Marie-Charlotte Delmas, Editions du chêne, 200
3. 
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