1. Une déesse entre Erotisme et Maternité.
Déesse égyptienne de la Prostitution, de l’Erotisme, de l’Amour et de toutes les festivités qui s’y rapportent (danse, joie, musique), Hathor (ou Hâtor, Athyr), qui est parfois aussi considérée comme la déesse des régions lointaines de l’Egypte ancienne, telles que le Pount ou les régions minières du Sinaï, peut être comparée à des déesses telles que Vénus, Aphrodite ou Astarté. Pour cette raison, on a voulu opposer Hathor la Prostituée à Mout la Mère, mais c’est là, semble-t-il, une opposition par trop simpliste, Hathor ayant également en charge les attributs et les fonctions de la Mère. De fait, Hathor, qui est une des premières divinités célestes, incarne le principe universel de vie et de nourriture divine. Elle symbolise donc aussi le principe reproducteur. Ainsi existe-t-il une Triple Hathor –qui n’est pas sans rappeler la Triple Hécate ou encore la Triple Brighid, et ce bien que la déesse égyptienne, à la différence d’Hécate et de Brighid, n’appartienne pas à la civilisation indoeuropéenne- qui est « Mère des origines », « Mère enceinte », mais également, initiatrice.
Hathor, que les Egyptiens considéraient tout à la fois comme la mère et la fille de Rê, revêt aussi un aspect guerrier et un aspect sexuel, charnel. Ainsi la nomme-t-on aussi « Œil de Rê », à l’instar des déesses lionnes telles que Sekhmet ou Pakhet. En effet, dans des tombes du Nouvel Empire, on a retrouvé un récit, le « Livre de la vache du ciel », qui lui donne ce qualificatif. Rê aurait décidé d’envoyer Hathor sur la terre pour punir les hommes de leur impiété, mais il se ravisa au dernier moment à l’idée du carnage qui se préparait. Pour calmer la fureur guerrière d’Hathor, il faudra l’enivrer en lui faisant boire de la bière teintée de rouge, afin de lui donner l’impression qu’elle boit du sang. Ce mythe n’est pas sans rappeler celui de la déesse hindoue Kâlî rendue folle furieuse par le sang des démons qu’elle avait ingurgité au cours de son combat contre eux, mais surtout celui de la déesse égyptienne Sekhmet qu’il recoupe. Les fidèles d’Hathor n’hésitaient pas à s’enivrer pour mieux communier avec elle et des fêtes qui incluaient la prostitution rituelle étaient organisées en l’honneur de la déesse. Cette forme de prostitution était notamment pratiquée le premier jour de l’année, jour anniversaire d’Hathor.
2. Hathor, mère d’Horus le Jeune et épouse d’Horus l’Ancien.
Il est dit que si Nekhen et Ouadjet personnifient Hathor dans le monde sensible, Isis et Nephtys représentent son aspect connu dans l’univers. L’apparentement d’Hathor avec Isis est tel que l’on dit aussi qu’elle est la mère d’Horus enfant (=le Soleil) ou la Maison d’Horus, soit le sein dans lequel l’Horus solaire s’enferme chaque soir sous la forme d’un faucon (ou aigle, rapace), pour renaître le matin. Il est même parfois difficile de distinguer Hathor d’Isis tant on a fini par les identifier l’une à l’autre. On présente aussi Hathor comme l’épouse d’Horus l’Aîné (elle apparaît sous cet aspect dans son temple de Dendérah) dont elle eut Horus le Jeune, réincarnation du premier. Durant la période hellénistique, on célébrait les noces de cet Horus et d’Hathor le 18e jour du 9e mois. Les prêtres transportaient par bateau la statue d’Hathor de son sanctuaire de Dendérah à Edfou (rive ouest du Nil), où elle cohabitait durant quinze jours avec Horus l’Ancien. Hathor se voyait, à cette occasion, gratifiée de nombreux noms tels que « Dame des déesses », « la Dorée », « Dame de l’Ivresse »… Dix mois après cette noce (temps de gestation habituel chez les dieux…), on annonçait la naissance d’Harsomtous. D’autres fêtes étaient organisées en l’honneur d’Hathor, fêtes qui incluaient vraisemblablement la prostitution rituelle pratiquée à cette époque, notamment le premier jour de l’année, jour anniversaire de la naissance d’Hathor.
3. Une Vache céleste entre Vie et Mort.
Hathor a été identifiée aux différentes vaches cosmiques célestes –encore un point commun avec la déesse irlandaise Brighid qui apparaît également liée au symbole de la vache blanche- qui, chaque matin, accouchent du soleil. Elle est donc devenue, de ce fait et de manière assez paradoxale, une déesse-mère mais également une déesse des morts auxquels elle peut promettre la renaissance. Aussi les morts désirent-ils être reçus dans l’escorte d’Hathor au moment de mourir.
Les suivantes de la déesse sont appelées les Sept Hathor avec lesquelles la déesse constitue l’ogdoade féminine qui nourrit les nouveaux nés et fixe leur destin. De fait, les Sept Hathor étaient réputées présider aux accouchements et pouvoir prédire l’avenir des nouveaux nés. Mais si la vache céleste Hathor nourrit les vivants de son lait, elle nourrit également les morts avec la nourriture céleste qu’elle transporte sur son dos, fonction symbolisée par le sycomore, d’où la déesse tire son nom de « Dame du sycomore ». On nomme aussi Hathor « Dame du devenir au commencement » ou encore « Celle qui est au-devant des dieux ». Sous son aspect nourricier, Hathor « mère du Soleil », était également considérée comme la nourrice de pharaon et la protectrice des femmes.
On le voit, Hathor apparaît donc clairement comme une divinité à deux visages, tournée tant vers le temporel que le spirituel.
4. Visualisation et attributs.
4.1. On représente parfois Hathor sous la forme d’une vache sauvage (ou à tête de vache entre les cornes de laquelle irradie un soleil, à oreilles de vache…) fréquentant les rives marécageuses du Nil. Elle porte le disque solaire qui rappelle son rôle de mère de Rê, de même qu’un pendentif en forme de nénuphar –que l’on confond souvent avec le lotus-, fleur considérée comme le lieu de naissance du soleil de la création, ce qui peut renvoyer à son rôle primordial de vache céleste et n’est pas sans rappeler le mythe hindou de la naissance du dieu Brahma dans une fleur de lotus justement.
4.2. Hathor est parfois représentée (Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, environ 350 avant l’ère chrétienne) avec un visage de face et deux de profil, accompagné d’un personnage se tenant à ses côtés. Peut-être cette visualisation renvoie-t-elle à Hathor sous sa forme de déesse triple.
4.3. Hathor est parfois représentée un sistre à la main, cet instrument étant supposé posséder le pouvoir de chasser les démons et les mauvais esprits.
4.4. La nature réelle de la déesse, invisible, ne pouvait, quant à elle, être connue que par un nombre limité d’initiés.
5. Les sanctuaires d’Hathor.
5.1. A Abou Simbel, un petit temple était dédié à Hathor et Néfertari, l’épouse préférée de Ramsès II.
5.2. A Deir el-Bahari, Hathor était honorée, comme nous l’avons dit, sous la forme d’une vache sauvage et était représentée par l’iconographie funéraire de la montagne thébaine dont elle était la déesse tutélaire, parmi un fourré de papyrus des bas-fonds marécageux des rives du Nil.
5.3. A Thèbes, Hathor était la patronne de la rive montagneuse des morts. Elles protégeaient ces derniers à leur arrivée dans le nouveau monde.
5.4. A Memphis, la déesse était réputée habiter un sycomore sacré, arbre traditionnellement considéré comme un protecteur des défunts, à proximité du temple de Ptah.
5.5. C’est le temple de Dendérah, à une soixantaine de kilomètres au nord de Louxor, qui fut le principal sanctuaire d’Hathor, et ce dès les premières dynasties. Les colonnes de ce temple la montrent sous son aspect nourricier. De fait, la déesse apportait à tous ceux qui pénétraient dans son temple, une nourriture terrestre et un enseignement spirituel. C’est également la statue qui se trouvait dans ce temple qui, tous les ans, le quittait pour plusieurs jours, afin de célébrer son divin mariage avec Horus l’Ancien, à Edfou. Le pèlerinage durait plusieurs jours, en cortège de barques, sur les 170 kilomètres qui séparaient Dendérah d’Edfou. Sur le chemin du retour, la déesse s’arrêtait à Karnak pour aller à la rencontre de Mout, à Kôm Mer pour visiter Anoukis et à Hiérakonpolis, pour rencontrer Horus le Jeune.
5.6. En outre, les villes d’Itfou et d’Atfih furent également consacrées à Hathor, qui fut aussi vraisemblablement vénérée dans les régions africaines bordant la mer Erythrée jusqu’à la pointe de la côte des Somalis.
6. Hathor serait-elle le Veau d’Or ?
Enfin, peut-être doit-on reconnaître dans le culte du Veau d’Or évoqué dans un passage célèbre de l’Exode (32 : 4 : « Celui-ci reçut d’eux cet or, le travailla au burin et en fit un veau de métal. Et ils dirent : C’est ici ton Dieu, Israël, qui t’a fait sortir du pays d’Egypte »), un témoignage de la dévotion du peuple hébreu pour la déesse Hathor. Ainsi, se croyant abandonnés par Moïse, les Hébreux se seraient-ils naturellement tournés vers la divinité nourricière universelle. Selon la Bible de Jérusalem (Cerf, 1998, p.149), il ne s’agirait en aucun cas de Yahvé personnifié sous une forme bovine mais peut-être, comme le suggère Robert-Jacques Thibaud dans son Dictionnaire de mythologie et de symbolique égyptienne, d’un culte dédié à Hathor.
Eric TIMMERMANS ©
Bruxelles, le 5 août 2010.
Sources : Bible de Jérusalem, Cerf, 1998 / Dictionnaire de mythologie et de symbolique égyptienne, Robert-Jacques Thibaud, Dervy, 1996 / Dictionnaire historique de l’Egypte, Pierre Norma, Maxi-Poche Histoire, 2003 / Dieux et déesses de l’ancienne Egypte, Bernard Van Rinsveld, MRAH, 1994 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Petit dictionnaire des dieux égyptiens, Alain Blottière, Zulma, 2000.