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CERNUNNOS, LE DIEU AUX BOIS DE CERF

 

 

 

 

 

1. Cernunnos, un dieu cornu non diabolique.

 

Cernunnos (ou Cernunno, Kernunnos) nest en aucun cas un diable ni un démon. Cest un dieu celtique, et peut-être même préceltique, dont le nom signifie le « Cornu ». Et cest justement son aspect de dieu cornu qui, à la suite de Pan, la fait assimiler au Diable par le christianisme. On voit, certes, en Cernunnos, un « Seigneur des Enfers », mais cette qualité infernale, comme dans le cas du dieu grec Hadès, par exemple, doit être prise dans le sens de « monde des morts » et non comme le synonyme d’un royaume des peines perpétuelles tel que le conçoit le christianisme. Cernunnos est aussi un Maître des animaux, un Roi des forêts, un dieu de la Chasse qui incarne le renouveau de la Nature : les moissons ne proviennent-elles pas du domaine souterrain où règne ce dieu redoutable ? Cest également un dieu de la Magie. En tous les cas, Cernunnos est une divinité importante qui est parfois identifiée au Dis Pater, cest-à-dire, le Souverain de l’univers souterrain qui règne sur le monde des Morts (que lon enterre) et qui patronne la fertilité (les grains germent dans le sol). Dans la mythologie galloise, la massue de la Vie et de la Mort (on se réfèrera également, à ce propos, au Sucellos gaulois et au Dagda irlandais) se retrouve dans les mains dun dieu gigantesque, flanqué dun cerf, qui règne sur tous les animaux et, sans doute, sur tous les êtres vivants. Il sagit vraisemblablement là dun proche parent de Cernunnos.

 

2. Visualisation.

 

2.1. Cernunnos est souvent représenté accompagné dun cerf ou/et porteur de bois de cerf sur le front ou/et doreilles animales aux tempes. Il est aussi généralement représenté âgé, barbu et moustachu, assis en tailleur et arborant un torque autour du cou.

 

2.2. Valcamonica : Cernunnos apparaît pour la première fois sur une peinture rupestre de Valcamonica attribuée à lâge du fer. Il est représenté debout, vêtu dune longue tunique et couronné de bois de cerf. Dans une main il tient un torque et dans lautre un serpent.

 

2.3. Gundestrup : Sur le célèbre chaudron de Gundestrup, Cernunnos trône sur une des plaques intérieures dudit chaudron, assis en tailleur, la tête surmontée de deux immenses bois de cerf : il tient dans la main droite un torque, dans la main gauche un serpent « à tête de bélier » (comme à Valcamonica). Un cerf se tient à ses côtés. Animaux sauvages et poissons lentourent.

 

2.4. Autun : A Autun (Sommerécourt), deux serpents sapprochent de la coupe que Cernunnos tient dans ses mains.

 

2.5. Reims : A Reims, Cernunnos est représenté la tête ornée de bois de cerf, trônant en majesté, les pieds repliés sous lui, entre Apollon et Mercure. Le dieu libère dun sac un « flux » qui semble fait de grains ou de pièces de monnaie. Un cerf et un taureau à tête de griffon sy nourrissent ou sy désaltèrent. Un rat placé au-dessus du groupe, semble attendre, immobile.

 

2.6. Pilier des Nautes (Paris) : A Paris, sur le pilier des Nautes des Parisii, Cernunnos est figuré sur le « dé » Castor-Pollux-Smertrios. On voit le buste de Cernunnos, les oreilles pointues, chauve et barbu, les cornes ornées de deux torques (ou de bracelets). Cette représentation est identifiée par linscription [C] ERNUNNOS, règne de Tibère (14-37 de lère chrétienne).

 

2.7. Montagnac : A Montagnac (Hérault), une inscription gallo-romaine datant du 3ème siècle avant lère chrétienne est dédiée au dieu dAlisontea nommé Karnonos, peut-être un autre nom de Cernunnos.

3. Un aspect du Chasseur infernal ?  

 

Hélas, du fait de la perte de la tradition orale, les mythes qui se rattachent à Cernunnos ne sont pas parvenus jusquà nous. Peut-être existe-t-il toutefois un rapport entre Cernunnos et le Chasseur infernal Hellequin, meneur de la célèbre « mesnie » du même nom ? Cela est assez incertain mais mérite dêtre souligné en suivant les réflexions dHenri Rey-Flaud et de Patrice Lajoye.

 

« Il nest pas exclu quau cours de sa lente gestation, durant la longue nuit qua connu lOccident médiéval, depuis la fin de la période romaine jusquà la résurrection de lan Mil, le rituel se soit enrichi dapports originellement étrangers au mythe primitif. Ainsi a pu être récupérée par le charivari (mais aucune certitude nest ici possible) la figure du dieu celtique Cernunnos, le dieu aux ramures de cerf, dieu de la reproduction, dont les cornes caduques repoussaient à chaque printemps nouveau, donnant lieu à des cérémonies sacrées qui rappellent étrangement les rites charivariques : « Chaque année (à cette époque), les Gaulois allaient chasser des cerfs et des biches dans la forêt. Ils les sacrifiaient, les dépouillaient, saffublaient de leurs peaux encore fraîches et se livraient ainsi déguisés à des danses effrénées ». Le culte du dieu-cerf celtique offrait donc une figure prédestinée, tout à fait propre à supporter les instincts des « sociétés de jeunes », dans leurs raids contre les biens et surtout contre les femmes de ceux quils méprisaient. » (Le Charivari, Rey-Flaud, p. 79-80)

 

Mais il est également possible que le rapport entre Cernunnos et Hellequin ne soit finalement quétymologique, comme nous lexplique Patrice Lajoye (« Hellequin, le dieu au bois de cerf et le Dagda », Patrice Lajoye, Bulletin de la Société de Mythologie Française n°202, 1er trimestre 2001, p.2 à 13). « Quel rapport peut-il donc bien y avoir entre (C) ernunnos et la mesnie Hellequin ? Peut-être tout simplement le mot « hellequin » lui-même. On a voulu faire de Hellequin un dérivé du nom dun personnage historique mais le plus souvent ce mot sest vu affubler dune étymologie germanique, ce qui nest pas logique puisque « hellequin », sous ses différentes formes, ne se rencontre quen pays de langue doïl ou dans les pays actuellement de langue germanique mais qui furent brittoniques ou gaulois avant les Grandes Invasions (Flandres et Angleterre). Jamais « hellequin » na été rencontré dans des domaines purement germaniques. Un étymon britto-gaulois soumis à des influences germaniques durant le haut Moyen Âge est par conséquent plus probable. »

 

Patrice Lajoye souligne, en outre, que « Or sil y a bien un dieu gaulois dont le nom est remarquablement proche de cette forme, cest le célèbre (C ) ernunnos du pilier des Nautes de Paris, le dieu au bois de cerf. La première lettre de ce nom na jamais été attestée, elle a été rétablie par comparaison avec le mot breton signifiant « corne ». En tout cas, deux hypothèses se posent. Ou bien le « C » a bel et bien existé mais a fini par chuter par linfluence du germanique « Hern » (« corne »), ou bien celui-ci na jamais existé et alors il faut lire Hernunnos. » () « Par contre Herne le chasseur, esprit qui hante la forêt de Windsor, dont parle William Shakespeare dans ses « Joyeuses Commères », synthétise bien les deux personnages que sont Hellequin et (C ) ernunnos. Cest un chasseur fantôme, donc cest aussi un anti-pourvoyeur (il fait flétrir les plantes et tarir le lait des vaches), ce qui est une diabolisation de labondance. Enfin il possède comme attribut majeur des bois de cerf. »

 

Eric TIMMERMANS©

Bruxelles, le 23 août 2010.

 

 

Sources : Bulletin de la Société de Mythologie Française n°202, 1er trimestre 2001 / Dictionnaire historique des Celtes, Pierre Norma, Maxi-Poche Histoire, 2003 / Essai de dictionnaire des dieux, héros, mythes celtes, Claude Sterckx, Société Belge d’Etudes Celtiques (SBEC), 1998 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / LAnge déchu, M. Centini, Editions de Vecchi, 2004 / Lascension dune dynastie gauloise La gloire des Sedatii, G.-C. Picard, Perrin, 1990 / Les Celtes : fureur et immortalité, G. Nenzioni et F. Giromini, Papermint, 1979 / Les Celtes Histoire et Dictionnaire, Venceslas Kruta, Robert Laffont, 2000 / Les Celtes Les dieux oubliés, Marcel Brasseur, Editions Terre de Brume, 1996 / Le Charivari Les rituels fondamentaux de la sexualité, Henri Rey-Flaud, Payot, 1985 / Lépopée celtique dIrlande, Jean Markale, Petite Bibliothèque, Payot, 1973 / Nouveau dictionnaire de mythologie celtique, Jean Markale, Pygmalion, 1999.  

 

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