1. Bès, une divinité aux nombreuses fonctions.
Bès est une divinité domestique apparue dès la plus haute antiquité égyptienne mais dont l’apparence léonine ne rappelle en rien les traits habituels des dieux du panthéon égyptien. Il s’agit d’un dieu guerrier, et même un dieu de la Guerre, mais il patronne également les arts, notamment la danse. Comme on le représente de face, Bès fut assimilé à un « gardien du seuil », associé aux lieux de passage, et à un protecteur du foyer, et plus précisément des femmes en couches et des enfants. C’est par ses danses et ses grimaces, et au son d’instruments de musique magiques, que Bès écarte les êtres malfaisants et autres mauvais esprits susceptibles de s’en prendre aux femmes et aux enfants, particulièrement lors des accouchements. De manière plus générale, Bès a pour mission de tenir à distance les entités malfaisantes du monde sethien. (=Seth, frère d’Osiris et oncle d’Horus) réputées vivre sous la terre (on reconnaît là l’image traditionnelle, chère au christianisme, du Diable vivant dans les profondeurs de la terre) ou au plus profond du désert. Bès fut également invoqué pour les guérisons et, à l’époque ptolémaïque, il rendit également les oracles, dans le temple funéraire de Séti Ier, à Abydos. Un temple lui fut également dédié dans l’oasis de Bahariya. Vénéré jusqu’à la fin de l’époque pharaonique, Bès survécut même un temps au christianisme. Quant à l’islam, il fit de lui un démon hantant, le soir venu, les ruines de Karnak.
2. Visualisation et attributs.
Bès apparaît sous les traits d’un être grotesque, petit et disgracieux, parfois coiffé d’une couronne de plumes, le visage large et plat, le ventre proéminent, le sexe bien apparent –son caractère ithyphallique apparaît d’ailleurs très clairement sur une petite statuette, célèbre à Ephèse, dans l’actuelle Turquie- , et portant une barbe épaisse, ce visage n’étant pas sans rappeler la gueule et la crinière du lion. Au Nouvel Empire (-1580 / -1090), on le représente doté d’ailes et à l’époque gréco-romaine, on le voit armé d’une épée et d’un bouclier. Il aurait emprunté son apparence léonine au génie Aha (=le Combattant) que l’on trouve sur des ivoires en défense d’hippopotame que l’on offrait, en guise de protection, aux femmes qui venaient d’accoucher. C’est de Aha aussi que semblent lui venir ses jambes fléchies qui rappellent les pattes de l’animal d’un lion dressé sur ses pattes postérieures. Ses oreilles arrondies évoquent également le lion. Son unique vêtement, à savoir une peau de léopard serrée autour des reins, dont la queue pend, à l’arrière, entre ses jambes, alors que la tête du félin repose sur sa poitrine, renforce encore cet aspect de fauve redoutable qui distingue Bès dans le panthéon égyptien. Cette peau de léopard a une valeur de protection et de conservation de la puissance sexuelle. L’étrangeté de son apparence pouvait laisser croire en une origine africaine de cette divinité qui était supposée, selon la légende, avoir été rapportée de Nubie par une déesse dite la « déesse lointaine », elle même ramenée par l’antique dieu Onouris, mais l’hypothèse de l’origine africaine de Bès a finalement été écartée (on pensait aussi que l’aspect de Bès se référait aux Pygmées). On a représenté le dieu sur nombre d’objets usuels, ainsi que sur certains monuments et certains temples. Ses attributs habituels sont les couteaux ou les instruments de musique qui évoquent tant sa mission de protecteur que son rôle au cours des fêtes de la naissance. Toutefois, l’attribut principal de Bès est la boucle Sa invoquée avec Thouéris, la déesse-hippopotame, pour favoriser les accouchements (à comparer au Têt, symbole lié à la déesse Isis et qui, devenu un hiéroglyphe, semble être la boucle d’une ceinture, à savoir le principe féminin de la fécondité, souvent associé au pilier Djed, axe vertical reliant le monde céleste et le plan terrestre ; le Sa de Bès ne correspond cependant qu’à un symbolisme limité au plan terrestre).
Eric TIMMERMANS
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Bruxelles, le 20 juillet 2010.
Sources : Dictionnaire de mythologie et de symbolique égyptienne, Robert-Jacques Thibaud, Dervy, 1996 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 / Dieux et déesses de l’ancienne Egypte, Bernard Van Rinsveld, Musées Royaux d’Art et d’Histoire (MRAH) de Bruxelles, 1994/ Dictionnaire historique de l’Egypte, Pierre Norma, Maxi-Poche Références, 2003 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998 / L’Ange déchu, M. Centini, Editions de Vecchi, 2004 / Petit dictionnaire des dieux égyptiens, Alain Blottière, Zulma, 2000.