1. Bélénos : étymologie.
Le nom de Bélénos signifie peut-être « brillant », « éclatant » ou encore « resplendissant ». L’étymologie du nom de ce dieu gaulois permet de rapprocher l’élément –bel de la racine indo-européenne –guel (=briller), ce qui, selon les experts, serait un témoignage de son caractère solaire.
2. Bélénos, un aspect de l’Apollon celtique ?
César a assimilé Bélénos à un aspect de l’Apollon celtique, dieu solaire par excellence, mais également dieu médecin : « Apollinem morbos depellere » (=Ils –les Gaulois- croient qu’Apollon chasse les maladies). Bélénos est, de fait, un dieu guérisseur attaché aux eaux vivifiantes. C’est essentiellement un « donneur de vitalité et de santé ». Or, le culte de l’Apollon celtique est étroitement lié à celui des sources et des eaux vives et son histoire est à mettre en relation avec les yeux. Ainsi les sources sont-elles considérées comme des « yeux d’eau » en langues celtiques. Et la source auprès de laquelle est né l’Apollon celtique, fait exploser les yeux de ceux qui osent la regarder indûment. A l’inverse, ces eaux sacrées possèdent des vertus particulières pour la guérison des maux oculaires. En outre, dans les langues celtiques, le Soleil est nommé l’ « œil du créateur », ce qui semble convenir parfaitement à un dieu solaire tel qu’Apollon-Bélénos. Ajoutons encore que l’on peut, non-seulement, établir une relation avec le dieu irlandais Bel, d’un point de vue étymologique, mais également avec les dieux, également irlandais, Diancecht, le dieu-médecin des Tuatha dé Danann, et Aonghus le Mac Oc (=le Jeune Fils). Bélénos, dieu solaire et dieu guérisseur, n’est-il pas également nommé Iovantucaros (de « juvent », « jeunesse) et Iatromantis (Devin Médecin) ? Quoiqu’il en soit, en tant que dieu guérisseur, Bélénos apparaît comme une divinité de « troisième fonction productive ».
3. Saints Guidon et Willibrord, christianisations de l’Apollon celtique ?
Le culte de certains saints chrétiens est lié, lui aussi, aux eaux vives et aux soins des yeux. Ainsi l’eau que l’on peut trouver dans la crypte dédiée à saint Willibrord, à Echternach (Grand-Duché de Luxembourg), est réputée posséder des vertus bénéfiques pour les yeux. De même, jadis, dans la commune bruxelloise d’Anderlecht, à l’emplacement où la légende chrétienne situe le lieu de la mort de saint Guidon, patron de la localité, s’élevait une petite chapelle où fut captée une eau réputée souveraine pour les maladies des yeux. Saint Guidon qui, toujours selon la légende, guérit plusieurs aveugles, était donc également un saint guérisseur. Il était, en outre, un protecteur du bétail. Or, la fête celtique de Beltaine (fête du 1er mai dédiée à Bel ou Bélénos), nom qu’il convient de mettre en relation avec celui de Bélénos, inclut un aspect de protection du bétail. L’Apollon hellénique est notamment appelé Lycien en tant que dieu protecteur des troupeaux contre les loups. Ne nomme-t-on pas aussi Bélénos Defensor (=Défenseur) et Sanctus (=Saint) ? Les cultes des saints Guidon et Willibrord ne seraient-ils donc que des christianisations de cultes bien plus anciens ? L’affirmer sans autres preuves ni références serait certainement par trop hardi, mais la question mérite d’être posée et gageons que plus qualifiés que nous pourrons répondre à cette question avec toute l’attention qu’elle mérite.
4. Sur les traces de Bélénos.
En Gaule, et ailleurs sur le continent, Bélénos est connu par 97 citations. Or, César semble avoir cité les dieux gaulois en fonction de la fréquence et de l’intensité du culte qui leur était rendu. Bélénos arrive ainsi au second plan, juste après Lugos. Le premier témoignage de Bélénos est une inscription en caractères grecs sur un vase trouvé à Calissane (Bouche-du-Rhône, France). Deux inscriptions ont également été signalées dans les Alpes, l’une à Suse, l’autre à Bardonnèche, où un temple à Bélénos a été découvert. Au Richardet, au-dessus d’Oulx, un sanctuaire a livré 21 vases votifs portant des dédicaces à Bélénos. Et d’autres inscriptions confirment que Bélénos a eu des adorateurs dans les pays d’Europe centrale (Norique, Illyrie), de même qu’en Italie du nord et dans le sud de la Gaule (Cisalpine et Transalpine). Bélénos était notamment réputé être le dieu du Norique et le patron de la ville d’Aquilée (Vénétie, Italie). Le nom de Bélénos se retrouve, en outre, dans nombre de noms de lieux : Béligny, Bellenot, Belin (Normandie), Bélène (Jura), Beauregard, Mirebel, Belvoir… Enfin, au 4ème siècle, le poète Ausone signale encore une famille de druides attachée au culte de Bélénos.
5. Visualisation.
La seule représentation connue de Bélénos semble être une gemme trouvée à Nîmes (Gard, France). Elle montre un dieu mitré et barbu, vêtu d’un manteau brodé d’étoiles. L’authenticité est toutefois douteuse.
Eric TIMMERMANS.©
Le 16 juillet 2010.
Sources : Essai de dictionnaire des dieux, héros, mythes et légendes celtes, fascicule 1, Claude Sterckx, 1998 / La légende de la mort, Tomes 1 et 2, Anatole Le Braz, Terre de Brume Editions, 1994 / Les Celtes – Dieux oubliés, Marcel Brasseur, Terre de Brume Editions, 1996 / Les Celtes et l’expansion celtique, Henri Hubert (La renaissance du livre, 1932), Albin Michel, 1974 / Les Celtes, fureur et immortalité, G. Nenzioni et F. Giromini, Papermint, 1979 / Les Celtes – Histoire et dictionnaire, Venceslas Kruta, Robert Laffont, 2000 / Les fêtes celtiques, Françoise Leroux et Christian Guyonvarc’h, Editions Ouest-France Université, 1995 / Nouveau dictionnaire de mythologie celtique, Jean Markale, Pygmalion, 1999.