1. La naissance d’Aphrodite.
Il existe deux versions de la naissance d’Aphrodite. Selon Homère, cette déesse serait la fille de Zeus et de Dioné, mais selon une autre version, Aphrodite serait née de la semence d’Ouranos, émasculé par Cronos. Cette semence tomba dans la mer et la déesse apparut au creux d’une vague, aussi blanche et aussi belle que l’écume. Le nom d’Aphrodite dérive d’ailleurs du terme aphros qui signifie l’ « écume de la mer » ou « née de l’écume ». Une œuvre d’Apelle, peintre d’Alexandre le Grand, représente Aphrodite surgissant des flots marins. Elle fut destinée au sanctuaire d’Ascalaphos, dans l’île de Cos. Cette peinture, qui a fait la célébrité de ce sanctuaire, a hélas disparu. Il semble que l’histoire de la naissance d’Aphrodite résulte de la fusion de deux légendes d’origine hittite.
2. Une déesse « marine » de la Vie universelle.
L’origine marine d’Aphrodite en a naturellement fait une déesse protectrice des marins. Son culte était donc particulièrement répandu dans les villes portuaires et dans les îles. Ainsi en était-il de Chypre qui en était le centre principal et le plus ancien. Traditionnellement, c’est d’ailleurs au large de l’île de Chypre que la déesse serait sortie des flots marins. En effet, à peine avait-elle surgi de la mer, dans un grand coquillage nacré, que la déesse fut poussée vers Cythère, puis vers les rives de l’île de Chypre, par le vent Zéphyre. De là vient son nom d’Aphrodite Cypris ou encore d’Aphrodite Cythérée. Par la suite, Zéphyre confia Aphrodite aux Heures qui, bienveillantes, se chargèrent de son éducation. Elles lui firent également cadeau d’une ceinture qui la rendit irrésistible. Aphrodite est généralement assimilée à une déesse de la Beauté et de l’Amour. Soulignons toutefois qu’elle est aussi, et même avant tout, une déesse de la Fécondité. Ainsi préside-t-elle au mariage, aux naissances, à la fécondité du foyer. Elle favorise également la fertilité des champs.
3. Les attributs d’Aphrodite.
Cette déesse compte parmi ses attributs un certain nombre de végétaux et d’animaux. Parmi les premiers on remarquera, tout particulièrement, les fruits aux nombreux pépins, symboles de la force fécondantes : pomme, grenade, pavot… Le myrte et la rose lui sont également consacrés. Parmi ses animaux-attributs, on compte des oiseaux comme la colombe, le pigeon, le cygne, ou l’oie (sur un plat attribué à Pistoxénos et datant d’environ 460 avant l’ère chrétienne, Aphrodite chevauche une oie prenant son envol). On trouve également le bélier, le bouc ou le lièvre, en raison de leur prolixité.
4. La Pomme de discorde.
En tant que déesse de la Beauté et de l’Amour, Aphrodite s’est tout particulièrement illustrée dans la célèbre histoire de la « pomme de discorde ». Eris, que l’on nomme la « Mère de tous les maux », n’ayant pas été invitée aux noces de Pélée et de Thétis, s’imposa à l’assistance et lança au milieu d’elle une pomme d’or sur laquelle étaient écrits ces quelques mots : « A la plus belle ». Ce geste avait pour but de semer la discorde entre les déesses Aphrodite, Athéna et Héra. Sur ordre de Zeus, Hermès plaça les trois déesses en présence de Pâris, fils de Priam, roi de Troie, qui dut juger de leur beauté. C’est sur le mont Ida de Troade que ce déroula le jugement et c’est finalement à Aphrodite que Pâris remit la « pomme de discorde » d’Eris. La beauté supérieure d’Aphrodite se voyait ainsi reconnue, ce qui provoqua la verte jalousie des deux autres déesses qui, désormais, poursuivirent Pâris d’une indéracinable haine et prirent, pour cette raison, le parti des Grecs contre Troie. Aphrodite, quant à elle, prit le parti des Troyens et fit naître entre Hélène et Pâris, un amour d’une intensité sans égale, la déesse ayant promis à Pâris que s’il la choisissait, elle lui donnerait la plus belle femme du monde. Athéna lui promit de le rendre invisible au combat et Héra voulut lui donner l’Asie pour empire, mais Parîs préféra la belle Hélène, ce « cadeau empoisonné » qui signa la perte de Troie.
5. Aphrodite, une déesse redoutable.
Déesse de l’Amour, de la Beauté, de la Fécondité, de la Fertilité (de son nom dérive le terme « aphrodisiaque »), Aphrodite n’en n’est pas moins, comme nous venons de le voir, une déesse redoutable. Ainsi, elle favorise les passions les plus intenses, encourage l’adultère et incite les mortels à la luxure. Aphrodite apparaît, dans ce cas, sous l’aspect d’une « déesse fatale ». Sa ceinture magique, en outre, donne à celui ou celle qui la porte, l’étrange pouvoir d’être perpétuellement désirable.
Examinons quelques actes de cette déesse qui peut, lorsqu’elle le veut, se révéler terrible :
-Aphrodite poussa Myrrha, qui avait négligé son culte, à ressentir pour son père un amour incestueux.
-La déesse suscita dans le cœur de Phèdre un intense amour pour Hyppolyte, protégé d’Artémis, et tous deux trouvèrent la mort.
-Aphrodite poussa Léda, épouse de Tyndare, le roi de Sparte, à commettre l’adultère avec Zeus, puis condamna la descendance qui naquit de cette union à des amours tumultueux, tout cela parce que Tyndare avait omis de réserver la part d’Aphrodite lors d’un sacrifice.
-Aphrodite conçut également un amour violent pour Adonis. Cette histoire est la reproduction d’un mythe phénicien relatant l’amour d’Astarté pour Adonis.
6. Aphrodite, une origine orientale ?
Si l’on sait généralement qu’Aphrodite a été assimilée, assez tardivement (2ème siècle de l’ère chrétienne), à la déesse romaine Vénus, notons toutefois que son caractère redoutable évoque également la déesse orientale Astarté, dont la plupart des rites se retrouvent dans le culte d’Aphrodite. L’origine du culte d’Aphrodite serait donc, vraisemblablement, au moins en partie, d’origine orientale. En Egypte, Aphrodite est assimilée à Hathor et la déesse fut vénérée à Aphroditopolis, une ville située près de Memphis où l’on vénérait, dans un temple, une vache blanche traditionnellement consacrée à la déesse Hathor. La vache blanche renvoie aussi, notamment, à la déesse irlandaise Brighid. A noter toutefois que la tradition égyptienne à laquelle appartient Hathor ne s’inscrit pas, contrairement à Brighid (et à Aphrodite), dans le contexte indo-européen. Nous faisons donc cette comparaison à titre purement indicatif.
7. La déesse aux nombreux amants.
7.1. Epouse d’Héphaïstos, qu’elle trompa souvent, Aphrodite entretint une relation passionnée avec le dieu de la Guerre, Arès. Elle lui donna plusieurs enfants, parmi lesquels Eros (dont on fait abusivement un pendant du Cupidon latin) et Antéros. Des amours d’Aphrodite naquirent aussi Harmonie, Deimos (=la Terreur) et Phobos (=la Crainte). Toutefois, les deux amants furent un jour surpris par Héphaïstos qui les fit prisonnier dans un filet de sa conception. Mal lui en prit, car les dieux rirent au moins autant de la déconvenue des deux amants prisonniers que du mari trompé ! Honteuse de cette déconvenue, Aphrodite quitta l’Olympe pour un temps…et devait à nouveau tromper Héphaïstos avec, notamment, Dionysos, Hermès et Poséidon.
7.2. Dans le cas d’Hermès elle ne fut cependant pas consentante. Aphrodite s’étant refusée à lui, Hermès lui vola une de ses sandales et n’accepta de la lui rendre que lorsque la déesse céda et se décida à lui offrir ses charmes. De cette union naquit un être hybride : Hermaphrodite.
7.3. Des amours d’Aphrodite et de Dionysos, naquit Priape.
7.4. La déesse aima également nombre de mortels. Ainsi, Anchise à qui elle donna Enée, ancêtre des Julii dont Jules César prétendait descendre. La ville de Rome était d’ailleurs placée sous la protection de Vénus-Aphrodite. D’autres mortels furent aimés de la déesse : Cinyras, le roi de Chypre ; Pygmalion, qui fabriqua une statue en ivoire de la déesse, tant il en était amoureux ; Phaéton (=le Brillant) ou encore Boutès (=Berger), l’Argonaute.
7.5. Mais le grand amour d’Aphrodite fut, sans conteste, Adonis, qui suite à un jugement de Zeus se vit dans l’obligation de vivre un tiers de l’année avec Aphrodite, un autre tiers avec Perséphone, restant libre d’aller où bon lui semble, le troisième tiers. Cela correspond au cycle de la végétation dont Adonis est un symbole. C’est également la reproduction d’un mythe phénicien évoquant l’amour d’Astarté pour Adonis.
Les temples d’Aphrodite.
Outre son sanctuaire de Chypre (Idalie), Aphrodite fut adorée dans bien d’autres temples : Cythère (sur le mont Eryx, dans l’ouest de la Sicile), Paphos, Cos, Cnide, Athènes, Thèbes, Mégare, Patras, Argos, Scyon, Corinthe (appelée « Ephyra » par Homère). Ce dernier fut l’un des principaux centres de culte d’Aphrodite et doit sa célébrité du fait de son emplacement sur un isthme.
9. Les multiples noms d’Aphrodite.
-Anadyomène (=Sortie des flots).
-Androphanos est la « Tueuse d’hommes ».
-Callipyge (=Celle aux belles fesses).
-Cythérée, du temple de Cithère.
-Epithymbia est « Celle des tombes ».
-Erycine, du temple d’Eryx, en Sicile.
-Genetrix, déesse de la génération.
-Hétaïra (ou Porné) est la protectrice des courtisanes.
-Kypris, du temple de Chypre.
-Mélaenis est dite la « Noire ».
-Nikêphoros (=Qui donne la victoire). La déesse est alors figurée nue jusqu’à la ceinture et se regarde dans un miroir.
-Nymphia (=Déesse du mariage).
-Pandemos est l’incarnation de l’Amour vulgaire.
-Pélagia (ou Pontia), déesse de la navigation.
-Pontia (ou Pélagia), déesse de la navigation.
-Porné (ou Hétaïra) est la protectrice des courtisanes.
-Scotia est dite la « Sombre ».
-Urania (=Amour idéal). Aphrodite fut adorée sous ce nom à Argos, Athènes et Scyon. Elle apparaît là sous les traits d’une déesse digne et grave.
10. Visualisation.
Aphrodite est généralement représentée nue ou à demi vêtue d’un mince voile qui moule les formes de son corps. Toutefois, dans l’art archaïque et sur les poteries, Aphrodite est plus généralement représentée vêtue. Ce n’est qu’ultérieurement, au cours de la période classique, qu’elle apparaît totalement ou partiellement nue. Sur une amphore ionique datant du 6e siècle avant l’ère chrétienne, conservée à Munich, Aphrodite apparaît même somptueusement vêtue dans le contexte du « jugement de Pâris ». Plusieurs œuvres de Phidias la montrent également vêtue. A noter encore, qu’un sujet courant dans l’art hellénique est l’Aphrodite au bain, telle la statue de Dédalsas, datant du 3e siècle avant l’ère chrétienne, conservée au Louvre. Comme toutes les grandes déesses, Aphrodite peut être accompagnée d’un cortège de Nymphes, Heures, Tritons, Néréides…
Eric TIMMERMANS
Bruxelles, le 2 juillet 2010.
Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Livre de Poche Jeunesse, 2000 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998.