1. Déméter, la déesse des Moissons.
Déesse grecque des Moissons, de l’Agriculture et, plus généralement, de la Fertilité, Déméter favorise la germination du blé, céréale sur laquelle reposait, pour une bonne part, l’économie hellénique. Les Grecs ont donc tout naturellement multiplié les légendes se rapportant à la déesse. Ainsi est-il dit que Déméter apprit aux hommes l’art de semer et de labourer afin que prenne fin leur vie nomade. Voilà la raison pour laquelle Déméter est, de manière plus générale, considérée comme la déesse de la vie sociale organisée. Elle est le symbole de la civilisation antique dont elle assura l’épanouissement socio-économique par l’abondance des récoltes.
2. La famille de Déméter.
Fille de Cronos et de Rhéa, petite-fille de Gaïa, Déméter est également la sœur de Zeus duquel, transformé pour l’occasion en taureau, Déméter eut une fille nommée Perséphone (ou Coré, Proserpine dans la tradition romaine ; Perséphone fut également identifiée à Cérès). De l’union de Déméter et de Zeus naquit également un fils nommé Iacchos. Déméter s’unit également à Poséidon : la déesse se changea en jument pour échapper au dieu, mais celui-ci se métamorphosa en cheval et parvint à la rejoindre. De cette union naquit le coursier Areion que l’on représente muni d’un pied humain et de la parole, ainsi qu’une fille nommée Despoena. Si l’union de Déméter avec Zeus et Poséidon fut imposée à la déesse, il est dit qu’elle s’unit par contre librement au Titan Iason dans un champ trois fois labouré. De l’union de Déméter et de Iason devait naître Ploutos, le dieu de l’Abondance. Rendu furieux par cette union, Zeus foudroya Iason.
3. Les attributs de Déméter.
Parmi les attributs de Déméter, on compte l’abeille, le myrte, le narcisse et la brionne (plante toxique grimpante également nommée « faux houblon » ; v. aussi Bryone dioïque). En outre, Déméter s’étant rendue, en Attique, chez Phytalos, qui appartenait à la classe sacerdotale des Phytalides (de phytos : plante) voués au culte de la déesse, celle-ci lui donna l’olivier (ou le figuier).
4. Déméter et le rapt de Perséphone.
Perséphone fut élevée par les nymphes. Alors qu’elle jouait avec elles et cueillait des fleurs dans la plaine d’Eleusis (Attique), elle aperçut soudain un beau narcisse dont elle entreprit de couper la tige. C’est alors qu’un bel homme aux yeux et aux cheveux sombres, monté sur un char attelé de chevaux noirs, lui apparut. C’était Hadès, son oncle, qui, surgissant des Enfers, enleva la jeune déesse. Celle-ci poussa un cri déchirant qui alerta sa mère. Déméter quitta immédiatement l’Olympe mais arriva trop tard pour empêcher Hadès d’entraîner Perséphone dans le royaume des morts. Pendant neuf jours et neuf nuits, Déméter erra sur la Terre, une torche dans chaque main, à la recherche de sa fille. Au dixième jour, le dieu Hélios la prit en pitié et lui révéla le nom de son ravisseur. Déméter entra alors dans une grande colère et refusa de rejoindre l’Olympe tant que sa fille ne lui serait pas rendue. Elle prit l’aspect d’une vieille femme et se réfugia à Eleusis, une petite ville de l’Attique sur le golfe du même nom. Là, elle se fit engager comme nourrice et fut bientôt très appréciée par Céléos et Métanira, les souverains de cette région. Afin de les remercier de leur hospitalité, Déméter voulut accorder l’immortalité à leur fils Démophon. Pour ce faire, elle lui fit boire l’ambroisie, la boisson des dieux. Elle le souleva ensuite au-dessus du feu afin de « consumer son humanité », mais fut surprise à ce moment précis par Métanira qui fut particulièrement effrayée par ces pratiques magiques. Surprise par l’arrivée inopinée de la souveraine, Déméter lâcha Démophon dans le feu. Suite à cet incident, Déméter finit par enseigner l’art de labourer, de semer et de moissonner les céréales à Triptolème, l’autre fils du couple royal. Toutefois, depuis que Déméter avait quitté l’Olympe, la Terre était devenue stérile et la famine, de même que les épidémies, menaçaient les mortels, à tel point que Zeus dût intervenir et exiger d’Hadès de rendre Perséphone à sa mère. Ensuite, il confia à Hermès le soin d’aller la rechercher. Hélas, Perséphone ayant commis l’imprudence de mordre dans une grenade (ou un grain de grenade), au cours de son séjour chez les Morts (déjà le péché originel !), ce qui d’un point de vue magique lui interdisait tout retour parmi les vivants, Hadès refusa de la libérer. Un compromis put finalement être trouvé : Perséphone reçut l’autorisation de passer neuf mois de l’année dans l’Olympe mais elle devrait rester les trois autres mois dans les Enfers (d’autres sources évoquent deux périodes égales de six mois). A la première période de la vie annuelle de Perséphone, celle de neuf mois, correspond l’époque où les jeunes pousses, à l’instar de Perséphone (qui rejoint alors l’Olympe) elle-même, sortent de la terre sous la protection de Déméter. La seconde période correspond aux semailles des grains de blés enfouis, tout comme Perséphone, qui a à ce moment regagné le domaine infernal souterrain. Toutefois, les mystères d’Eleusis ne se contentaient pas de cette explication agricole et voyaient également dans ce mythe un symbole du cycle perpétuel de mort et de résurrection.
5. Les mystères d’Eleusis.
Même si les lieux où l’on assura avoir accueilli la déesse Déméter lorsqu’elle était à la recherche de sa fille, sont nombreux, c’est à Eleusis que s’implanta le sanctuaire le plus important dédié à Déméter et à Perséphone, et où se développa le culte particulier dits des « mystères d’Eleusis », réservé aux seuls initiés. Un chemin long de 22 km relia Athènes à Eleusis. Les Athéniens le nommèrent la « route sacrée » et prirent part au culte d’Eleusis dès le 7e siècle avant l’ère chrétienne. En l’honneur de Déméter qui avait appris à Triptolème l’art de l’agriculture, on célébra la fête dite des Thesmosphories, à laquelle correspondait la période de la sortie du blé des silos, où il avait été placé après le battage, jusqu’à ce qu’en octobre, le moment des semailles soit venu. Cette fête était célébrée dans de nombreux pays grecs, en novembre, après les récoltes de l’année et les semailles d’hiver. Célébrées, à l’origine, en hiver, ces fêtes devinrent, dès –650 / -600, des mystères réservés aux seuls initiés. Ces mystères, nommés Eleusina, se divisaient en Petites et Grandes Eleusines. Les premières marquaient le retour de Perséphone, en février, ce qui rejoint le mythe de la résurrection et correspond à l’initiation du premier degré. Les néophytes se livraient, à cette occasion, à des purifications et à des pratiques ascétiques. On les entretenait des révélations qui leur seraient faites ultérieurement. Les Grandes Eleusines, quant à elles, se déroulaient tous les cinq ans à Eleusis –qui passait alors pour le centre de l’agriculture- et à Athènes, au mois de septembre, passées les chaleurs d’été. C’est alors que les adeptes obtenaient de la déesse, la révélation du mystère de la vie et de la mort. C’était le couronnement de la grande initiation. Les aspirants, précédés de la statue de Iacchos, formaient une procession et empruntaient la « voie sacrée » séparant Athènes d’Eleusis, afin d’accompagner les reliques de Déméter et de Perséphone. Pendant toute la durée des célébrations, l’abstinence et la chasteté étaient obligatoires. La fête se clôturait toutefois par des danses et un banquet.
6. Visualisation.
Déméter est généralement représentée dans la statuaire sous l’apparence d’une femme vêtue et digne. Elle est aussi parfois représentée assise sur un trône (Déméter de Cnide, 4e s. avant l’ère chrétienne) ou encore, couronnée d’épis, une torche dans la main droite et une gerbe d’épis dans la main gauche.
Eric TIMMERMANS.
Bruxelles, le 1er juillet 2010.
Sources : Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Livre de Poche, 1996 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998.