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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 17:40

 

 

 

 

1. Cerbère dans la tradition gréco-latine.

 

Perçu comme un démon infernal par le christianisme, comme nous allons le voir, Cerbère (Cerberus, en latin, Kerberos, en grec) est, comme on le sait, issu de la mythologie gréco-latine. Il a pour parents Typhon (que les Grecs ont assimilé au dieu égyptien Seth) et Echidna. Le premier est un monstre effrayant dont le corps est couvert d’écailles et dont les cent gueules vomissent du feu. Quant à Echidna, il s’agit d’une femme-serpent. Leur rejeton, Cerbère, revêt, quant à lui, l’aspect d’un chien monstrueux qui garde l’entrée et la sortie des Enfers (ceux-ci, rappelons-le, n’ayant pas la même signification que l’Enfer judéo-chrétien indissociable de l’idée de damnation et de peines éternelles), un antre situé au bord du Styx. Sa morsure est venimeuse. Il est dit que Cerbère permet aux ombres des morts d’entrer dans les Enfers, mais point d’en sortir. Quant aux mortels qui tenteraient de pénétrer dans le royaume des morts, ils seraient impitoyablement déchiquetés. Certains d’entre eux, toutefois, sont parvenus à tromper ou à vaincre le chien infernal : Orphée (qui le charma à l’aide de sa lyre), Déiphobé, la Sibylle de Cumes, Psyché, Héraklès. A noter, cependant, que dans l’Antiquité (Properce, 47-15 avant l’ère chrétienne), il est dit que, durant la nuit, les âmes de morts sont libérées et vont à l’aventure, de par le monde, Cerbère faisant de même. Mais lorsque le jour approche, tous retournent vers le Léthé.

 

2. Visualisation.

 

Cerbère possède cinquante (Hésiode) ou cent (Horace) têtes, mais on le représente généralement sous une forme tricéphale, le dos (ou le cou) couvert de serpents venimeux, doté d’une queue de dragon ou de serpent, et, parfois, de griffes de lion. En outre, Grecs et Romains représentaient aussi le dieu égyptien à tête de canidé, Anubis, sous les traits de Cerbère (Virgile).

 

3. Cerbère en démonologie.

 

3.1. Les démonologues de la Renaissance firent de Cerbère, chien infernal de la tradition hellénique, un démon que lon conjurait au cours de séances dexorcisme.

 

3.2. En 1565, le nom de Cerbère apparaît dans le cas de possession dune femme du pays de Laon. Il possède ladite femme au côté dAstaroth, Légion et Belzébuth. Dans la même affaire, lon dit encore de Cerbère quil est capable dévoluer tant sur terre que dans leau et les airs, et quil est un démon très pernicieux.

 

3.3. Jean Wier, dans sa Pseudomonarchia daemonum lassimile à un certain Nabérus ou Nébiros désigné comme « maréchal de camp de lEnfer » et décrit de la manière suivante : « marquis du sombre empire et inspecteur général des armées. Il se montre sous la figure dun corbeau ; sa voix est rauque ; il donne léloquence, lamabilité et enseigne les arts libéraux. Il fait trouver la main de gloire ; il indique les qualités des métaux, des végétaux, et de tous les animaux purs et impurs ; lun des chefs des nécromanciens, il prédit lavenir. Il commande à dix-neuf légions. » La référence au corbeau peut surprendre, mais il est dit, en effet, en démonologie, que Cerbère, sous sa forme démoniaque, apparaît non-seulement sous la forme dun chien tricéphale aux dents noires et à la morsure mortelle, mais également sous celle dun corbeau.

 

3.4. Cerbère apparaît aussi dans laffaire de Loudun (1632-1634) sous le nom de Cèrebère des Principautés. Il est, dit-on, le démon qui posséda Jeanne De Barbesier. Il était placé sous le cœur et son signe de sortie sera délever Jeanne de deux pieds de haut. Cèrebère obsèda également, dans cette même affaire, sœur Angélique.

 

3.5. Dante (1265-1321) lévoque dans la Divine comédie (Enfer, chant 6) : « Cerbère, bête cruelle et monstrueuse, aboie de ses trois gueules de chien contre les damnés qui sont là submergés ; il a les yeux rouges, les poils noirs et gras, le ventre large et les pattes garnies de griffes ; il écorche les esprits, les déchire et les écartèle. La pluie les fait hurler comme des chiens ; les misérables damnés se font les uns aux autres un rempart de leurs flancs et se retournent sans cesse. Dès quil nous aperçut, Cerbère, ce grand ver [cerbero il gran vermo], ouvrit ses gueules et nous montra ses défenses ; il navait pas un membre qui ne fut agité. Alors mon guide ouvrit les mains, prit de la terre, et à pleines poignées la jeta dans les gorges avides de la bête. Tel un chien se débat en aboyant et sapaise dès quil mord sa pâture, tout occupé de la dévorer à lécart ; tel le démon Cerbère ferma ses mâchoires impures qui étourdissent si fort les âmes, quelles voudraient être sourdes. »

 

3.6. En 1580, une certaine Marie Martin, après avoir été confrontée à un prétendu « surintendant du sabbat » fut jugée et condamnée par les juges de Montdidier (Somme, Picardie, France) pour avoir confectionné, avec les os des morts du cimetière de Neuville-le-Roi, une « poudre noire » permettant de faire périr ou languir ses ennemis. Elle confectionnait cette poudre, prétendit-on, en brûlant lesdits os et en invoquant laide dun « malin esprit » nommé Cerberus. Marie Martin fut condamnée à la pendaison.

 

4. Cerbère en astronomie.

 

4.1. Une constellation boréale porte le nom de Cerbère. Elle comprend quatre étoiles entourant une étoile centrale appelée la « main dHercule » (Hercule/Héraclès, lors de ses célèbres Douze Travaux, avait effectivement en partie étouffé Cerbère).

 

4.2. Sur la planète Mars existent des fractures dans le sol qui portent le nom de « Fosses de Cerbère » (Cerberus Fossae). Cest par ces fosses que se serait produite jadis lénorme inondation qui serait à lorigine de la mer gelée découverte en février 2005 sur cette planète par la sonde européenne Mars Express.

 

http://a10.idata.over-blog.com/2/45/75/05/VisuelsDivers/Hades_With_Cerberus.jpg

Eric TIMMERMANS

Bruxelles, le 15 avril 2010.

 

 

Sources : Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au moyen âge, Claude Lecouteux, Imago, 1999 / Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 / Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 (dont p. 618) / Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003 / Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 / Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 / Le Prince de ce monde, Nahema-Nephtys et Anubis, Editions Savoir pour Être, 1993 / Livre des superstitions, Eloïse Mozzani, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1995 / Œuvres de Dante Alighieri, La Divine comédie : traduction A. Brizeux, Charpentier Libraire-Editeur, 1853.

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